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Critiques de Thomas Cantaloube (143)
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Frakas

J'avais hâte de lire ce livre: le Cameroun et la Françafrique, le milieu marseillais, les hommes politiques impliqués dans des affaires louches....et effectivement, je me suis plongée dedans avec plaisir et j'ai appris plein de choses intéressantes. Le seul point négatif pour moi est que j'ai eu l'impression que l'intrigue servait les messages que l'auteur veut faire passer; je suis d'accord avec le message, mais ça aurait pu être plus convaincant.
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Mai 67

Aujourd’hui je vais évoquer Mai 67 nouveau polar de Thomas Cantaloube. Il est notamment l’auteur de Requiem pour une République et de Frakas. Dans chaque nouvel opus les trois principaux protagonistes reviennent et se retrouvent. Thomas Cantaloube explore les arcanes et les bas-fonds de la Vème République, époque De Gaulle, dans sa trilogie. La guerre d’Algérie (il s’agit alors des événements), la Françafrique post-coloniale et cette fois les prémisses de la révolte étudiante et des événements peu connus survenus aux Antilles sont au cœur de ses polars nimbés de références historiques.

Comme le titre l’indique l’action de Mai 67 débute un an avant le soulèvement de la jeunesse française aspirant à de nouvelles libertés et s’étend sur un peu plus d’un an. Le roman commence en Guadeloupe où une manifestation est réprimée dans la force et le sang causant au moins un mort. En réalité le bilan est à l’époque dissimulé (la préfecture reconnaitra huit morts) et sera réévalué par les historiens des décennies plus tard. A Pointe-à-Pitre des émeutes pour dénoncer les conditions de vie déplorables et des actes racistes de la part des riches propriétaires blancs à l’encontre de la population locale dégénèrent et virent au drame. Mais la discrétion est de mise, la presse n’est pas la bienvenue pour enquêter sur la réalité des faits. Des arrestations ont lieu, et des présumés meneurs sont rapidement expulsés et éloignés vers la métropole où ils seront jugés par une cour spéciale. La compagne de Luc Blanchard, l’ex-flic idéaliste démissionnaire devenu pigiste fait partie des soi-disant leaders alors qu’elle a perdu son cousin dans la bataille entre manifestants et forces de l’ordre et était juste venue sur place pour secourir les blessés. Aux Antilles Luc recroise ses ex-complices Antoine Lucchesi et Sirius Volkstrom. L’un est engagé par la CIA pour lutter contre le communisme (et il espère toujours secrètement régler leur compte à ceux qui ont éliminé l’amant du manchot qu’il est) et envisage la Martinique ou la Guadeloupe comme terrain de jeu tandis que le corse implanté à Marseille veut se ranger des trafics et suite au convoyage d’un voilier dans la région aspire à émigrer loin des tumultes du milieu. Entre Pointe-à-Pitre et Paris ce trio modérément recommandable renoue contact et reprend du service pour faire éclater la vérité et bousculer les éclats secrets de la République. A la manœuvre discrètement depuis l’Élysée, Jacques Foccart officie depuis son bureau (sa sœur est implantée en Guadeloupe et profite d’une colonisation dominatrice qui ne dit plus son nom).

Mai 67 est un polar politique trépidant, bien documenté, mêlant réalité historique et fiction autour des héros de cette aventure. Il met l’accent sur des faits antillais peu connus et longtemps passés sous silence. Thomas Cantaloube utilise son écriture et le genre du polar pour dénoncer les abus du pouvoir gaulliste et les dérives inacceptables de la cinquième République reproduits en Algérie, au Cameroun et aux Antilles.

Voilà, je vous ai donc parlé de Mai 67 de Thomas Cantaloube paru aux éditions Gallimard.


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Requiem pour une République

Ce roman est un policier historique. Il se déroule de 1959 à 1961, dans le contexte des répercussions de la guerre d’Algérie en métropole. Ce que j’ai trouvé passionnant dans ce roman, c’est la convergence progressive des trois enquêteurs, pourtant très éloignés à la fois par leur motivation et leur parcours, au fur et à mesure que l’enquête avance. C’est un roman bien mené et bien construit, écrit de façon efficace, sans fioriture. C’est surtout très documenté et assez foisonnant, ce qui fait que l’auteur est parvenu à me plonger dans l’atmosphère si particulière de cette période compliquée de notre histoire. Une excellente surprise donc et un auteur que je compte bien suivre.
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Mai 67

Thomas Cantaloube par ses présentations romancées d’événements historiques peu connus jette un autre regard sur la cinquième République, époque gaulliste. Après le traitement de la guerre d’Algérie, entre FLN et OAS et la répression du métro Charonne le 08 février 1962 ordonnée par le préfet de police Maurice Papon dans Requiem pour une République, et les magouilles de la Françafrique version Jacques Foccart dans Frakas, Cantaloube continue d’explorer les arrière-cours du gaullisme et de ses services parallèles en conviant ses personnages favoris en Guadeloupe en 1967.

