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Critiques de Tiffany McDaniel (1317)
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Betty

Il y a des enfances qui sont un saccage.

Une mère traumatisée,  incapable de rien donner à  ses enfants qu'insécurité et effroi.

Un frère  carnassier qui rode comme un loup affamé autour de ses soeurs.

Des grands parents toxiques, haineux  qui vous jettent hors de portée de leurs cerisiers pleins de fruits.



Il y a des enfances meurtries.

Pleines d'errance et de rejets.

Des écoles qui vous stigmatisent.

Des copains de classe qui vous harcèlent.

Des voisines qui vous insultent.

Surtout quand vous avez la peau trop sombre, les cheveux trop noirs, les pommettes trop hautes d'une petite Indienne.



Il y a des enfances maudites.

Quand la pauvreté,  l'exclusion , le racisme vous rejettent à  la marge des plus pauvres, des plus exclus, des plus méprisés.

Quand vous ne pouvez habiter qu'une maison frappée par le mauvais sort dont tous les habitants ont mystérieusement disparu, si délabrée que son toit laisse passer vents et pluies, qu'elle semble parcourue de présences fantômatiques.

Quand les êtres qui vous sont les plus chers s'envolent, se noient, s'etouffent, se piquent, se tuent, se font tuer.



Et pourtant il y a des enfances magiques!



Quand la nature se fait glorieuse, généreuse, envoûtante.

Quand ses secrets vous sont enseignés,   qu'ils guérissent et apaisent, qu'ils vous rendent plus sage et plus forte.

Quand votre sang cherokee vous donne la puissance et l'assurance d'une royauté ancienne.

Quand la plume de corbeau plantée dans vos tresses est celle des conteurs fabuleux.

Quand vous devenez la maîtresse des histoires.

Quand même la mort vous obéit, que vous décryptez ses coups.

Quand le chagrin, le crime, le viol, deviennent des histoires qu'on peut raconter, mettre à  distance, enterrer.



Il y a des enfances que l'amour sauve.



Bien sûr,  il y a des pères atroces, qui tuent, saccagent, violent, blessent.



Mais  il existe aussi des pères miraculeux.



Il y a un père miraculeux comme celui de Betty, la petite Indienne.



Un père aux mains de terre et au coeur de soleil, un père qui dispense la poésie et la tendresse, qui comprend et soutient, qui réconforte et embellit, qui donne, qui donne, qui donne.



Tellement



que le saccage, la meurtrissure, la malédiction rentrent dans le rang,

elles demeurent mais trouvent une place et cessent d'obstruer le ciel,

laissent un peu d'air, pour respirer,

un peu d'espoir, pour continuer,

un peu de soleil pour se réchauffer



Et tant d'amour.



Il y a un père miraculeux qui sauve l'enfance terrible de Betty et en fait une histoire magnifique.



Il y a la plume magnifique de Betty/ Tiffany qui rend divinement belle, divinement forte, exceptionnellement prenante, émouvante,  cette histoire d'une enfance crue, cruelle, parfois insupportable .



Je n'ai pas lu un tel livre depuis bien longtemps! C'est tout un firmament qu'il faudrait pour le couronner, pas 5 pauvres étoiles.. .
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Betty

*** Rentrée littéraire 17 ***



« Devenir femme, c'est affronter le couteau. C'est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d'avoir les genoux assez solides pour passer la serpillière dans la cuisine tous les samedis. Ou bien on se perd, on bien on se trouve. Ces vérités peuvent s'affronter à l'infini. Et qu'est-ce que l'infini, sinon un serment confus ? Un cercle brisé. Une portion de ciel fuchsia. Si l'on redescend sur terre, l'infini prend la forme d'une succession de collines verdoyantes. Un coin de campagne dans l'Ohio où tous les serpents dans les hautes herbes de la prairie savent comment les anges perdent leurs ailes. »



Lorsqu'un roman commence ainsi, lorsque les promesses annoncées se confirment au fil de la lecture, je sais que je tiens entre les mains un roman coup de coeur. Betty rejoint la ronde des héroïnes Gallmeister inoubliables, Turtle ( My absolute darling), Tracy ( Sauvage ), Nel et Eva ( Dans la forêt ).



Betty raconte les joies et les terribles secrets d'une mère, transmis à travers la fiction d'une fille. Tiffany McDaniel s'est fortement inspiré de l'histoire de sa mère, Betty, née dans les années 1950 en Ohio, dans les contreforts des Appalaches. C'est histoire d'un passage à l'âge adulte, qui commence non pas avec la naissance de Betty mais de la rencontre de ses parents, un Cherokee et une Blanche. Betty en est la narratrice, comme un voix vieillie par la sagesse, par l'expérience des bénédictions et malédictions du passé, par l'espérance de avoir que de jours meilleurs arriveront.



Le résumé ou plutôt les thèmes abordés peuvent faire craindre un pathos lacrymogène racoleur : racisme, handicap, viol, suicide, harcèlement, dépression, violence en tout genre, pauvreté. Et pourtant, jamais ce roman ne bascule dans le sordide vide de sens. Certains passages font mal par la brutalité qu'ils décrivent mais sans jamais tomber dans la pornographie émotionnelle. Plusieurs scènes m'ont bouleversée parce que la douleur exposée y est dite dans le respect de la dignité des personnages.



Ce que je retiens de ce roman superbe, c'est sa lumière. Celle du père, en premier lieu. Je crois que je n'ai jamais rencontré en littérature une figure paternelle aussi belle. Landon est un homme qui était fait pour être père. Il est la boussole morale de cette famille de six enfants. C'est lui qui qui réconforte Betty, celle des enfants qui lui ressemblent le plus, sa Petite Indiennes, comme il l'a surnomme, qui doit faire face aux insultes racistes, aux moqueries quotidiennes sur son physique et aux rejets violents de ses camarades à l'école. Lorsqu'ils se retrouvent tous les deux dans la nature, cela donne des pages absolument magnifiques de poésie : ces réflexions sur l'histoire du peuple cherokee, sa poésie sur la nature et la cosmogonie qui s'y rattache enchantent la noirceur.



Si le roman est celui de l'héritage des abus transmis de génération en génération, il est avant tout le roman d'une résilience. le père guide Betty vers l'écriture pour transcender le quotidien et c'est terriblement émouvant de voir Betty grandir et naître comme écrivaine et poétesse, ses mots lui permettant de transcender les tragédies que sa famille vit, ils ont le pouvoir de briser le cycle.



Oui, ce que je retiens c'est définitivement la lumière de cette destinée féminine et familiale déchirante inoubliable. 700 pages d'une intensité incroyable.
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Betty

Lorsqu'un ouvrage recueille une note de près de 4,5 pour 266 commentaires , inutile de tergiverser , c'est un roman qui a beaucoup plu à une grande majorité d'entre nous et je laisserai mon opinion rejoindre la vôtre avec , peut - être une ou deux remarques qui font que , si j'ai passé un très bon moment de lecture , je ne considère toutefois pas avoir ressenti " le coup de coeur " .

Avant de livrer mon avis , je ne vous ferai tout de même pas l'injure de vous résumer l'intrigue !!!, c'est un livre que vous avez découvert bien avant moi et , pour de nouveaux lecteurs qui voudraient se renseigner avant de " se lancer ", ils disposeront de suffisamment de superbes critiques ( oui , oui , c'est vrai ) avec les vôtres...et la quatrième de couverture .

