Citations de Stéphane Soutoul (407)
L'automne est réputé pour sa douceur apaisante, avec ses arbres chamarrés de feuillages flamboyants et ses brises mélancoliques. Minuit était passé et la ville de Saint Martyr tout entière se laissait aller à la quiétude nocturne. Pas un bruit dans les rues pavées, nulle âme pour troubler la sérénité des lieux. Le silence de minuit et son voile de ténèbres régnaient en maître en cette saison propice aux rêveries.
Mylène y était dans son élément, un vrai poisson dans l’eau. Elle s’épanouissait sans cesse au fil des jours et son visage, autrefois maladif, avait repris de belles couleurs. Elle semblait avoir rajeuni. La magie de Tante A, ainsi que son assistance, exerçait sur elle un bienfait impressionnant.
Question : qu’est-ce qu’une fille bien sous tous rapports déclare lorsqu’elle se trouve en présence du jeune homme qui ne la laisse pas indifférente ? Réponse de la sorcière la plus dégourdie de Salem : qu’elle a les fesses robustes. Ouais, je sais, c’est pas terrible…
Je me mordis les lèvres, consciente que ma réponse était stupide. Si je n’avais pas été aussi penaude, je me serais flanqué une claque de dépit.
Les petites villes à l’image de Salem sont toujours avides de ragots. Bien évidemment, la réalité s’était vue déformée, amplifiée, et on murmurait maintenant que le jeune musicien avait participé à une fusillade dans son quartier. Comme toujours au bahut, les andouilles qui croyaient tout savoir racontaient des niaiseries à tort et à travers, en se moquant des conséquences.
Je m’étais attendue à ce que la proximité quotidienne avec lui soit frustrante. Je savais que de ne pouvoir ni lui parler ni écouter le son de sa voix serait difficile, voire déchirant. Toutefois, je n’aurais jamais imaginé une telle animosité de sa part. Une tension palpable crépitait entre nous sans que je parvienne à expliquer sa nature. À ma plus grande incompréhension, il m’était impossible de reconnaître le garçon que j’avais appris à apprécier et à comprendre… Cette âme à laquelle je m’étais attachée. Bon, c’est vrai que repousser la main compatissante qu’il m’avait tendue avant les vacances pouvait justifier une certaine méfiance, mais tout de même… Je savais que Benjamin n’était pas du genre à détester quelqu’un pour une raison aussi puérile.
J’avais la sensation désagréable d’évoluer dans un rêve. Un mauvais rêve. Revoir Benjamin, même fugacement, aurait dû m’emplir de joie, mais ce n’était pas le cas, loin de là. L’expression que j’avais lue sur ses traits n’avait rien d’amicale. Elle m’avait flanqué la chair de poule et ne présageait rien de bon pour la suite. Nom d’un chien, quel regard hostile il m’avait lancé !
Quand on parle du loup, on le tient par la queue.
En plus d’être une enquiquineuse hors pair, Aline était aussi rusée qu’une renarde. Elle possédait toutes les qualités requises pour devenir plus tard une grande reporter ou une enquêtrice. Je plaignais les gens sur qui se focaliserait son attention, elle mettrait à jour leurs secrets en moins de deux.
prends garde à ce que tu souhaites, tu pourrais l’obtenir… Des paroles pleines de sagesse.
Beaucoup de gens sont réfractaires à la magie et à la sorcellerie. J’ignorais si Mylène accepterait l’idée que son fils ait été sauvé grâce à des pratiques mystérieuses, dont la nature échappe au commun des mortels.
Les émotions fortes génèrent des effets inattendus sur le corps.
Inutile de se voiler la face : certains miracles représentent le plus beau cadeau que l’on puisse recevoir.
Je pris conscience de cette réalité le jour où Tante A épargna un sort épouvantable à Benjamin. À l’aide de la sorcellerie et des incantations dont elle détenait le secret, elle s’employa à faire mentir le pessimisme des équipes médicales qui ne croyaient pas en une guérison possible. Pour cela, elle s’était enfermée plusieurs minutes avec son jeune patient dans la chambre de réanimation. J’ignore à quels enchantements elle eut recours pour remettre à neuf ses artères endommagées et sa colonne vertébrale brisée.
La perspective de ne plus jamais entendre la voix chaude et rassurante de Benjamin me terrifiait. Je voulais à nouveau sentir son regard sur moi, écouter les accords de sa guitare, partager ses rêves et ses espoirs.
Il ne devait pas quitter ce monde à cause d’une arme à feu. Égoïstement, j’avais besoin de sa présence. Le simple fait de savoir que Benjamin existait quelque part, même loin de moi, suffirait à mon bonheur. Les personnes comme ce garçon étaient trop rares, pour que son étincelle de vie puisse s’éteindre comme une chandelle qu’on soufflerait prématurément.
Pour être honnête, j’ignorais si les pouvoirs de ma tante étaient capables de guérir une personne dépendante à l’alcool. Une fois de plus, je m’en voulus de ne pas avoir suivi ses cours de sorcellerie avec plus de sérieux.
Cette maison est beaucoup trop calme sans toi. Nous t’aimons tous, même si on se montre parfois un peu sévères… C’est pour ton bien.
Mon acharnement avait payé. À cœur vaillant, rien d’impossible !
La compréhension de l’autre est la clé de tout. La vie et ses sentiments sont trop précieux pour en gâcher une miette.
Je m’étais plainte à maintes reprises que Madame la Chance n’était pas de mon côté durant les derniers jours écoulés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette dernière avait décidé de se faire pardonner ses caprices au moment opportun.
Mets-toi ça une bonne fois pour toutes dans la caboche : on peut faire ce qu’on veut avec de l’argent ! Je vais dénicher de nouveaux hommes de main qui me débarrasseront des cadavres que j’ai laissés derrière moi. Les rues sont pleines de mecs qui ne demandent qu’à bosser pour mon compte. Personne ne s’inquiétera de votre disparition, à toi et à ta mère. Mes affaires immobilières pourront reprendre leur cours comme si vous n’aviez jamais existé.
Les histoires les plus belles sont peut-être celles qui n’ont aucune chance de perdurer, qui sait ?
Bercée par la chaleur de ses bras, il s’en fallut de peu pour que je m’endorme aux côtés du jeune homme. Mes paupières étaient lourdes, comme mon cœur. Cependant, la séparation imminente était nécessaire. Nos chemins devaient se séparer bientôt, et personne ne changerait rien à cette fatalité.