Revoilà le journaliste Luc Blanchard, installé à Pointe à Pitre en famille avec sa femme Lucile et sa fille, le truand à l’ancienne Antoine Lucchesi, en disponibilité pour cause de convoyage de voilier sur l’Atlantique, et le mercenaire manchot Sirius Volkstrom, qui pour le moment fait dans l’anti-castrisme pour le compte de la CIA.



La décolonisation a suivi son cours mais les habitants des départements d’outre mer continuent de subir un traitement de seconde zone. Les békés contrôlent l’économie, avec la bénédiction du préfet UNR, pendant que les populations antillaises ont du mal à suivre le coût de la vie, voire sont fortement incitées à rejoindre la métropole pour y occuper des emplois non qualifiés en s’entassant dans les HLM de banlieue.



C’est dans ce contexte tendu qu’éclate le 26 mai 1967 une manifestation initiée autour de revendications d’augmentations salariales. Rapidement les esprits s’échauffent, suite à des remarques racistes, et la préfecture ne fait pas dans le détail en envoyant CRS et forces de police. Des détonations sont entendues, des manifestants sont atteints par des tirs, à l’origine douteuse. Le pouvoir réprime tout cela, arrête quelques leaders d’un mouvement autonomiste et les transfère vers Paris pour qu’ils soient jugés par la Cour de sûreté de l’État. Parmi les Antillais accusés d’avoir tenté une insurrection, Lucile la compagne de Luc Blanchard.



En croisant les points de vue de chacun de ses trois héros, Cantaloube expose une époque où les morts locaux, et les circonstances de leur décès, ne pèsent pas lourd face à la grande politique. Il faudra une commission d’enquête d’information et de recherche historique présidée par Benjamin Stora pour conclure en 2016 que les dérapages policiers étaient voulus. Il aura fallu deux ans pour l'apprendre, les archives et le bilan officiel des événements ayant disparu.



Le roman est parfaitement réussi dans l’évocation de ce qu’était la situation des DOM à la fin des années soixante, résumée par l’ancien député USDR Claude Estier par « les événements du 26 mai démontrent la supercherie de la légende selon laquelle le général De Gaulle serait le dernier décolonisateur de la République française alors qu’en fait le colonialisme subsiste aux Antilles ».

Mais il pêche un peu au niveau de l’intrigue policière, par manque de dynamisme. La priorité de l’auteur est clairement de montrer des pratiques et une époque, les enchaînements de chapitres suivent ce cheminement, et débordent même du sujet en se concluant avec un autre mois de mai, un an plus tard, avec les négociations entre le pouvoir (représenté par le tout jeune Chirac) et les syndicats.
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Frakas

Luc Blanchard a quitté la police pour le journalisme (voir Requiem pour la république). Dégouté des manœuvres qui ont conduit certains gaullistes à se fourvoyer avec d’anciens collabos, le jeune homme idéaliste n’a pu accepter le comportement raciste de la police française durant la guerre d’Algérie.

Embauché à France Observateur par un ancien résistant qui a bien connu son père, Luc est chargé des dossiers concernant les anciennes colonies (en gros, ceux dont plus personne ne veut entendre parler). Et enquête plus spécialement sur la mort d’un opposant camerounais à Genève deux ans avant en 1960. Ce qui l’amène à découvrir l’existence d’une guerre civile larvée dont personne ne parle dans ce pays nouvellement indépendant.

Un voyage là-bas va l’amener à comprendre une chose : l’indépendance n’est que de façade, les français continuent de mener leurs affaires comme bon leur semble et les dirigeants camerounais se taisent moyennant finance. L’armée du pays, chargée d’éradiquer toute opposition est “formée” par des officiers français et rien ne peut se faire sans les “barbouzes de la république”.

Durant son voyage il va croiser Antoine Lucchesi, un mafieux corse connu précédemment sous le nom de Carrega, venu en Afrique pour récupérer auprès de son cuisinier camerounais des papiers compromettants emportés par erreur. Et Sirius Volkstrom, un ancien collabo toujours fourré dans des affaires louches, ici formateur pour l’armée. Les trois hommes vont découvrir tous les tenants et les aboutissants de ce que l’on appelle désormais la Françafrique.