En fait , ce qui m'a un peu perturbé, c'est la longueur du récit et , parfois , une impression de monotonie qui , je l'avoue , m'a amené à me demander si je n'allais pas renoncer , tout simplement ( après avoir découvert vos commentaires , c'est un sentiment qui a été ressenti par d'autres ) .Le Père, j'y reviendrai , est un personnage sublime , c'est indéniable, mais son attachement à la nature , aux traditions et aux légendes , à la religion , amène l'auteure à nous " donner à voir " un peu trop souvent à mon goût. Certes , c'est esthétique, émouvant, louable , mais franchement un peu trop redondant , tout comme du reste , le "passage" des jeunes filles à l'âge adulte, une notion décrite avec peut - être, ,un peu trop de réalisme et d'insistance . Il est vrai qu'il s'agit aussi de " suivre " l'évolution d'ados de sexe féminin et que ...Il est des étapes de vie essentielles . Quant aux bocaux ...Usage universel . Ces descriptions n'ont cependant pas que des inconvénients , puisqu'elles nous permettent d'assister à d' autres scènes sublimes ...ou difficiles détaillées avec un réalisme étonnant .

Bon , cette lenteur m'a perturbé comme m'a gêné l'absence quasi permanente de la mère dans une grande partie du roman sauf à la fin où , compte tenu de ses propos , c'est un personnage qui aurait sans doute mérité une meilleure exposition , tout comme du reste , certains des enfants . le petit- frére de Betty s'insurge d'ailleurs , à un moment , contre Betty en lui disant qu'elle " n'était pas la seule enfant de papa " .....

Bien entendu , j'ai bien compris que Betty est la narratrice et qu'elle ne peut donner à voir ...que ce qu'elle voit et que des choix sont " obligés " .

Fort heureusement , des dialogues très intéressants et bien en rapport avec la situation empêchent certaines pages de se transformer en " blocs compacts , hermétiques et indigestes " ce qui aurait été bien dommage. Pour faire court , j'ai adoré la personnalité des différents personnages . Un être tutélaire éblouissant, ce père merveilleux , ces trois soeurs se chamaillant à l'excès autant qu'elles sont inséparables ( les petits papiers ) , ces frères aux destins si différents. Je parle du reste des" éléments " internes à la tribu , les éléments externes , peu nombreux , ne se présentant pas forcément ( à de rares exceptions ) sous leur meilleur jour ... Mais chez les Carpenter , mode de vie aidant et ..exclusion , on vit en quasi autarcie .

Dans ce récit, on rit ( un peu ) , on partage , on s'offusque , on est pris par des émotions fortes ( beaucoup ) , notamment dans la dernière partie du roman que je qualifierai sans hésitation de " sublime " et porteuse d'un espoir pour Betty , d'une vie riche et heureuse après avoir " enfin coupé un douloureux cordon ombilical " .

En résumé, je dirai aux futurs lecteurs de ce roman de ne pas renoncer , de ne pas se décourager devant certains passages . Je livre là ma propre expérience, mais j'ai voulu comprendre l'engouement des amis et amies babeliotes , je me suis " accroché " et ...j'ai compris . Je vous suis extrêmement reconnaissant car , sans cette belle " note collective " , pas certain que....Le roman regorge de moments d'une force extraordinaire , il est d'une puissance incroyable , regorge d'événements certes douloureux et difficiles mais , au final et malheureusement pas si rares comme le montrent des actualités récentes.

Les thèmes abordés sont lourds , violents mais , hélas, ils ne sont pas nouveaux et , deuxième hélas, pas forcément en voie de disparition ....Il convient sans doute de ne pas oublier .Nous sommes tous un peu des " princesses et princes indiens cherokees ".

Bon , je vous laisse , je vais aller vers un roman " plus léger, plus court et plus dynamique . Rien de mieux que de " varier " les plaisirs .



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Betty

C’est le livre d’une enfant à l’attention des adultes, de la rencontre du bien avec le mal, de l’innocence confrontée aux âmes corrompues ou malveillantes mais aussi à la magie poétique d’un père altruiste et naturaliste. C’est l’histoire de Betty qui avance dans la vie, la tête dans les étoiles, les pieds sur la frontière entre le paradis et l’enfer.

Ils se sont connus dans un cimetière. Alka Lark, 18 ans, mangeait une pomme sur sa courtepointe matelassée alors qu’il s’est assis à côté d’elle, Landon Carpenter, 28 ans. Ils se sont séduits et elle est tombée enceinte. Les choses les plus simples cachent souvent des choses plus alambiquées. Après avoir essuyé la rage de son père en lui annonçant, elle a ramassé ses affaires et a retrouvé Landon pour lui demander de l’épouser. Ils ont pris la route. Les enfants naquirent au fil des états qu’ils ont traversés. D’abord Leland, l’ainé qui a les traits de son grand-père maternel, en 1939, puis Fraya sa sœur, en 1944, Yarrow et Waconda qui moururent très jeunes, Flossie née en 1951, Betty en 1954, Trustin en 1956 et Lint, dernier de la fratrie en 1957, à la suite de la naissance duquel, Alka décida qu’il était tant de se poser à Breathed, Ohio, l’état où tout a commencé. Dès lors, la véritable histoire de « Betty » débute. Une vie entre un père Cherokee bienveillant et une mère « blanche » psychologiquement instable.

Betty grandit et voit le décor merveilleux qu’elle avait imaginé avec ses yeux d’enfant se déchirer petit à petit pour laisser la place à un cadre horrible, celui de la réalité du monde des humains. C’est un monde où se cultivent les idées étriquées du racisme, la méchanceté et la cruauté sadique des enfants. Un univers où existent l’inceste, l’intolérance aveugle envers la différence et le meurtre.

Betty a un atout énorme pour survivre au milieu de ce cauchemar qu’elle ne soupçonnait pas : son père.

Landon Carpenter trouve toujours les mots pour soigner les maux, et ces mots ont un lien magique avec la nature, un lien à tel point enchanteur que l’on a envie de les croire, de croire en leur pouvoir de guérison. Ces mots s’échappent des pages du roman de Tiffany Mc Daniel et résonnent longtemps à nos oreilles, nous collent à la peau et surtout embellissent la triste réalité de la famille Carpenter et un peu la nôtre.

Lorsque je referme la dernière page de « Betty », j’ai dix ans et mille étoiles s’échappent de mes yeux brillants… Et ce sera toujours l’été…

« Betty » de Tiffany Mc Daniel est un rendez-vous merveilleux que nous propose les éditions Gallmeister, qu’il serait dommage de manquer.

Traduction de François Happe.

Editions Gallmeister, 716 pages.

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L'été où tout a fondu

°°° Rentrée littéraire 2022 # 14 °°°



Tout intrigue dans ce roman de l'auteure du formidable Betty ( gros coup de coeur de la rentrée littéraire 2020 ). A commencer par sa mise en action initiale. En 1984, le père du narrateur, ( procureur hanté par des affaires qui ébranlent sa foi en la justice ) lance une surprenante invitation parue dans un journal local : il invite le Diable dans sa petite ville de l'Ohio. Et c'est Sal, jeune noir de 13 ans aux yeux d'un vert détonnant qui débarque dans sa salopette crasseuse et se présente comme étant le Diable.



A partir de là, Tiffany McDaniel déroule un drôle de conte très sombre qui détraque complètement la communauté de Breathed. L'arrivée de Sal coïncide avec l'irruption brutale d'une canicule qui semble circonscrite à la ville, accompagnée d'une multiplication d'incidents et accidents suspects, faisant fondre le bon sens de chacun. La narration est confiée au fils du procureur, Fielding, vieil homme qui avait 13 ans lors de l'été fatidique; il s'était lié d'amitié avec Sal que sa famille avait accueilli comme enfant perdu. Et on sent très vite à son ton à la fois triste et empreint de culpabilité que le récit va se précipiter en tragédie … qui plus avec des chapitres qui démarrent systématiquement avec une citation du Paradis perdu de John Milton.



