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Citations de Stéphane Zagdanski (337)


Stéphane Zagdanski
C’est ainsi que le «lys d’or», rescapé d’une Annonciation disparue, passe
tel un flambeau entre Reine et Simon. Simon remarque l’objet en vitrine «entre un buste grec et une tête de Bouddha» (soit entre Grèce et Chine), mais c’est
Reine qui l’acquiert. Le choix du y («i grec») est dès lors décisif: l’injonction
lisse d’un lis (Lis!) n’est pas la double branche fière et fluide d’un lys. Et
lorsque le narrateur imagine Reine en religieuse, elle se dédouble aussitôt telle
une figure «cubiste», à savoir en l’occurrence taoïste
47. Le lys d’or accomplit
une scission, une amputation du christianisme par l’instrument du taoïsme afin
d’isoler le catholicisme de la religiosité qui l’encombre : Delgrave, le patron du
Centre d’études religieuses, «spécialiste du Testamentaire», «ne peut pas
supporter la Chine, son vide rempli, son bleu et blanc, ses flottements, ses
raffinements...». Projet conforme à cette maxime de Lie-tseu: «Par le silence et
le vide on atteint ses demeures.» Le roman est ainsi amputé de sa dernière partie
réduite à une note explicative: «Au manuscrit était jointe une note: “Préciser que
le lys d’or a été donné au narrateur.” Ainsi que deux formules du Livre de la
Voie et de la Vertu. La première: “Quand il réussit, il s’identifie au succès;
quand il échoue, il s’identifie à l’échec.” L’autre: “Retirer son corps quand
l’œuvre est accomplie, telle est la Voie du Ciel.” C’est tout.»
Et c’est bien assez clair.
P 49
47 «Je n’avais parlé que de vous en commentant des poèmes Tang.»
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Stéphane Zagdanski
Dans Le lys d’or, le narrateur est «professeur de Chinois au Centre d’études
religieuses», amoureux d’une jeune femme aristocrate, «Reine de Laume»
(Orianne de Guermantes est «princesse des Laumes» dans la Recherche), avec
laquelle il entretient une étrange liaison, mi-confession, mi-analyse inversée
(elle le paie pour l’écouter et le lire).
Il s’agit en quelque sorte de faire se rejoindre les temps chinois et français,
à travers le catholicisme mais à son insu, masqué et marqué par la Grèce.
L’exergue sur les «fleurs d’or» est tiré de la deuxième Olympique de Pindare,
d’un passage plus précisément consacré au «château de Kronos» (Kronou tursîn:
«la tour fortifiée du Dieu-Temps»).
P 48
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Stéphane Zagdanski
Puisque l’inceste heureux permet de briser le cercle des générations, il est
logique que le récit déponctué de l’inceste se déploie sur lui-même et se
ressaisisse dans son propre reflet infini. C’est ainsi que «paradis 2» surgit dans
ParadisII:
«laurie va acheter les journaux au village et les journaux
vont finir dans le sable comme s’ils n’avaient jamais existé et
l’un d’eux raconte peut-être en dix lignes la parution de paradis 2
vous savez ce truc sans ponctuation milliers de grains noirs serrés
illisible absolument illisible»
Le sable et les milliers de grains noirs font penser à Pindare, que Sollers
cite juste avant que n’apparaisse nommément Laurie: «la muse assemble l’or
avec l’ivoire blanc et la fleur de lys».
Ce qui nous amène au Lys d’or.
P 48
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Stéphane Zagdanski
Une autre situation incestueuse est évoquée dans Paradis II, entre le
narrateur et «Laurie». Qui est Laurie par rapport au narrateur? On ne le saura
pas exactement: «laurie seize ans rayonnante cheveux blonds yeux bleus visage
moqueur d’athéna c’est ma sœur ma nièce ma fille ma petite-fille»
P 47
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Stéphane Zagdanski
À la page qui suit, le «contrat» est clairement énoncé, que l’inceste
théologique dénonce. «né-pas-né-encore-né-plus-né-toujours-né-rené essayez de
leur dire qu’elles vont accoucher d’un petit ressuscité ça jette un froid ange qui
passe ah bon s’ils doivent pas mourir j’en fais plus na grogne maman sous son
voile je croyais qu’on avait besoin de moi tu comprends»
P 47
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Stéphane Zagdanski
Puisqu’il y a deux sortes de contrats, il y a deux sortes de doublures, aussi
différentes l’une de l’autre que le clonage l’est de la citation.