Tout comme le précédent livre, les personnages croisent des personnes fictives et d’autres moins (ici Mitterrand, Foccart, etc. ou un vendeur de pastis, traficoteur et dirigeant du Sac, comprenne qui pourra). L’auteur se plait à décrire l’arrière-cour d’une nation qui se gargarise d’être le pays des droits de l’homme et qui les bafoue allègrement. Les débuts de la Ve République sont loin d’être exemplaires et éthiques. Pour exemple, Jacques Foccart, conseiller Afrique à la droite du père n’est pas payé par l’État mais dirige une société import-export avec les pays sur lesquels il conseille le Président de l’époque ! Aujourd’hui on appelle ça poliment un conflit d’intérêt (ou moins poliment un système mafieux).



Thomas Cantaloube confirme ici qu’il est un digne héritier de Didier Daeninckx. Bravo !
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Mai 67

La Guadeloupe, département d’outre mer depuis 1946 ne bénéficie pas tout à fait des conditions de vie des départements métropolitains. D’une part, à cause du rapport de force installé par l’esclavage qui s’estompe difficilement et d’autre part par le rapport de force colonial instillant toujours un racisme latent défavorable aux populations locales. En 1967, une révolte contre des salaires bas et des conditions de vie difficiles est réprimée dans le sang. Tout l’intérêt de cette narration réside dans une construction romanesque mêlant personnages de fiction et personnages réels qui met en relief les magouilles réelles des représentants de l’État, révélant ou rappelant ainsi les vicissitudes de nos élus. C’est presque plus vrai que nature !
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Frakas

Dans cette suite à "Requiem pour une République", Thomas Cantaloube continue d’explorer la face obscure des débuts de la Cinquième République.

Ainsi, après les dessous de l’innomée guerre d’Algérie, il dévoile ceux d’une autre guerre encore plus méconnue, celle du Cameroun.



Nous sommes au début des années 1960. Le Cameroun vient d’obtenir son indépendance, mais cela ne satisfait pas l’ensemble de ses citoyens, qui considèrent à raison que le président nommé à la tête de la nouvelle démocratie n’est qu’un pantin du gouvernement français. Par ailleurs, comme beaucoup des dirigeants issus des indépendances, contrôlant l’armée, la police, les caisses de l’Etat, il commence à goûter à ses prérogatives. L’Union des populations du Cameroun (UPC), parti politique fondé en 1948 pour obtenir l’indépendance puis interdit et réprimé en 1955, est entré en clandestinité, et continue la lutte. Cette insurrection est combattue par les militaires camerounais formés et conseillés par l’armée française.



C’est dans ce contexte que nous retrouvons les trois héros avec lesquels nous avons fait connaissance dans Requiem pour une République.



Luc Blanchard, trop humaniste pour rester flic après avoir vécu l’horreur de la répression des manifestants algériens d’octobre 1961, s’est reconverti dans le journalisme. Enquêtant sur La Main rouge, organe officieux chargé des basses œuvres de l’Etat français, il en vient à se pencher sur l’assassinat, survenu deux ans auparavant à Genève, de Felix Moumié, leader de l’UPC. Mais ses recherches piétinent, les responsables politiques qu’il parvient à interroger l’enfument… il décide de partir au Cameroun.



Antoine Carrega, truand corse à qui sa fiabilité et sa débrouillardise ont permis de conserver une certaine indépendance vis-à-vis du Milieu, est devenu Antoine Lucchesi. Installé avec sa belle à Marseille où ils ont monté un bistrot, il assume en complément le transport de cargaisons illégales pour le compte des parrains marseillais qui lui font par ailleurs suffisamment confiance pour lui avoir confié le livre des comptes qui maintient la paix entre les différents clans de la mafia. Aussi, quand il réalise que son cuisinier Alphonse, parti dans son Cameroun natal où l’un de ses proches se meurt, a emporté par inadvertance le fameux livre, dissimulé dans une valise, Antoine doit à son tour s’envoler pour l’Afrique.



Je ne détaillerai pas les circonstances dans lesquelles Luc et Antoine se retrouvent, ni comment ils finissent par tomber sur l’obscur mercenaire Sirius Volkstrom, devenu instructeur dans l’armée camerounaise, et qui constituait le dernier membre du trio suivi dans le précédent roman. Il faut bien avouer que ces retrouvailles sont un peu cousues de fil blanc, mais passons… L’efficacité de l’intrigue, menée tambour battant, fait tourner les pages sans efforts, et le contexte est suffisamment passionnant pour faire oublier certaines grossièretés scénaristiques.