Sal est peut-être le Diable avec sa capacité troublante à déceler le malheur chez les autres. Ou est-il juste un enfant pourvu d'une éloquence hors norme qui le fait s'exprimer à coups de paraboles poétiques et sages. La réponse importe finalement assez peu, même si on se la pose tout le long. En fait, il incarne avant tout la figure de l'étranger ( un peu comme dans Théorème de Pasolini ) qui agit comme révélateur des colères et frustrations de chacun.



L'auteure utilise le cadre de la petite ville pour évoquer de grands maux de la société occidentale : racisme, homophobie, maltraitance des enfants, obscurantisme, fanatisme religieux, hystérie collective. de nombreux et vastes thèmes sont ainsi embrassés. Sans doute trop, le récit ramant par moment à supporter leur poids. Mais à chaque fois, Tiffany McDaniel parvient à surprendre le lecteur, happé par les nombreux rebondissements ou directions que prend le roman de façon très inattendue. On oublie ainsi quelques fragilités scénaristiques, comme par exemple la gestion de l'ancrage temporel : les événements sont censés se dérouler en 1984 mais on a plutôt l'impression d'être dans un roman d'Harper Lee dans les années. de plus, le narrateur est censé raconter depuis les années 2050 … mais c'est comme si on était toujours dans les années 1950.



Ce qui est sûr, c'est que les personnages, principaux ou secondaires, sont exceptionnels, vivants et originaux avec leurs excentricités particulières. J'ai adoré celui de la mère, Stella, sans doute celui qui a la plus belle caractérisation psychologique et qui connait une superbe évolution, elle la séduisante mère au foyer qui se confine chez elle de peur de la pluie. Tous incarnent des archétypes sociétaux qui vont exploser à mesure que le drame se fait jour.



Et puis il y a ce talent d'écriture qui éclate à chaque page, cette narration lyrique et poétique qui laisse un impact émotionnel fort. Tiffany McDaniel structure incroyablement ses phrases, tissant ensemble des pensées complexes avec un décalage juste, utilisant des métaphores dont l'imprévisibilité vous cueille :



« Tu sais, Fielding, le problème, quand on casse une chose à laquelle personne ne pense vraiment, c'est que cela multiplie les ombres. Quand le bol était intact, c'était une ombre. Une ombre unique. Maintenant, chaque morceau va avoir son ombre à lui. Mon Dieu, ça fait tant d'ombres. de petits éclats d'obscurité qui paraissent soudain plus grands que le bol l'a jamais été. C'est le problème des choses qui se brisent. La lumière meurt de nombreuses petites façons, et les ombres … eh bien, c'est toujours elles qui gagnent gros à la fin. »



Betty était un immense coup de coeur. L'été où tout a fondu est sans doute moins abouti mais tout aussi intense, conte agité de passions sombres, puissant roman initiatique sur la perte de l'innocence d'un adolescent qui a vu son paradis familial voler en éclat en un été, et qui ne s'en ai jamais remis.
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Betty

Betty, Prix du Roman FNAC 2020 et Prix America du meilleur roman 2020, est un roman poignant que Tiffany McDaniel dédie à sa mère née le 12 février 1954 à Ozark dans l'Arkansas. Sur plus de 700 pages qu'on tourne sans s'en apercevoir, l'auteure raconte à la première personne, le passage de l'enfance à l'âge adulte de celle qui est née moitié blanche, moitié indienne.

Difficile d'exprimer son ressenti sur un livre aussi riche et aussi éblouissant qui raconte comment une jeune femme métisse tente d'exister face aux réalités de la société rurale américaine.

Betty Carpenter est la sixième enfant d'une fratrie de huit, dont deux sont déjà morts lors de sa naissance. Fille d'Alka Lark, blonde et fragile et de Landon Carpenter, cet Indien cherokee descendant de guerriers, de guérisseurs et de sorciers, déportés dans des réserves jusqu'en Oklahoma, dont elle a hérité la peau cuivrée et une grande imagination grâce à ses histoires magiques qui lui serviront à affronter le monde cruel dans ce coin de campagne de l'Amérique profonde, l'Ohio.

Si, dans la première partie, Je suis, 1909 – 1961, Betty raconte ses parents, leur rencontre, la naissance de ses frères et soeurs, une période d'errance, puis, cette attaque raciste dont est victime Landon à la mine par les hommes avec lesquels il travaille : « On pourrait croire qu'au fond de la mine, où tout le monde est noirci par le charbon, les différences n'existent plus entre nous... Qu'on peut travailler ensemble. »

En 1961, sa mère veut rentrer en Ohio où elle a ses racines, Ohio qu'ils avaient quitté en 1945. La famille va s'installer à Breathed, une bourgade imaginaire, dans un coin de campagne à la végétation luxuriante au pied des contreforts des Appalaches. Les quatre autres parties du roman nous permettent de suivre Betty jusqu'en 1973 et montrent comment le sexe et la classe sociale ont été, en sus de la couleur, des handicaps pour elle.

Très tôt, Betty est confrontée au racisme, que ce soit à l'école avec la brutalité de ses camarades de même que celle des enseignants ou dans la rue, et d'autre part, comment continuer à vivre lorsqu'on découvre que les personnes censées nous protéger sont de véritables monstres et ne pas être envahi par un sentiment de culpabilité pour ne pas avoir révélé les faits...

Betty comprend très vite le pouvoir de l'imagination capable de transcender la réalité environnante et qu'elle est une nécessité quand le monde devient trop rude et trop violent.

Les légendes de son peuple que son père lui raconte sont autant de leçons de vie qui lui permettent d'encaisser les blessures et de les réparer. Les mots seront également pour elle une autre échappatoire à cette cruauté de la vie. L'écriture est son refuge, elle griffonne sans cesse sur de petits papiers ses douleurs qu'elle enterre ensuite sous les pierres du jardin.

Douceur, poésie et violence se côtoient tout au long de ce roman à la fois enchanteur et tragique.

Une très belle page est celle où Betty définit son père : « je pensais que mon père - comme les histoires que ces livres racontaient (ceux qu'elle empruntait à la bibliothèque) – était né de l'esprit de ces écrivains. »

Il est un véritable hymne à la terre, à la nature, à l'environnement, un hommage rendu par l'écrivaine à sa mère, mais aussi aux femmes qui ont su résister et se dresser face à l'adversité pour affirmer leur propre pouvoir.

Tiffany McDaniel fait preuve de beaucoup de sensibilité dans son ouvrage et j'ai particulièrement aimé la relation père-fille, tout l'amour que met Landon dans le surnom donné à sa fille Betty « Petite indienne » et les valeurs qu'il lui enseigne. Bouleversantes sont les relations intrafamiliales.

Lumière et noirceur, amour et méchanceté, sauvage et civilisé, les thèmes s'affrontent tout au long du roman mais la magie des mots de l'écrivaine parvient à illuminer notre lecture et à nous donner la force de ne pas baisser les bras.

C'est un livre qui ne peut laisser personne indifférent, un livre dont la force vous étreint et qui pourrait être une véritable source d'inspiration pour le futur.

Un grand MERCI à Simon pour cette lecture éblouissante.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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L'été où tout a fondu

« L’été où tout a fondu » est mon troisième (et probablement plus gros) coup de cœur de cette rentrée littéraire. Après l’excellent « Betty », qui nous plongeait au cœur d’une famille dysfonctionnelle, les éditions Gallmeister proposent cette nouvelle traduction du premier ouvrage de Tiffany McDaniel, déjà publié aux éditions Joëlle Losfeld en 2019.