L’art de Sollers, dont on va bientôt voir ce qu’il doit à la pensée chinoise,
consiste à accentuer la division pour scinder le monolithisme mortifère de la
multiplication, laquelle n’est qu’un artifice en vue d’une imparable unification.
Le programme de la procréation universelle tourne en boucle. Les diverses
technique contemporaines artificielles de fécondation (d’où la jouissance
sexuelle est par définition absente) et de procréation (promotion commerciale
d’un eugénisme non dissimulé) accentuent d’une manière radicale
l’automatisme spectaculaire de la mort.
Au contraire, l’inceste fictif, heureux, dédramatisé, innocenté en somme,
crée son autonomie secrète pour contrer cet automatisme de plus en plus
mécanisé de production capitaliste du vivant.
p 46
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Stéphane Zagdanski
Puisqu’il y a deux sortes de contrats, il y a deux sortes de doublures, aussi
différentes l’une de l’autre que le clonage l’est de la citation.
L’art de Sollers, dont on va bientôt voir ce qu’il doit à la pensée chinoise,
consiste à accentuer la division pour scinder le monolithisme mortifère de la
multiplication, laquelle n’est qu’un artifice en vue d’une imparable unification.
Le programme de la procréation universelle tourne en boucle. Les diverses
technique contemporaines artificielles de fécondation (d’où la jouissance
sexuelle est par définition absente) et de procréation (promotion commerciale
d’un eugénisme non dissimulé) accentuent d’une manière radicale
l’automatisme spectaculaire de la mort.
p 46
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Stéphane Zagdanski
Plus loin, après une autre crise, le narrateur fait l’amour avec les deux
héroïnes (ou du moins héroïques) Liv et Sigrid. «Si une femme vous aime, elle
est deux», écrit alors Sollers. «Si une femme ne vous aime pas, elle ne pense
qu’à une autre femme qu’elle croit haïr, alors qu’elle la désire de toutes ses
forces dans le but de vous détruire d’un commun désaccord.»
Ailleurs, les deux amies du narrateur sont comparées à ses sœurs, comme
pour démontrer la parenté désunifiante du lesbianisme et de l’inceste.
p 46
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Stéphane Zagdanski
Le roman commence par ce que le narrateur nomme une «crise»,
expérience intérieure, brutale et nauséeuse, perte subite de conscience, rappel
désordonné de son corps qui l’arrache à la dimension plane de son existence, soit une émotion qu’il refuse de soigner et préfère méditer.
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Stéphane Zagdanski
Pourquoi la société secrète est-elle dite du «Cœur Absolu»? Par référence à
un «désir» purement qualitatif, non relatif, incomparable, inéchangeable, mais
renouvelable et transmissible, dont les deux maximes, citées par Sollers, sont:
«Le désir mesure la profondeur du cœur.» (saint Augustin), et: «Le temps infini
contient la même somme de plaisirs que le temps fini» (Épicure)

P 45
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Stéphane Zagdanski
Un moyen de se vacciner contre la sexinite? Le jeu érotique de la «phrase
sans aucun rapport» (dans Portrait du Joueur, le narrateur jouit du coq-à-l’âne
au signal d’une phrase anodine annoncée par lettre par sa maîtresse Sophie), qui
est une autre manière de faire déraper le déraillement et ainsi, sans y paraître, de
laisser surgir la vérité 40.