Un contexte par ailleurs atterrant, qui met en évidence le sentiment de supériorité et la cupidité qui président aux relations entre la France et son ex-colonie, où tous les moyens sont bons pour maintenir des restes de grandeur impériale, et continuer à profit des ressources locales sous le fallacieux prétexte d’un accompagnement à l’autonomisation. Sur place, la posture de l’occupant français, teintée de paternalisme et de mépris pour des Camerounais qu’on ne considère que comme des subalternes, voire des sauvages, n’a pas évolué.



Quant à la guerre, innomée, menée contre les résistants de l’UPC, elle n’est pas sans en rappeler une autre, qui lui est contemporaine : utilisation du napalm, éradication de villages entiers (soupçonnés d’avoir servi de refuge aux maquisards), tortures, fosses communes…



Glaçant, mais très instructif.
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Mai 67

Le gaillard a du style, du panache et une solide documentation historique. Thomas Cantaloube est publié dans la série noire alors qu'il est surtout question de basse politique, manifeste dans la répression du colon français envers un département de seconde zone, la Guadeloupe.

Les faits exhumés suscitent l'indignation du lecteur et de Luc Blanchard, la belle âme du trio formé au cours de deux épisodes précédents que je n'ai point lus.

Les deux autres, durs et cyniques, ne se mouillent pas, sauf à rendre service ou à rembourser une dette d'honneur.

Même si je pressens l'auteur être plus proche de la gauche que de la droite - en 67 on délimitait les camps ainsi- , je note quelques accents "café du commerce" sur la politique en général, du style y' en a pas un à sortir du lot, sauf Claude Estier, membre du futur PS.

Cela dit, je reprends volontiers une tournée, en Algérie, cette fois, (Requiem pour une République), car rares sont les talents à entrelacer grande histoire et menus destins, révisant au passage l'écriture officielle d'événements où le pouvoir a déraillé.

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Mai 67

Chronique de Flingueuse : Le billet de Chantal

MAi 67, Thomas Cantaloube

Après les soubresauts de la guerre d’Algérie (Requiem pour une République, 2019), puis l’émergence de la Françafrique (Frakas, 2021), ses deux premiers romans qui ont obtenu de nombreuses récompenses (le prix Landerneau, le prix Ouais du polar – 20 Minutes, le prix Mystère de la critique et le prix du Noir de l’histoire), Thomas Cantaloube clôt sa trilogie consacrée aux débuts de la Ve République par le soulèvement méconnu de la Guadeloupe en mai 1967.

Voici le troisième opus des aventures, si l’on peut dire, de Sirius Volkstrom, Luc Blanchard et Antoine Lucchesi, ces personnages somme toute attachants, malgré leurs côtés sombres, rencontrés dans les romans précédents de Th. Cantaloube. Ils ont vieilli, ont changé (du moins l’espèrent-ils) de vie, n’aspirent plus qu’à une vie tranquille, ou presque. Volkstrom n’a peut-être plus l’énergie physique pour être un bras armé d’une quelconque cause ; Lucchesi a vraiment décroché du « milieu »et vit en paix avec Maria dans son café marseillais ; Blanchard vit en Guadeloupe avec Lucille, de ses talents de journaliste, pas encore assez reconnus.

Oui, mais voilà, nous sommes en mai 67, en Guadeloupe justement, et tous ces équilibres fragiles vont basculer. Le point de départ du roman est un fait historique que l’on connaît peu (c’était mon cas), ou que l’on a oublié : une manifestation de Guadeloupéens protestant contre la différence de traitement entre eux, les natifs de l’île, et les Blancs, les métropolitains, malgré le fait que la Guadeloupe était un département français, et que, conséquemment, tous les habitants devaient être traités de la même manière. Hélas, de la théorie à la pratique, il y a loin ! Cette manifestation s’est terminée dans le sang, les autorités ayant reçu des consignes plus que sévères pour étouffer ces prémisses de rébellion. Le récit de Cantaloube est documenté, oscillant entre réalité historique et vie de ses personnages. On suit les trajectoires des trois héros, qui d’abord en Floride côté CIA, qui à Pointe à Pitre, qui en mer, Lucchesi convoyant un bateau pour un riche armateur. D’agréable, ce convoyage va tourner au cauchemar quand Antoine accepte une croisière supplémentaire, coincé qu’il est en Guadeloupe à cause des événements. Après tout, c’est aussi une occasion de gagner un peu plus d’argent. Mais il embarque avec lui un jeune Guadeloupéen recherché par la police, suite aux émeutes… En avant toute pour une aventure où la violence surgit très vite.