« L’été où tout a fondu » se déroule en 1984 dans le sud de l’Ohio, dans un petit bled nommé Breathed. C’est l’année où Autopsy Bliss, le procureur de la ville, a la mauvaise idée d’inviter le diable en personne à venir lui rendre visite en publiant une annonce pour le moins surprenante dans le journal local. Étonnamment, un jeune noir de 13 ans, à la salopette crasseuse et au regard émeraude débarque en affirmant être le Diable…



Toute l’histoire est racontée une soixantaine d’années plus tard par Fielding, le fils cadet d’Autopsy Bliss, qui avait également 13 ans au moment des faits et qui s’était lié d’une amitié très forte avec ce petit diable au grand cœur, finalement recueilli par sa famille. Une narration qui adopte souvent le regard innocent de deux enfants extrêmement touchants, qui vont devoir grandir beaucoup trop vite à cause des événements qui ont frappé la ville durant cet été aussi torride que fatidique.



En invitant le Diable dans son récit, tout en choisissant comme cadre une petite bourgade du Midwest, confrontée à l’arrivée d’un étrange personnage à la couleur de peau dérangeante, Tiffany McDaniel dévoile avec brio les plus grands démons des Etats-Unis. Pas vraiment pris au sérieux lors de son arrivée, cet étranger au teint trop sombre va cependant vite servir de bouc émissaire à ces représentants d’une Amérique conservatrice et être pointé du doigt pour tous les maux qui vont frapper cette petite ville, dont cette étrange canicule venue faire fondre le bon sens de tous. Ce n’est d’ailleurs probablement pas par hasard que le récit se déroule à une époque où le SIDA fait son apparition, maladie venue attiser encore un peu plus les préjugés et l’intolérance.



« L’été où tout a fondu » est un superbe récit d’amitié, sur la perte de l’innocence, qui, à coups de métaphores poétiques remplies de sagesse, propose plusieurs niveau de lecture et de nombreuses phrases profondes qui semblent avoir été touchées par la grâce. Un roman d’apprentissage qui aborde des thèmes d’actualité extrêmement forts, tels que la différence, le racisme, l’homophobie, l’intolérance, le fanatisme, l’effet de meute, voire même les « fake news ». Un immense coup de cœur qui utilise l’image de « l’étranger » pour faire ressortir le Mal qui sommeille en nous.



Diaboliquement bon !
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Betty

Betty est-il le roman qu’il faut avoir lu en cette rentrée littéraire de l’automne 2020?





L’histoire se déroule sur près d'un siècle, dans le sud de l’Ohio. Celle que son père appelle Petite indienne revient sur le passé de ses parents, son père Landon, né au début du siècle, héritier d’une lignée maudite, celle des Cherokees, qui savent fabriquer de la peinture rouge et parler des feux sacrés. Cette richesse culturelle est cependant un fardeau dans cette Amérique qui n’accorde de crédit qu’aux blancs, aux voleurs de terre.

L’histoire de la mère est plus dramatique encore, et c’est la rencontre avec Landon qui la sauvera des griffes d’une famille abjecte.

Betty complètera le tableau familial tout en racontant sa propre enfance, que sa couleur de peau désignera irrémédiablement comme l’exclue, la maudite.



C’est un long roman, qui s’attache à retracer le destin, souvent écourté, des nombreux personnages de la famille, dans cette maison que la majorité des habitants de Hampstead considèrent comme maudite. Et on aurait tendance à les croire, si l’on considère le nombre de survivants à la fin du récit!



Long roman donc, et pourtant -, malgré la noirceur (certains ont pu le comparer à My absolute Darling), la lecture n’est pas complexe et se fait avec facilité.



L’écriture est très belle, dans la lignée des plus beaux romans de nature-writing et c’est sans doute ce qui contribue à son charme .



Bel exemple de ce que la littérature américaine peut nous apporter de meilleur, dans la qualité de l’écriture et le soutien de valeurs humaines primordiales.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Betty

Comment passer à côté d'un roman encensé de toute part (prix FNAC 2020 ) ?



Je crois bien qu'au sujet de ce livre, j'ai fait une sorte de burn-out : trop de drames, trop de violences, trop de morts...

Et la lectrice que je suis, de culpabiliser, parce qu'elle sait que ce personnage principal, celui de Betty, a été inspiré de la vie de sa maman, et que tout est sûrement vrai. Et qui suis-je pour juger de ce qu'une famille a subi ?

.....Et la lectrice que je suis, de continuer, parce que c'est bien écrit, parce que tout le monde a aimé, et qu'il ne s'agirait pas de passer à côté...



Et ce livre me rappelle "My absolute Darling", que j'ai subi vaillamment, de la violence dans un bel écrin, dans un joli style, dans de très beaux mots, et c'est ça être écrivain, écrire sur l'indicible, décrire, mettre des mots sur les maux.

N'empêche que je suis passée à côté de Betty, que je m'y suis ennuyée.



Et pourtant, elle est attachante , cette petite fille née d'un père Cherokee et d'une mère blanche, dans une Amérique qui va de la fin des années 50 à celle des années 70. Sixième d'une fratrie de huit, c'est celle qui ressemble le plus à son père, celle qui a la peau la plus foncée, celle qui subira le plus le racisme, le harcèlement à l'école...



Et il est attachant ce père, qui essaie de transmettre seul, les valeurs, la culture de son peuple. Et il est formidable ce père qui essaie de mettre un pansement de poésie sur la pauvreté, sur le malheur des uns , sur la bêtise des autres.



Et , elle est quelquefois à côté de la plaque cette mère, et on la comprend, mais on s'inquiète des répercussions sur les enfants...



Et c'est beau et sauvage l'Ohio.



Dure, la vie là-bas, quand on n'a rien au départ et pas grand chose à l'arrivée.



Bêtes et méchants ses habitants , les voisins, cruels les gosses...



Oui, Betty revient de loin, quel courage , il lui a fallu pour juste être elle et se relever à chaque fois...Quelle vie !



Il parait que les chants les plus tristes sont les plus beaux...



Beau mais triste, et long , très long...
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Betty

Betty est née dans une famille pauvre et métissée. Son père est un indien cherokee, sa mère la fille de petits paysans blancs. La famille compte 6 enfants, tous très différents ; deux autres sont décédés très tôt. Après une errance d'état en état, de petit boulot en petit boulot, ils sont revenus s'installer dans la région natale des parents, au sud de l'Ohio, dans une vieille bicoque qu'ils retapent progressivement.

La famille vit un peu à l'écart de la société, mais les qualités d'herboriste du père sont reconnues, ce qui leur permet de survivre. Cette activité les conduits à vivre près de la nature, avec la tête un peu dans les étoiles, tant le père aime raconter et inventer de vieilles légendes indiennes.

Leur principal lien social est l'école, mais Betty, qui a hérité de la teinte de peau de son père, y est harcelée. C'est un peu le déclencheur qui marque la fin de l'innocence et va ensuite lui faire découvrir les vicissitudes et les violences cachées de cette vie à la campagne...



Je crois que ce qui a fait, pour moi, de ce livre un coup de cœur, c'est une l'opposition entre le style et les événements qui structurent la narration.

L'écriture est ronde, lente, douce, poétique, envoutante... Combinée aux histoires que raconte le père, elle invite à la rêverie, à l'évasion.