40 Dans Paradis II, évoquant la sortie d’Égypte et la circoncision: «toute naissance est due à un
manque de voix dans la voix ou plutôt à un égarement sexé de la voix à un engorgement d’organe de
la mise en voix à une pression d’aphasie voilée membranée capturée par le ventre muet aux aguets
caverne murée en fabule avec ses inscriptions mentrastiques son cinéma hypnotique ses glyphes
hallucinés projetés sa lanterne magique érotique saint saint saint comme si le sujet de la voix était sans
cesse menacé de retourner au sommeil à l’image du sommeil à la mort au désir de sommeil déchargé
vous basculant dans la mort comme image de la mort mais jamais la mort d’où cet avertissement
solennel au départ physique même pas conscient à même la peau de l’excitation dans le sang à pic sur
le point de tension de rumination d’invention le gland lumière telectrique c’est par là qu’il faut se
glisser gagner de parler de chanter»
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Stéphane Zagdanski
Quel rapport entre la Bible et la «fornication»? Il est le même qu’entre
l’inceste (dont traite la Bible à propos de Lot) et le lesbianisme. L’une comme
l’autre délivrent un remède à cette étrange maladie que Sollers surnomme, dans
Paradis II, la «sexinite»39. La Bible délivre une voix invisible qui traverse les
générations en transperçant le mutisme de leur régénération; la fornication (soit
le sexe désinstrumentalisé, détourné de sa fonction procréatrice), sitôt dite (le
narrateur enfant n’a besoin que de prononcer le mot), sitôt décrite (les romans de
Sollers insistent tous sur la verbalisation du sexe – ou son autre face, le
refoulement muet), provoque le silence gêné d’une sœur maternelle (ailleurs,
une tante est silencieusement complice des masturbations du narrateur adolescent).
En résumé, la Bible brise le silence – raison pour laquelle son peuple est
massacré par les «mauvaises voix» –, tandis que la fornication fait dérailler la
langue. «on pourrait cerner la crise spécifique de la sexinite comme du langage
entravé freiné empâté fibulé carné comme un ongle», écrit Sollers dans Paradis
II.
39 «la sexinite en elle-même est un pur principe de reproduction mais voilà ce
principe reste inconscient chez l’être conscient parlant qui se croit la plupart du temps aux
antipodes de la mécanique qu’après tout on peut bien appeler céleste de génération
corruption s’imaginant lui volontiers avoir affaire à ce qu’il appelle désir plaisir jouissance
volupté amour»
p 42
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Stéphane Zagdanski
Sollers insiste au début de Studio sur les deux découvertes du narrateur
enfant. D’une part la mise à mort lancinante et hurlante de certains corps
marqués par une certaine voix, d’autre part le silence gêné provoqué par une
simple question sur le sexe, par le sexe mis en question, recélant une possibilité
de divergence avec sa fonction spontanément reproductrice. Ces deux
révélations se font parallèlement à deux maladies, l’asthme et l’otite, chacune donnant un prix infini à sa voix (à savoir une certaine qualité du silence: le
«silence de la mélodie» de Paradis) et à son ouïe.
«Chassés ensemble, déformés, censurés, enterrés au cœur de
la nuit, mais se révélant avec le temps sur fond de grandes
perturbations de populations, il y a ce qu’ils appellent le sexe, et
un livre qu’ils appellent la Bible. Réflexes, honte, lâchetés,
bafouillages embarrassés, ne pas oublier: là est la Boussole, le
Nord... Je demande à l’une des sœurs de Maman la signification
du mot “fornication”. Sa gêne immédiate m’enchante. Ça y est, je
les tiens. Elle plonge la tête dans son armoire à glace, fait
semblant de fouiller dans son linge. Pas de réponse, mais quelle
réponse... D’où la décision: savoir ce qu’il y a dans le Livre,
étudier de près la fornication. L’école, comme par hasard, ne
parle ni de l’un ni de l’autre.»
PP 41 42
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Stéphane Zagdanski
«Article 1: Celui qui n’a pas commencé dès le berceau;
celui dont le tympan n’a pas été, dès le début, offusqué, offensé,
transpercé, persécuté à hurler par le bruit en soi de la religieuse
connerie humaine, est perdu...