Luc Blanchard, en tant que journaliste/pigiste local, suit les événements, s’étant retrouvé un peu par hasard au beau milieu de la manif, avec sa compagne, métisse. Il assiste, impuissant, aux exactions policières, et surtout apprend fortuitement le décès du cousin de sa femme, Jacques Nestor, tué par balle. À partir de là, Blanchard va être pris dans un engrenage implacable, sa femme étant accusée de terrorisme, arrêtée et emprisonnée.

Blanchard n’a de cesse de vouloir sortir Lucille de ce piège, ce qui le conduit à Paris pour suivre le procès des jeunes Guadeloupéens accusés aussi de vouloir faire tomber le pouvoir.

L’auteur introduit habilement ses personnages dans l’Histoire , reprenant par exemple les comptes-rendus du procès de février-avril 68, évoquant les hommes politiques de l’époque, tel le commissaire Gévaudan ou Jacques Foccart ou encore un Chirac encore tout jeune. Thomas Cantaloube aurait pu être un docte historien, mais il excelle en conteur d’histoires et d’Histoire. À aucun moment on ne s’ennuie, le récit avance, avec ses moments d’action, de tension, ses moments d’amitié lors des retrouvailles des héros, ses moments d’intimité (je pense là au couple Luc-Lucille et leur petite fille Célanie), de solitude aussi (pour Volkstrom )… Et puis, ce titre, Mai 67, qui bien sûr renvoie à mai 68, dont on a quelques échos par le truchement de Blanchard, correspondant de France-Antilles.

Mai 67 est un récit qui intéressera tout lecteur curieux de pages historiques peu glorieuses, récit agrémenté d’un soupçon d’espionnage (Volkstrom) et d’aventures musclées (Lucchesi). Récit qui donne aussi bien à réfléchir qu’à se laisser porter au plaisir de la lecture. On aimerait bien que cette trilogie se poursuive … !
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Requiem pour une République

La République est morte; vive la République !

En refermant ce livre, je me demande si ce requiem vaut pour la IVe tout juste enterrée, ou pour cette jeune Ve dont Thomas Cantaloube fait le décor de son roman.

L'histoire débute en 1959 par le meurtre sauvage d'un jeune avocat d'origine algérienne et de toute sa famille.

Époque fébrile. Ramené au pouvoir par les spadassins de l'Algérie française, voilà que le Général de Gaulle hésite et atermoie, générant une confusion poisseuse et délétère. "Gaullistes et anti-gaullistes se claquaient la bise. Des résistants farouches faisaient bras dessus bras dessous avec des collabos. Fachos, poujadistes et nostalgiques étaient recyclés dans l'administration ou à l'Assemblée nationale avec la bénédiction de leurs anciens adversaires. "

Du côté d'Algérie, on fourbit ses armes tandis que Paris et la France plongent dans une folie ultra-droitière menée par une raison d'État qui s'impose jusque dans la création de milice sauvages et sanglantes.

C'est dans ce climat malmené que l'auteur conduit son enquête d'une main de maître. Lauréat du prix Landerneau en 2019, ce premier roman montre autant d'érudition pour la période que de maestro pour tirer les ficelles d'un suspense prenant.

Trois personnages se croisent entre 1959 et 1961. Antoine, le bandit corse, résistant de la première heure ; Luc, jeune inspecteur à la crim qui sera déniaisé plus vite qu'il ne l'imaginait, et Syrius, barbouze de tous les coups tordus pourvu que la paye soit en ordre.

De l'ordre, il y en a à la fois trop et pas assez en ces jours troublés. Pas assez pour permettre une cohabitation pacifique avec nos cousins d'Algérie appelés en renforts dans les usines de la métropole, et beaucoup trop dans les forces de police menées par le préfet Papon qui ne paiera ses crimes contre l'humanité qu'en 1998!

A l'image de ce sinistre personnage, la Vè se révèle gangrénée dès sa naissance. Thomas Cantaloube excelle à brosser une fresque qui, si elle n'était pas si triste, nous ramènerait au temps des sixties. Mais la Seine se rappelle le 17 octobre 1961, Évian l'assassinat de son maire par L'OAS et Vitry-le-francois n'oublie pas les 28 innocents massacrés dans un attentat que l'État français refusera de reconnaître jusqu'en 1966.

Oui, le charme des années 60 bat de l'aile sous la plume incisive de Thomas Cantaloube.

Arrivée au terme de mon billet, je me questionne encore. Ce requiem vaut -il pour la IVe "née sur les cendres du pétainisme et des combats de la Résistance " ou plutôt sur la Ve qui "démarrait sur les cadavres des algériens et les remugles d'un fascisme en képi"?

