Guillaume Allary, directeur des éditions NiL, présente les quatre nouveautés de janvier et février :
- La Disparition d'April Latimer de Benjamin Black (NiL Détectives)
- Mort en Basilicate de Mariolina Venezia (NiL Détectives)
- Luke et Jon de Robert Williams
- Pause de Susan Maushart
S'il n'y avait eu Thoreau - ou, plus précisément, Sherman Paul, l'auteur de l'introduction de mon édition bien usée de "Walden" -, j'aurais probablement mis mon idée au rancart, avec tous mes autres projets farfelus de mère déboussolée. Mais voilà : je fus poussée à l'action par l'explication succincte de Paul sur les raisons pour lesquelles Thoreau décida de partir vivre dans les bois : " il réduisit le nombre des choses avec lesquelles il vivait non pas parce que qu'il voulait prouver qu'il pouvait s'en passer, ni pour nier qu'elles enrichissaient la vie, mais parce qu'elles étaient le plus souvent factices ; elles privaient la vie de la vie elle-même."
Quand mes enfants rient, ils ne s'exclament pas "Ha ha ha". Ils disent "LOL" ils conjuguent même le mot : "Tu vas trop LOLer devant cette photo de toi quand je t'aurai photoshopé le nez, maman". Ils téléchargent films et émissions de télévision avec autant de désinvolture que vous et moi pouvons allumer la radio. Quand je leur rappelle que le piratage sur Internet est un délit, ils se regardent les uns les autres, un peu éberlués, avant de s'écrier : "LOL !"
Bien sûr que nous nous sommes ennuyés ! Paradoxalement, cependant, nous avons découvert qu'il n'était pas aussi épouvantable que nous l'avions craint de nous reconnecter avec notre page blanche intérieure. Il suffisait de piger le truc : de retrouver l'art oublié de la contemplation."
Beaucoup de gens m'ont demandé s'il y a eu un moment, au cours de l'Expérience, où j'ai eu la tentation de tout arrêter. Exception faite du 25 avril, le jour où j'ai reçu une note de téléphone de mille cent vingt-trois dollars et des poussières, je peux sincèrement répondre que non, jamais cette idée ne m'est venue à l'esprit.
C'est décidé : le lave-vaisselle est un appareil largement surestimé. Il ne fait pas vraiment gagner de temps. Il sert plutôt à remettre à plus tard. Sa fonction est aux trois-quarts esthétique : il fait disparaître la vaisselle sale. Une cuisine plongée dans le noir en fait autant.
Une autre étude a montré que 80% des ados estiment que s'ils passent une journée entière sans médias électroniques, ils "s'ennuient" et ils sont "de mauvaise humeur", "tristes" et "sous-informés". Une semaine de privation, c'est une "sévère punition". (Inutile de dire que j'ai préféré ne pas parler de cette étude à mes enfants.) Nos gamins se sentent réellement heureux - en tout cas c'est qu'ils affirment - quand ils sont branchés sur leurs appareils. Hélas, ils deviennent alors paresseux, distraits et peu productifs. Ce problème nous tracasse beaucoup, car, en tant que parents modernes, ouverts à la psychologie et dévoués à la gestion attentive, à chaque instant ou presque, de l'état d'esprit de nos petits, nous supposons que le bonheur est une condition prérequise à la réalisation de quoi que ce soit.
Et nos téléphones?! demanda-t-il [le fils]. Je vis mes trois enfants devenir livides et tourner vers moi des yeux caves et implorants. L'atmosphère passa en deux secondes de Norman Rockwell à Edward Munch.
L'ennui n'est pas une expérience universelle comme la faim ou le besoin de se défriser les cheuveux, mais le produit d'une culture.