Si l'on met de coté les liens familiaux, étroits et chaleureux, et la relation de la famille à la nature, le fond du livre est extrêmement violent : les discriminations que subit la famille, l'agression du père par ses collègues de travail, et ce n'est qu'un tout petit début... Il y a une sorte d'engrenage qui se met en place et qui broie progressivement presque tous les membres du clan.

Betty est pour moi l'égal des meilleurs romans de Steinbeck (Les raisins de la colère, Les naufragés de l'autocar) ou de Caldwell (La route au tabac, Le petit arpent du bon dieu). Pour l'apprécier pleinement, je ne l'ai pas lu d'une traite. J'ai pris le temps, un petit mois, de le déguster et de le digérer avec lenteur.



Un cou de cœur, vous dis-je !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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Betty

Betty n'est pas naïve.

Betty n'ignore rien de la violence des hommes.

Betty sait.

Le racisme ordinaire. le viol des femmes. La pauvreté. La cruauté des adultes et celle des enfants.

Mais si Betty voit, entend et endure beaucoup,

même la dureté de sa mère blanche,

elle a les tendres bras de son père Cherokee et son monde magique.

La nature généreuse et son extraordinaire résilience aussi, avec les mots inscrits dans son carnet et ces bocaux qu'elle enfouit.

Comme on enterre des secrets inaudibles à tous.

Betty, un livre terriblement sombre et lumineux.



Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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Betty

C'est dans le cimetière de Joyjug, Ohio, que se sont rencontrés Landon Carpenter et Alka Lark et où ils se sont échangé un peu plus qu'un simple baiser. Au bout de quelques mois, il ne lui était alors plus possible de cacher son ventre rond qui a mis son père dans un tel état de colère que Landon n'a pas eu d'autre choix que de lui rendre ses coups. Leland est alors le premier d'une fratrie de huit enfants. Huit enfants conçus au fil des voyages, d'État en État. Malheureusement deux d'entre eux ne survivront pas. C'est dans l'Ohio, à Breathed, que toute la petite famille décide de poser ses valises. Entre mensonges et secrets, rêve et réalité, violence et complicité, Betty, la petite Indienne, à la peau foncée et au regard noir, bercée par les histoires de son père qui lui transmettra l'héritage de son peuple, devra affronter les remous et les tempêtes de la vie...



Il est des histoires qui se racontent. D'autres qui se vivent... Betty est l'une d'elles. Sous la plume si tendre et magique de Tiffany McDaniel, Betty grandit, survit ou suffoque parfois, s'enivre des histoires de son père et brille dans les étoiles de ses yeux. S'inspirant de la vie de sa mère à qui elle rend un vibrant hommage, l'auteure tisse, avec force et fracas, une fresque familiale inoubliable. D'Alka, femme et mère instable à Lint, l'enfant fragile, en passant par Leland, le grand frère fougueux, Flossie qui se rêve grande star, Landon, ce père protecteur et aimant ou encore Betty. Sur fond de racisme, de violence, de désillusions, de pauvreté, de sexisme mais aussi d'espoir, de poésie et d'amour, ce roman fait montre d'une puissance insoupçonnable et d'une maîtrise incroyable et regorge d'émotions. Un magnifique hommage d'une fille à sa mère mais aussi à son grand-père qu'elle n'a pas connu, une épopée lyrique tout à la fois cruelle, sombre et lumineuse, un récit d'une tristesse et d'une beauté infinies... Betty, c'est tout cela et bien plus encore...

Bouleversant...

Vibrant...
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L'été où tout a fondu

Après avoir lu le magnifique Betty, de Tiffany McDaniel difficile de ne pas avoir terriblement envie de se plonger dans L’été où tout a fondu !

Contrairement à Betty, il m’a fallu un peu de temps pour m’immerger dans cette histoire et véritablement apprécier le récit.

Le roman se déroule en 1984 à Breathed, une petite bourgade de l’Ohio. Cette année-là, il fait un été d’une chaleur incroyable et c’est Fielding, aujourd’hui très âgé qui vit maintenant dans un mobil-home, dans le sud de l’Arizona, le narrateur. Si la majeure partie du roman se déroule pendant l’été 1984, le narrateur nous transporte également au présent et permet ainsi au lecteur d’appréhender les conséquences des faits de cet été-là.

Fielding est le fils du procureur Autopsy Bliss, dont le prénom en grec ancien signifie « voir par soi-même ». Ce dernier, hanté par la lutte entre le bien et le mal va inviter le diable à lui rendre visite, par le biais d’une annonce passée dans la gazette locale.

Dès le lendemain, le jeune Fielding rentrant de faire les courses pour sa mère, voit sous le grand arbre devant le tribunal celui qu’il décrit ainsi : « Il était si noir et si petit dans sa salopette, c’était comme si je le voyais par le mauvais bout du télescope ». Tout en discutant, il ramène chez lui le jeune garçon qui dit se prénommer Sal et se présente comme le diable en personne.

Persuadé qu’il s’agit d’un pauvre gosse, le procureur l’accueille dans sa famille.

L’arrivée de ce jeune garçon aux yeux verts et à la peau noire va peu à peu changer la vie des habitants de cette petite ville qui ne vont pas tarder à le prendre en grippe. D’autant qu’en même temps que son arrivée, une vague de chaleur infernale s’installe sur la région.

Se pourrait-il que Sal soit vraiment l’incarnation du mal ?

En merveilleuse conteuse, dans un récit où la symbolique est très présente, notamment avec cette couleur jaune, récurrente dans le roman et symbole du feu, Tiffany McDaniel, d’une plume très évocatrice, dresse le portrait d’une petite ville du Midwest où règnent l’intolérance, le racisme et la bondieuserie : l’Amérique confrontée à ses démons !

C’est l’histoire du Bien contre le Mal, mais ici, inversée.

À ces thèmes puissants, se rajoute en ce début des années 1980, la découverte du VIH et de sa transmission par voie sexuelle. C’est donc toute la communauté gay qui est publiquement exposée à l’homophobie, notamment dans ces petites communes rurales, où les préjugés sont tenaces, et où surtout, la religion ultra-conformiste fait preuve d’une intolérance absolue.

Tiffany McDaniel alterne avec une grande maîtrise des passages particulièrement glaçants avec d’autres d’une grande luminosité.

Les personnages du roman, parfois improbables, sont absolument incroyables, et Tiffany McDaniel restitue leur caractère tout comme leur apparence physique d’une manière remarquable, brossant avec talent des portraits hauts en couleur, réussissant à leur donner vie. J’ai eu souvent l’impression de les côtoyer, de respirer à leurs côtés.

Évidemment, certains me sont apparus rapidement sympathiques alors que d’autres me sont devenus de plus en plus insupportables.

C’est avec angoisse que j’ai suivi cette montée en tension palpable dès le début, mais qui, progressivement, va entraîner toute la communauté dans un final magistral et terrifiant, absolument bouleversant.

Beaucoup de poésie, une extrême sensibilité et beaucoup de sensualité émaillent ce roman.

La relation entre Fielding et son frère aîné Grand m’a particulièrement touchée et bouleversée. J’ai même été émue aux larmes lorsque Fielding découvre le secret de son frère, cette simple phrase : « j’ai peur » !

Quant aux fleurs évoquées dans le roman, que ce soient les canas que cultive la mère de Fielding ou les roses du jardin de Dresden, roses qui donneront à mon avis, l’un des chapitres le plus émouvant, l’auteure leur donne un pouvoir symbolique, poétique et sensuel fabuleux .