Dans cette dernière option, l'agonie est fort longue; la bête aura eu la dent et le poil durs... Sans jamais se départir de ses corrompus ni de ses magouilles, elle flotte encore au fronton de nos mairies. Sans doute ce jeune auteur est-il un peu visionnaire...
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Mai 67

Série Trilogie sur la 5ème république 3/3



Voici un très bon roman noir, qui clôt la trilogie : Thomas Cantaloube nous ressort un lourd dossier qui date de d'avril à mai 1967 : une agression raciste d'un commercant de Basse Terre, en Guadeloupe, provoquera des manifestations de Point à Pitre les 26 et 27 mai. Celles-ci seront réprimées par l'Etat français, répression menée par le préfet Delbotte (dans la réalité Pierre Jacques Bolotte), digne héritier de Papon (le collaborateur et matraqueur, responsable de Charonne 1962) .

Le Gong (Groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe), jeune organisation influencée par les idées de rébellion du voisin cubain, va payer cher ses envies de justice sociale et d'en finir avec le colonialisme français. Il sera jugé responsable des émeutes par l'Etat français justifiant ainsi la repression sanglante.

Luc Blanchard, ex flic, journaliste voit sa compagne, Lucille, infirmière prise dans la nasse policière et transférée à Paris avec les militants du Gong pour son procès.

On retrouve Antoine Luchiesi, une vieille connaissance, corse, ex-homme de main, ex mafieux, devenu skipper. Sirius Volkstrom, Anti-communiste continue ses magouilles avec la CIA, active dans les Caraïbes pour contrer Castro.

Et puis Deogratias, porte flingue de Foccart.

Tous ces personnages, rencontrés dans "requiem pour une république" et "Frakass"

ont vieilli mais on peu changé finalement.

Ils vont, chacun a leur niveau rentrer dans la grande histoire de la Guadeloupe.

Le roman se prolongeant à Paris, en mai 1968, on croise aussi l'agitation étudiante et les grèves de cette période.

Alors une chose ressort de ce roman :

le mépris et le sentiment de supériorité assassin de l'Etat colonial français à un moment où l'empire a commencé à se disloquer.

Le roman se concentre sur les personnages, leurs règlements de compte et leur histoire personnelle. Cela en fait un bon roman policier. Mais on perd un peu le fil sur le thème principal : la répression en Guadeloupe et ses suites. C'est un peu dommage, mais Thomas Cantaloube nous donne une bibliographie intéressante, en fin de livre, qui permet de résoudre ce problème.

Alors, c'est très bien écrit, avec de petits chapitres où il y a beaucoup de rebondissements. Ce n'est jamais ennuyeux même si cela est parfois un peu trop... facile...

J'ai passé un très bon moment de lecture mais il m'a manqué ce que j'avais trouvé dans les deux autres romans : le sens de l'histoire.

Petit détail : le préfet Bolotte sera a l'origine de la création de la BAC ( voir les films "les misérables" ou "BAC nord), qui agit en banlieue ou lors des manifestations.

Cela réveille donc nos consciences et suffit déjà pour ne plus avoir d'illusion sur les méthodes de répression de l'Etat pour régler les problèmes sociaux...
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Mai 67

Troisième roman et troisième réussite pour Thomas Cantaloube. Dans "Mai 67", il mêle de nouveau avec beaucoup de talent la politique française des années 60, les luttes de cette période et les aventures de ses personnages. Et justement les trois personnages des romans précédents ont évolué, que ce soit Luc Blanchard l'ancien flic reconverti en journaliste qui vit maintenant en Guadeloupe, Sirius Volkstrom le marginal toujours dans les mauvais coups et qui adore entretenir de l'ambivalence dans tout ce qu'il fait. Ou Antoine Luchesi, le marin corse qui après avoir travaillé plusieurs années dans l'illégalité du côté de Marseille a décidé de devenir skipper pour de riches propriétaires afin de calmer un peu les risques qu'il prenait au quotidien. On retrouve ces trois personnages avec quelques clins d’œil aux polars précédents. Dans celui-ci il est question de la condition des Antillais et Antillaise, de leur indépendance. On comprend vite que la métropole et ses magouilles ne s'arrêtent pas à la France métropolitaine, notamment les violences policières. L'auteur est souvent à la frontière entre le réel et la fiction et ses romans noirs sont toujours aussi passionnants. Après la France de Papon dans "Requiem pour une République" et la Françafrique dans "Frakas", direction la Guadeloupe dans ce nouveau roman. Peut-être un peu moins rythmé que les précédents, il reste un roman noir prenant et vraiment bien amené. Un nouveau coup de coeur.
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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Mai 67

De mai 67 à mai 68, c’est tout un pan d’histoire fort méconnu que Thomas Cantaloube nous invite à découvrir à travers ce récit basé sur des faits réels. 