Article 10: C’est à ton corps qu’on en a, seulement à lui,
arrête d’imaginer qu’il s’agit de toi, ton corps a rarement raison
d’être là – vérifie quand, avec qui, comment –, sache que pour
tout le monde, sans exception, tu feras un très bon cadavre.»
Studio réaffirme ainsi l’idée du corps-cardan, du sexe comme boussole sur
l’océan des morts. «Le sexe est ta boussole dans le temps», note Sollers dans
Carnet de Nuit.
Studio-cardan, sexe-boussole: le corps devient lui-même un nouveau
boudoir qui accueille à son aise la philosophie.
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Stéphane Zagdanski
Le personnage appelé Stein a secrètement vécu auprès de la Momie. Resté
dans l’ombre de son ombre, il est le mieux placé pour éclairer le Pouvoir. Il fait
songer aux autres doubles des narrateurs sollersiens: Mex, Frénard... On ne sait
rien de précis le concernant, c’est une sorte d’hologramme ramassé dans sa
voix
38.

P 40
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Stéphane Zagdanski
«je porte mon corps habitant mon nom dans mon nom et mon corps
m’emporte au cœur de mon nom» Paradis II
Il existe une solution directement physique – raison pour laquelle elle n’est
valable qu’au singulier –, non pas pour «échapper» à la mort, mais pour
naviguer au-dessus d’elle. Sollers n’a jamais cessé de le dire.
«Un artiste, un écrivain, éprouve comme résistance, la
paranoïa du grand dessous, la possession infernale du corps
social acharné à nier ce corps-là, hoc est corpus, oui, précisément
celui-là, pas un autre.»
P 39
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Stéphane Zagdanski
Exemple très simple de ponctuation historique d’une vérité métaphysique,
dans Studio: le bombardement atomique de Nagasaki et Hiroshima, «bouquet de
ce feu d’artifice concentré de la nature humaine», est directement lié à la loi
mortifère de la procréation: il suffit à Sollers de rappeler le message codé
annonçant le bon déroulement de la vitrification de centaines de milliers de
corps: «Le bébé est bien né.»
P39
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Stéphane Zagdanski
Sollers est ainsi très sensible au décorum historique des vérités universelles
qu’il transmet. C’est la raison pour laquelle ses romans sont toujours d’une
grande actualité, et disent l’essentiel sur les plus récents développements de la
Technique. Ils sont le contraire de ce qu’on appelle des romans historiques,
esclaves de l’Histoire au même titre que les romans très pertinemment nommés
«policiers» le sont du flicage; un roman vraiment libre doit au contraire être
d’une criminelle innocence. L’Histoire ne sert qu’à ponctuer. Elle ment dès lors
qu’elle entend prendre la place du phrasé, c’est-à-dire substituer sa langue
dépassée au «présent intégral» de la voix qui s’écrit.
P 39
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Stéphane Zagdanski
La Momie représente ce qui, dans la substance même du Pouvoir, autant
dire de tous les pouvoirs, participe de ce «droit absolu» de la mort naturelle dont
parle Hegel, et du mensonge – «métaphysique grammaticale», «grammaire
envoûtante et servile», «mauvaise voix» – que ce droit absolu exerce à
l’encontre de toute volonté d’insurrection, c’est-à-dire, en somme, de rupture de
langage.
Les bandelettes de la Momie sont la bannière sous laquelle la longue
cohorte des corps résonne dans l’Histoire.

p39
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Stéphane Zagdanski
Là encore Hölderlin et Rimbaud donnent le ton.
Hölderlin:
«Plus nous nous trouvons aux prises avec le néant qui nous
entoure tel un gouffre béant, ou avec ce quelque chose à mille
faces qu’est la société humaine et son activité, qui sans forme,
sans âme et sans amour nous persécute et nous disperse, et plus la
résistance doit être passionnée, violente et véhémente de notre
part.»
Rimbaud:
«Le monde! les marchands, les naïfs!»
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