L’été où tout a fondu de Tiffany Mcdaniel est un roman initiatique ou roman d’apprentissage dans lequel j’ai suivi non sans souffrir, mais avec énormément d’intérêt le cheminement de cet adolescent qu’est Fielding, qui, en un seul été, a perdu son innocence et gardé pour le reste de sa vie un immense sentiment de culpabilité.


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L'été où tout a fondu

Ebranlé dans sa vision manichéenne du monde depuis qu’il a contribué à une terrible erreur judiciaire, le procureur Autopsy Bliss espère s’éclaircir les idées sur les notions du Bien et du Mal en s’y confrontant personnellement. Alors qu’il vient de publier une annonce invitant le diable à venir le rencontrer, se présente un jeune garçon noir aux yeux verts qui prétend incarner le Mal. Pensant plutôt avoir affaire à un banal fugueur, Bliss l’accueille comme un fils en attendant les résultats de l’enquête lancée par le shérif : une hospitalité que ses voisins ne voient pas tous d’un bon œil, surtout lorsque, concomitamment, leur petite ville de l’Ohio se retrouve affectée, à la fois par une vague de chaleur exceptionnelle, et par une série de faits étranges, propres à échauffer davantage encore les esprits...





C’est le fils cadet de Bliss, Fielding, aujourd’hui un vieil homme marginal et insociable, qui raconte tristement cette année 1984, qui, comme celle de George Orwell, devait aliéner les habitants de Breathed jusqu’à leur faire perdre tout bon sens et les placer, marionnettes manipulées par les ficelles de la peur, sous l’emprise d’un Mal d’autant plus pernicieux qu’il se cachait, sans cornes ni pieds fourchus, sous les apparences de la morale. Cet été-là, celui de ses treize ans, scinde à jamais la vie de Fielding entre un avant plein d’insouciance et un après brisé par la violence des hommes. Alors que peu à peu le drame se noue, menant l’univers familial des Bliss à la désintégration, le garçon prend brutalement la mesure de l’intolérance, du racisme et de l’homophobie, qui, sous couvert d’une foi bigote et de principes étroits, empoisonnent une certaine Amérique attachée à ses convictions bien-pensantes.





Premier roman publié de l’auteur, L’été où tout a fondu a pourtant été écrit plusieurs années après Betty, le livre multi-récompensé qui a fait connaître Tiffany McDaniel. Les deux récits se déroulent dans son Ohio natal, au coeur de la « Bible Belt », ce quart sud-est américain caractérisé par la prédominance d’un protestantisme rigoriste et fondamentaliste. Tandis que Betty y dénonce les conséquences du racisme et du sexisme sur l’existence d’une jeune métisse, cette fois l’auteur en met en évidence les racines profondes. Ici le diable se cache au plus secret des convictions religieuses, sous les traits d’un prédicateur vengeur, Elohim – Dieu dans l’Ancien Testament –, qui, au nom d’une morale chrétienne archi-conservatrice et arriérée, fournit aux peurs de ses concitoyens l’éternel bouc émissaire de la différence.





Ce récit initiatique, éblouissant de clairvoyance et d’empathie, qui nous parle avec tant de poésie de tolérance, d’indulgence et de compassion au fil d’une tragédie construite sur un très ancien héritage ancré au plus profond de la culture américaine, révèle, bien plus encore que Betty, une grande voix de la littérature états-unienne. Très grand coup de coeur.


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Betty

La dernière page est tournée, j’ai dit au revoir à la petite indienne. Elle est partie rejoindre ces personnages qui m’ont beaucoup touché dans ma vie de lecteur comme Cosette, Gavroche , Tom Sawyer, Huckleberry Finn, d’autres qui m’attendent comme Lolita, Oliver Twist,David Copperfield ou Demon Copperhead. Non je ne pleure pas se sont les pollens.

J’étais un peu méfiant au début du roman, il y a eu tellement de battages sur ce deuxième livre de Tiffany McDaniel que j’avançais prudemment. Et ce fut la grosse claque.

Nous sommes dans les années 1960 Ohio. Landon Carpenter et Alka Lark se sont rencontrés dans un cimetière. Lui est Cherokee, elle est blanche.

Betty la narratrice va nous raconter l’histoire de sa famille, celle de son père une sorte de philosophe qui grâce à ses talents de conteur va nous faire naviguer dans les croyances indiennes faites d’esprits et de nature. Betty a le talent de mettre en mots ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent. Quand on est une enfant on ne devrait pas voir ou entendre certaines choses. La violence, le racisme. Betty enterre ce qui fait mal . « Je m’étais rendu compte que les secrets que l’on enterre sont des graines qui ne produisent que du mal supplémentaire. »

Une famille c’est comme une plante, il suffit d’un rejet pour l’affaiblir ou la tuer.

Betty vit entouré de frères et sœurs, tous ont une petite lumière en eux un talent qui ne demanderait qu’à sortir. Papa Carpenter les aime ses enfants Leland, Fraya, Flossie, Trustin et Lint. Ils et elles sont un peu ses étoiles.

Voilà je n’en dirais pas plus. Betty restera ma petite indienne, l’enfant que l’on aimerait serrer dans ses bras, la consoler, la faire rire. Hélas je ne suis pas papa Carpenter.

Non je ne pleure pas, se sont les pollens.

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Betty

Sombre et lumineux. C'est ainsi que je qualifierais ce livre.



Sombre comme une enfance brisée dont les conséquences perdurent des années après.

Lumineux comme un père auprès de ses enfants.



Sombre comme une mère qui ne sait pas comment aimer ses enfants.

Lumineux comme les histoires inventées par ce père qui rendent la réalité tellement plus belle et plus acceptable.



Et en filigrane, le racisme, la pauvreté, les relations entre soeurs, les relations hommes-femmes, la violence, l'écriture, les secrets, la nature, les animaux.... et la magie des Cherokee.



Un roman exceptionnel dont on ne sort pas indemne.

Un roman tiré de la vie de la mère de l'autrice.

Un roman dur et beau à la fois. Décidément je maintiens "sombre et lumineux". Je n'oublierai pas "Betty".
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Du côté sauvage

Revêtir de beauté la laideur la plus abjecte…



Bienvenue du côté sauvage, voyage en terre de fatalité que vous ne serez pas prêts d'oublier, Tiffany McDaniel étant une immense conteuse, comme ses deux précédents romans l'ont montré, sachant, telle une magicienne, capter la violence la plus extrême en la parant d'humanité et de beauté. Cette auteure a le don, véritablement le don, de revêtir de beauté la laideur au moyen d'un lyrisme époustouflant.

Cela donne un roman noir, très noir, parfois même insoutenable (combien de fois ai-je du arrêter ma lecture pour reprendre mon souffle), mais réellement captivant, un roman d'une poésie féministe d'une beauté à couper le souffle, fondée, soulignons-le, sur une histoire vraie, celle des Six Disparues de Chillicothe, nous racontant une histoire de disparition, la disparition de femmes toxico. Un féminicide.

Après lecture de ce livre, vous aurez une vision toute autre de la dépendance à la drogue, de ses ravages et des moyens sordides pour l'obtenir. Ce ne seront plus de simples mots abstraits et vides. Tiffany McDaniel vous a mis la tête et le coeur du côté sauvage.





Bienvenue à Chillicothe, dans l'Ohio, là où l'usine de papeterie imprègne les lieux de ses odeurs, mélange « d'oeufs pourris, d'ordures chaudes et d'émanations toxiques », de ses fumées, de ses couleurs assombries. Là où coule une rivière lascive remplie de mystères.