Après nous avoir confronté à la guerre d’Algérie dans sons premier roman : Requiem pour la république, puis à la Françafrique avec : Frakas, il nous plonge cette fois au cœur du soulèvement de la Guadeloupe de mai 67 et des ses conséquences. 



Avec quelques personnages récurrents qui évoluent de manière différente, Thomas Cantaloube nous offre un final de sa trilogie époustouflant et remet à la page du jour les dessous cachés, tellement honteux de la politique française. Un auteur qui n’hésite pas à employer sa plume, pour apporter certains éclaircissements à ceux qui comme moi n’ont pas brillé sur les banc de l’école pendant les cours d’histoire, et aux plus assidus en manque d’informations secrets défense.



C’est vraiment le genre d’auteur qui me réconcilie avec ce que je n’aime pas vraiment notamment la politique, mais qui me permets d’éclairer ma lanterne tout en me confortant dans l’idée que ce milieu est vraiment bien pourri depuis longtemps…



C’est super bien écrit comme toujours, ça se lit quasiment comme un polar avec un plus et pas des moindres, ça s’est réellement passé un jour, hélas… 
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Mai 67

Le journaliste Luc Blanchard rejoint sa compagne Lucille en marge d’une manifestation des ouvriers du bâtiment devant la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre et assiste à la violente répression que ceux-ci subissent : certains ne se relèveront pas. Son enquête pour tenter d’innocenter Lucille, poursuivie pour sa proximité avec le Gong, mouvement indépendantiste auquel appartenait son oncle, première victime des tirs policiers, le conduit dans les coulisses d’une Ve République qui ne s’embarrasse guère de légalité.

(...)

Thomas Cantaloube, mêlant suspens et action, restitue fidèlement cet épisode méconnu, dernière répression sanglante d’un soulèvement social… avant le récent retour d’une brutalité assumée. C’est plaisant, bien documenté et instructif. On entretiendra, qu’hier comme aujourd’hui, on ne compte pas des morts qui ne comptent pas !



Article (très) complet sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Frakas

C'est pas mal. Ce bouquin doit être le deuxième, car il m'a manqué certaines références de personnages pour en apprécier complètement le récit.



Une histoire qui mêle politique et gangstérisme, depuis Paris, Marseille jusqu'au Cameroun. Peu de temps par!s l'indépendance. Bel effort de récit historique. C'est plutôt bien ficelé, bien écrit. Il manque un tout petit peu de souffle pour passer à l'excellence, mais ça vaut le coup d'oeil.



Il y a un ex-policier devenu journaliste, à Paris, en proie à sa hiérarchie, ça arrive.



Un tenancier de restaurant qui a perdu un cahier.



Et tout ce beau monde se retrouve à Yaoundé et à Douala.



Peut-être que je lirai les autres bouquins de la série.
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Frakas

On retrouve avec plaisir Luc Blanchard, désormais journaliste ainsi que Antoine et Sirius Volkstrom. Ce nouvel opus jette un regard sans concession sur les machinations criminelles de l'État français pour conserver sa mainmise économique et politique sur le Cameroun, même après avoir accordé l'indépendance à ce pays. Très bien documenté et écrit, le roman oscille entre polar et roman d'aventures. Une lecture tout à la fois distrayante et instructive.
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Frakas

Passionnant de bout en bout.
Lien : https://www.telerama.fr/livr..
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Mai 67

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Mai 67

Mai 1967 est le troisième volet de la trilogie de Thomas Cantaloube sur les affres et le côté obscur de la 5ème République. Après les soubresauts de la Guerre d’Algérie dans Requiem pour la République puis l’installation de la FrancAfrique au Cameroun, Thomas Cantaloube nous rememore un événement méconnu : le soulèvement de la Guadeloupe en Mai 1967.

Nous retrouvons trois des personnages principaux des deux romans précédents .

Luc Blanchard, ancien policier devenu journaliste à France Antilles.

Antoine Carrega, ancien résistant corse en accointances avec le milieu marseillais.

Sirius Volkstrom, ancien collaborateur et réalisateur des basses œuvres de la Préfecture de Poilce.

Ces trois personnages vont se croiser et se decroiser en Guadeloupe.. Luc Blanchard vit maintenant en Guadeloupe avec sa femme guadeloupéenne et sa fille. Antoine Carrega ou Lucchesi fait du convoyage entre Marseille et les Antilles. Sirius Volkstrom lui travaille en sous main pour la CIA dans les Antilles.

