Stéphanie Bonvicini. Jacques Attali.
Il fallait voir le regard d'Edgar
Quand, sur la mer, dansait le faisceau du phare,
Découpant les vagues, cuivrant l'écume, montrant la route aux navires.
- Les secrets ne font pas de bruit. Ils sont déposés un jour, au fond de nous, pour être délivrés à un moment très précis de notre vie. Mais tant qu'ils sont dans l'ombre, ils n'ont rien à dire. Ils demeurent insaisissables et silencieux. C'est le jour où ils surgissent qu'ils peuvent faire très mal, car ils racontent une histoire dont on ne veut pas toujours. Il faut alors trouver la force d'écouter ce qu'ils ont à nous dire.
- Et que nous disent-ils ? osa le Village.
- Qu'il faut apprendre à être bouleversé. Qu'il faut accepter de se laisser envahir par ses propres émotions, se laisser emporter comme une coque de noix sur les eaux d'un fleuve. On croit d'abord beaucoup souffrir, puis l'on comprend que c'est lorsque l'on ne savait rien que l'on souffrait.
Oui, les secrets nous apprennent ceci : que ressentir c'est se connaître.
_ Un regard a toujours quelque chose à dire, tandis qu'une bouche qui a décidé de se taire ne dira jamais rien.
_ Allons donc, rien ne remplace les mots !
_ Ne dit-on pas des yeux rieurs, des yeux éteints, des yeux moqueurs, des yeux affamés ? Ou un regard sournois, un regard mélancolique, un regard apeuré, un regard amoureux ? On dit même un regard mourant ! Crois-moi Meunier, si tu veux entendre quelqu'un, regarde-le dans les yeux.
Trop longtemps tu as gardé tes larmes au fond de toi. N'oublie jamais que la tristesse et la joie, comme toutes les émotions, te mettent en relation avec le monde. Apprends que tu peux ressentir tout ce que tu veux tant que tu l'exprimes. Tu as même le droit d'être envieux, jaloux, suspicieux, peureux ou en colère. Tu n'en seras jamais moins fort.
Les grandes marées inquiètent, car elles montent sans prévenir et remuent les fonds à gros bouillons, mais songez au calme qui leur succède. Jamais la plage n'est plus belle qu'après le passage des eaux turbulentes. Le cœur des hommes est pareil. Étreint par les émotions, il explose, il déborde, il se vide, mais une fois libéré, il s'apaise et redevient léger, lisse et lumineux comme les grains de sable après la marée.
Entre deux nuages plumeux, le soleil de midi crânait.