Là, dans cette petite ville du fin fond des Etats-Unis, vivent Arc et Daffy, deux soeurs jumelles, un temps élevées par leur formidable grand-mère un peu sorcière qui leur a transmis la beauté de la vie, la poésie et beaucoup d'amour. Deux fillettes inséparables à la chevelure d'un roux flamboyant, aux multiples tâches de rousseur, avec chacune un oeil bleu et un oeil vert comme si elles portaient la terre et le ciel en elles. La vieille femme leur a appris, entre autre, les secrets de la nature, à fabriquer, créer, inventer, à convoquer les esprits et à faire du crochet une philosophie de vie.



Des mois durant en effet, avec leur grand-mère, les jumelles ont fabriqué un immense tapis en crochet qui comporte deux faces : une face où le résultat est beau et parfait et l'autre face, plus sauvage, où on distingue les fils qu'il a fallu cacher. L'envers et l'endroit. le beau et le côté sauvage. Ce tapis est une leçon de vie, à tout événement on peut y associer ces deux faces : un côté poétique, onirique, sensoriel et un côté sombre, monstrueux, glauque. Il est parfois nécessaire, voire vital, en rentrant savamment quelques fils, de transformer le côté sauvage en quelque chose de beau, de voir le beau dans la laideur apparente. C'est une capacité de survie qui régit l'ensemble du livre et qu'utilise l'auteur elle-même comme ligne directrice pour sa propre écriture qui est ainsi toujours binaire, l'horreur mélangé en un fondu troublant au beau.



Et les jumelles auront bien besoin de cette façon de voir la vie. Lorsque les parents, toxico, décident de reprendre leurs deux fillettes, se pensant désormais sevrés et donc capables de les élever, c'est le début de la descente aux enfers pour les petites filles peu à peu livrées à elle-même, en proie aux monstres qui abusent d'elles et témoin du déclin inexorable de leurs parents dans la drogue. Entre passes dans la maison même et seringues qui jonchent le sol, entre crasse et puanteur, entre absence d'attention, déficience et absence de perspectives, les deux filles vont devoir trouver d'incroyables échappatoires mentales pour surmonter les épreuves de la vie et faire face au côté sauvage.



« Tante Clover avait commencé à puer de plus en plus. Maman aussi. La transpiration corporelle, l'odeur des cheveux, qui n'avaient pas connu le shampooing une seule fois en un millier de matinées. Et puis il y avait l'odeur de quelque chose d'humide qui tapissait les cloisons nasales.

Cela me faisait penser à des mares produites par des femmes en train de fondre, trop brûlantes pour s'apercevoir que les flammes les dévoraient vivantes »



« Il puait. Un mélange de sueur, de pisse, de vomi et de quelque chose que je n'arrivais pas à définir. J'aurais voulu m'éloigner de lui et sortir, respirer l'air frais. Mais je ne le fis pas, parce que je n'avais pas le souvenir d'une autre occasion où il m'avait serrée dans ses bras avant cela. Et je savais que j'aurais pu vivre un million d'années avec mon père sans qu'il me prenne une autre fois dans ses bras, alors je le laissai me serrer contre lui, et je lui rendis son étreinte, parce qu'il me semblait que ce serait ma seule et unique chance de savoir quel effet ça faisait d'être dans ses bras ».



Les deux soeurs s'immergent dans leur imaginaire, sentant et dégustant les gâteaux d'anniversaire inexistants dessinés à même le sol, choyant des cadeaux invisibles, jusqu'à s'engloutir. Elles se racontent inlassablement des histoires. de belles histoires. Des histoires d'enterrement dans les étoiles, de trou de serrure dans lesquels on peut passer, de trésors enterrés que les gens, dans le futur, trouvent et honorent. Une ode à l'imagination jusqu'à se leurrer…Avant de sombrer, à leur tour, dans la came.



Dans ce destin implacable, cette prédestination inéluctable, elles vont rencontrer d'autres compagnes d'infortune, Thursday, Sage Nell, Violet et Indigo, toutes droguées et prostituées pour pouvoir alimenter leur dépendance, et des hommes féroces dont l'absence de nom en dit long sur la peur qu'ils inspirent et la violence dont ils sont capables. Une sororité ancestrale, atavique, surgit de ce terreau, mère d'une tendresse douloureuse.



« Quand il se retourna, je compris que les araignées sortent au grand jour et qu'elles portent des uniformes pour essayer de cacher ce qu'elles sont la nuit. Mais vous ne pouvez pas cacher les yeux dont on dirait qu'ils renferment du pétrole brut ».



Ce livre est un cri, un cri pour les victimes de la misère, du patriarcat, de la prostitution, de la dépendance à la drogue. Un cri pour les enfants saccagés et non protégés. Un cri pour toutes les personnes nées femmes dans ce monde sauvage.

« Une femme difficile à apprivoiser est une femme facile à blâmer ».

Ce livre est un pied de nez aussi, car malgré tout, ces femmes aspirent à la poésie, à la beauté, à s'élever envers et malgré tout de cette boue du quotidien qui les aspire vers les profondeurs.



"Nos pouvoirs sont dans nos rêves"





Deux voix s'entremêlent pour nous raconter cette histoire, celle d'Arc et celle de la rivière, tombeau de ces femmes dont on se soucie peu. Deux voix féminines, deux voix poétiques, d'une poésie chamanique, celle des éléments et des racines ataviques, sculptant une douce et triste ode lancinante à la féminité.

Si nous pouvons noter quelques longueurs au dernier quart du roman, la toute fin en revanche parvient à cueillir son lecteur et à le laisser bouche bée…





Du côté sauvage est un roman noir à la poésie rare qui m'a littéralement mise à terre et qui montre le talent exceptionnel de cette auteure américaine. Talent de conteuse, talent dans cette capacité à tisser, à entremêler, avec son biface l'horrible au beau, l'horreur à la poésie, faisant briller le noir d'éclats lumineux et rosés presque aveuglants. Tiffany McDaniel est vraiment une chamane à la plume singulière dans la littérature américaine.







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Betty

Sixième de huit enfants, Betty Carpenter grandit dans l’Ohio des années soixante. Elle, qui de tous ses frères et sœurs possède la peau la plus foncée, subit de plein fouet l’ostracisme raciste dont est victime sa famille, depuis l’union de sa mère blanche et de son père Cherokee. Elle ignore pourtant encore que cette première confrontation à la violence n’est que le début d’un long apprentissage, à mesure que d’autres drames familiaux sortiront peu à peu de leur secret. Dans son désarroi et son chagrin, Betty tient debout grâce à l’écriture. Il faut dire qu’avec son incomparable et merveilleuse capacité à tout transformer en histoires, son père lui tend un formidable tremplin…





Tiffany McDaniel s’est inspirée de la vie de sa mère, métisse Cherokee, pour nous livrer cette histoire en clair obscur, d’une singulière poésie. Versant ombre, les coups du sort pleuvent sur cette famille prise dans une de ces inextricables spirales où le malheur sait si bien enfermer ses victimes, de génération en génération. Les épisodes révoltants se succèdent, empilant les préjugés et l’injustice les plus consternants à la méchanceté et à l’immoralité les plus effarantes, dans une narration digne et sobre, dénuée de pathos et de complaisance, qui démultiplie l’impact des violences évoquées. Pourtant, Betty, elle, trouve la force de ne pas succomber à la haine, portée par l’amour d’un père qui illumine littéralement le récit. Rarement pareille figure paternelle aura à ce point transfiguré un roman, chassant à elle seule la noirceur ambiante par la magie et la poésie de son imagination et de ses histoires, opposant à la bêtise son humble et respectueuse connaissance de la nature, et insufflant à sa fille la conscience de sa valeur et de sa puissance.