En Mai 1967 à Point à Pitre le GONG, mouvement de libération guadeloupéen essaye de soulever la population au travers de manifestations. L’une d’elle va dégénérer et provoquer la mort de huit personnes. Lucille la femme de Luc Blanchard se trouve dans cette manifestation comme personnel médical .

Suite à cette manifestation, la police arrête un certains nombre de guadeloupéens dont Lucille. Ils sont transférés en Métropole pour être jugés dans le cadre de cette insurrection.

Thomas Cantaloube, comme à son habitude va entremeler le réel et la fiction pour nous entraîner sur les chemins noirs de la République et du pouvoir gaulliste.

C’est toujours aussi prenant et réaliste.



















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Mai 67

Avec cet excellent opus, Thomas Cantaloube clôt sa trilogie consacrée aux arcanes peu ragoûtants de la Vème République époque gaulliste. Après les soubresauts de la guerre d'Algérie ( Requiem pour une République ), puis les débuts du Françafrique et la guerre du Cameroun ( Frakas ), l'auteur explore les dessous sombres de l'après-colonisation en mettant en lumière un épisode guadeloupéen peu connu en métropole.



Après une énième agression raciste, la Guadeloupe explose, de mouvements de grèves en émeutes violemment réprimées. le 26 mai 1967 à Pointe-à-Pitre, les forces de l'ordre ouvrent le feu. Il y a des morts mais il ne faut surtout pas le dire. Tabou absolu. Ce n'est qu'en 2016 qu'une commission indépendante présidé par l'historien Benjamin Stora parle de « massacre ordonné sciemment sur le terrain et approuvé par le gouvernement sous la présidence du général De Gaulle ». le non archivage des événements rend difficile d'établir un bilan fiable. Sans doute près d'une centaine de morts, contre les 7 officiels.



Le fond du roman est passionnant, la forme est tout aussi réussi. Jamais le poids du sujet et de la documentation n'écrasent le romanesque. Thomas Cantaloube a une nouvelle fois trouvé l'équilibre parfait entre Histoire et fiction.



On adore retrouver l'attachant trio fictif Luc Blanchard ( ex-policier, ici journaliste pigiste à France-Antilles ), Antoine Lucchesi ( ex-truand corso-marseillais reconverti en skipper pour riches propriétaires de voiliers ) et l'inénarrable Sirius Volkstrom ( ex-collabo officiant désormais dans l'anticastrisme pour la CIA ) cotoyer de vrais personnages comme le jeune Jacques Chirac, alors secrétaire d'Etat à l'emploi ou Jacques Foccart, le grand manitou du Françafrique.



Le lecteur est complètement immergé dans une intrigue fluide et virevoltante, en empathie pour la quête de justice de Luc dont la compagne fait partie des 19 Guadeloupéens appelés à comparaître devant la Cour de sureté de l'Etat à Paris, accusés d'avoir organisé les émeutes. On suit dans l'urgence son enquête acharnée jusqu'à la capitale et l'arrière-boutiques des ministères pour remonter le fil de ses constatations initiales.



Les genres "polar historique" et "thriller politique" sont idéaux pour pousser à la réflexion, ici en questionnant la pérennité des méthodes brutales pour réprimer des mouvements sociaux, et plus largement la continuité entre ordre colonial et violences policières. On est sidéré devant le portrait d'une Guadeloupe des années 60, qui par bien des aspects n'est pas considéré comme un département français mais plutôt comme une colonie non décolonisée, rongée par le racisme et les inégalités sociales.



«  Ce n'est pas un affrontement entre flics et grévistes qui dégénère, c'est quelque chose qui remonte des tréfonds de notre histoire. Les gens sur la place de la Victoire ont complètement oublié les demandes d'augmentation. Ils se battent maintenant contre l'injustice, contre ce qu'ont subi leurs parents, leurs grands-parents et toutes les générations avant. Les policiers en face, eux, tout ce qu'ils voient, ce sont des Noirs qu'il faut remettre à leur place ! »



On est glacé de découvrir le parcours du préfet Pierre Bolotte ( dans le roman Delbotte ) : d'abord le corps préfectoral sous Vichy, puis l'Indochine et l'Algérie où il systématise des formes militaro-policières de répression, avant d'atterrir en Guadeloupe ... et de devenir en 1969 le premier préfet du tout jeune département de Seine-Saint-Denis où il expérimente la BAC ( brigade anti-criminalité ).



Hâte de découvrir vers quels horizons va se tourner l'auteur maintenant que sa trilogie est terminée.
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