Quand on songe aujourd’hui à la perte d’identité et d’estime de soi qui, à lire des auteurs comme Louise Erdrich, Tommy Orange, Joy Harjo ou Naomi Fontaine, continue à miner bon nombre des descendants amérindiens, l’on comprend tout le sens de l’héritage de Landon Carpenter à sa fille. A travers Betty, grandie dans le respect d’elle-même malgré le racisme, mais aussi le sexisme qui sévit à part égale dans le roman, c’est la force de refuser l’aliénation, qu’elle conduise au sentiment d’humiliation et à l’auto-destruction, ou à la haine et à la riposte violente, qu’infuse cette splendide histoire d’amour paternel.





De cette tragédie, née de l’imbécile mais brutale suffisance d’hommes blancs convaincus de leur supériorité masculine et raciale, irradie une lumineuse humanité : celle d’un père magnifique, humble mais véritable figure centrale du roman, indéniablement responsable de mon coup de coeur pour ce livre.


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Betty

Betty, petite indienne,



la vie ne te fut pas toujours douce,



tu grandis entre un père aimant et tolérant,



une maman au lourd secret,



qui t’aimait à sa façon,



jetant des pierres à son destin...



Challenge Multi-défis

Challenge pavés



des frères et sœurs tous différents,



artiste, rêveur, sage ou violent...



Dans cette famille pleine de vie,



de bons moments et des coups durs,



des querelles, et des épreuves



à partager une vie durant,



et le destin te chargea



complice rebelle et malheureuse,



de saigner dans le secret,



pour épargner, pour protéger,



de souffrir des méchancetés,



d’écoliers qui apprirent très tôt,



la haine et la moquerie.



Et ta seule consolation,



c’était petite cherokee,



ce papa qui avait donné sa vie,



à ses enfants et à toi petite étoile,



qui lui ressemblais, qui le comprenais,



qui goûtais avec lui,



à l’école de la vie, à l’école de la nature,



Que tu savais respecter.



Ton histoire je l’ai aimée,



avec toi j’ai pleuré, j’ai souffert,



me demandant souvent,



Comment tu pus garder de si lourds secrets,



mais j’ai enfin compris,



que tu les confiais à la Terre, ta mère,



petite indienne.



La fin de ton récit me fut douce et consolante,



et je garde en mon cœur à jamais,



l’histoire de ta famille,



cette pépite venue du ciel.
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Betty

Après les 272 critiques de "La salle de bal", voici qu'il me faut affronter les 689 (!) de "Betty". Tâche insurmontable ? Non, parce que je n'ai pas l'ambition de faire un "score" aux likes, donc pas de pression, mais très difficile certainement d'ajouter quoi que ce soit d'intéressant aux magnifiques billets que j'ai parcourus ça et là. Il me reste à espérer que ceux qui découvriront mon ressenti n'en auront pas lu trop d'autres avant !



Entrons dans le vif du sujet sans tergiverser. Justement, une fois n'est pas coutume, je vais commencer par le petit bitsi riquiqui point qui m'a très légèrement chiffonnée : c'est qu'il faut un chouïa trop de temps à mon goût pour y entrer, dans ce vif du sujet. L'auteure a voulu à travers ce roman évoquer sa mère, qui n'est pas complètement la Betty du titre mais qui s'en inspire fortement. Et elle fait commencer son histoire par la rencontre dans un cimetière entre la blonde Alka, 18 ans, et le Cherokee Landon Carpenter, 28 ans, qui deviendront les parents de 8 enfants dont la 6ème sera Betty. La première partie, d'une quarantaine de pages, relate les différentes naissances au hasard des états traversés par cette famille errante, naissances parfois suivis de deuils, deux des petits ne survivront hélas pas.



Au début de la seconde partie, les Carpenter vont s'installer dans une maison délabrée au passé tragique, à Breathed, Ohio, parce qu'Alka souhaite retrouver ses racines. C'est là que Betty va grandir et que j'ai réellement commencé à l'aimer, à entrer dans son monde de "Petite Indienne", surnom affectueux que lui donne son Papa, mais aussi fardeau quotidien quand il s'agit d'aller à l'école où règnent intolérance et racisme à l'égard de ceux qui ne sont pas bien blancs. Elle va donc se faire bien malmener, et ce n'est pas auprès de sa mère qu'elle trouvera du réconfort, bien au contraire celle-ci ne se privera pas de souligner la supposée laideur de sa fille. Parlons-en deux minutes, de la mère en question. Névrosée, suicidaire, parfois vraiment maltraitante (surtout en paroles), j'ai eu tendance à la détester cordialement. Sauf que, ce n'est pas si simple, parce qu'elle non plus n'a pas eu une enfance exempte de souffrances. Et à certains moments elle a su aussi prouver son amour à sa famille, et notamment à Landon. Je ne m'attarderai pas trop sur les frères et soeurs, certains comme Fraya et Trustin m'ont émue, d'autres ont suscité en moi des sentiments plus négatifs, comme Leland le frère aîné, ou Flossie qui m'a légèrement exaspérée avec ses rêves hollywoodiens et son attitude de dénigrement vis-à-vis de sa jeune soeur. N'oublions pas le petit dernier, Lint, un enfant perturbé et qui a développé d'innombrables craintes irrationnelles. Les trois filles, bien que très différentes ont développé un certain esprit d'équipe notamment quand elles se retrouvent ensemble "au bout du monde", ce coin au fond du grand jardin où leur père leur a aménagé une scène. Elles y jouent des saynètes, s'y racontent leurs rêves et y cachent certains secrets, parfois très douloureux.



Je n'ai pas encore évoqué le personnage le plus lumineux malgré son teint sombre comme celui de Betty, le plus attachant, celui qui nous emporte la tête dans les étoiles et console Betty quand tout va mal. C'est bien sûr Landon, le papa mi-poète, mi-sorcier qui raconte de si belles histoires pour faire accepter ce monde souvent cruel à ses enfants, et surtout à sa Petite Indienne, Betty. Grâce à lui, elle apprend à communier avec la nature qui l'entoure, et à en retirer tous les bienfaits sans l'abîmer pour autant, en respectant les êtres qui la peuplent et les plantes qui y poussent. Nous en aurions des leçons à tirer ! Landon possède à fond l'art de trouver du positif en chaque circonstance, et il rendra Betty forte face à la vilenie de ceux qui la persécutent. Comme j'aurais aimé avoir de temps en temps un père comme lui sur lequel m'appuyer quand tout allait de travers... Cependant il ne parviendra pas toujours à éviter les drames dont la vie des Carpenter sera jalonnée.



Le roman est découpée en "tranches de vie", de deux ans pour la plupart, où l'on assistera à la transformation de Betty d'enfant en adolescente puis en jeune femme. Chaque partie est jalonnée d'articles du " Breathanian", la feuille de chou locale, qui relate une mystérieuse affaire à épisode, où il est question de coups de feu inexplicables. Je n'en ai pas vraiment vu l'utilité, mais une explication est donnée à la fin. le récit comporte plus de 700 pages, la plupart sont très denses, mais j'ai quand même, à l'instar d'autres lecteurs, éprouvé quelques longueurs. Et ce n'était certainement pas une lecture facile, certains passages sont d'une noirceur extrême, on y rencontre bon nombre de turpitudes du genre humain que je ne vous énumèrerai pas, parce que ce serait dommage de réduire l'histoire à ces moments difficiles.



Il ne m'a pas manqué grand-chose pour un coup de coeur, quoi qu'il en soit Betty restera dans mes plus belles découvertes de l'année.
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