AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Tyler Crook (28)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Petrograd

Petrograd la grande, Petrograd la fière, Petrograd l’ancestrale cité des tsars russes est ici l’objet d’un one-shot sombre et intense sur fond de trame politique au cœur de la Première Guerre mondiale.



Suivre un espion britannique, Cleary, en poste à Petrograd au cœur des années 1915 et 1917, dans ses « aventures » et ses réflexions, est un angle de vue original et bienvenu. La montée du bolchévisme, la trame politique, le fond d’espionnage et le rapport du peuple avec son tsar, tout semble y être. Toutefois, le scénario passe, à mon humble avis, à côté de l’essentiel. En effet, Petrograd, malgré le titre éponyme, n’est pas du tout abordée comme un personnage à part entière, mais davantage comme un lieu morne et peu enclin à la joie de vivre (cf. paragraphe suivant sur l’aspect graphique). De plus, rapidement, nous pouvons nous rendre compte que l’événement principal va être l’assassinat de ce fameux Raspoutine, et pourtant il n’apparaît comme un fantôme horrifique planant au-dessus de son histoire ; nous n’avons que des rumeurs de sa vie, que des avis extérieurs sur ses ambitions, que des visions sûrement erronées volontairement de ce sacré personnage : un petit peu de poigne dans le scénario aurait pu nous montrer des aspects moins connus de ce gars mystérieux dont la mort semble déclencher beaucoup de choses, mais qui finalement ne l’affirme pas. Du même coup, Philip Gelatt ne réussit pas tellement à créer une véritable ambiance oppressive ou avilissante, ce qui, pour un thriller historique sur fond de révolution, est tout de même bien dommage, car il nous semble bien que les auteurs avaient l’air bien calés sur le sujet, le glossaire final étant bienvenu pour faire foi.

De son côté, Tyler Crook nous propose un graphisme assez particulier. Au menu : dessins hachés et âpre colorisation qui tentent de mettre en valeur une bonne utilisation de la lumière. Et, de ce point de vue-là, c’est vrai, c’est réussi : nous pouvons suivre une très belle organisation graphique des cases, et nous pouvons même jouer à déceler les multiples balancements produits quand certaines cases répondent à d’autres par leur construction ou leur composition (notamment dans l’opposition bas peuple – aristocratie). Après, c’est sûr, il faut aimer, ou au moins tolérer, les dessins taillés à la serpe et au couteau, voire à la faucille et au marteau compte tenu du contexte : bizarrement, les décors paraissent ainsi trop simplistes, mais dès que le point de vue se rapproche suffisamment des visages pour les voir vraiment s’animer, cela devient bien plus agréable, notamment sur les personnages féminins comme celui de Marya. Toutefois, cette disproportion est accompagnée aussi d’un effet stylistique consistant à quasiment dédoubler certaines parties de dessins quand l’action se déroule très vite et qu’il s’agit de créer un pseudo-ralenti. Ces impressions créent devant nos yeux de lecteur un paysage à la fois morne et violent, en tout cas peu accueillant. Enfin, ces relativement bonnes dispositions se dégradent très fortement dès la fin du premier tiers du volume : l’organisation des planches n’innove plus, nous suivons un schéma archétypal et même les dessins y perdent beaucoup, privilégiant des zooms sur des visages apathiques et de grands aplats noirs pour isoler certains détails. Cette baisse de régime est d’autant plus dommageable quand on regarde les travaux graphiques préparatoires disponibles en bonus à la fin du volume.



Urban Comics a donc le mérite de nous faire découvrir des comics indépendants avec ce qu’il faut d’originalité pour attirer, mais ce coup-ci je n’ai pas tellement accroché : le sujet est intéressant mais traité de manière trop bancale (entre un espion britannique omniprésent, mais peu convaincant, et un Raspoutine quasi « omniabsent » alors qu’il est la clé de l’histoire), le trait est original mais perd grandement de sa valeur une fois mis en page. Bref, c’est par un gros « dommage » que je referme ce comics.



Commenter  J’apprécie          480
Colonel Weird : Cosmagog

Cette aventure se déroule dans l'univers partagé de Black Hammer créé par Jeff Lemire, avec Dean Ormston. Il vaut mieux que le lecteur ait une connaissance a priori de cet univers partagé avant de lire ce récit. Ce tome regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020/2021, écrits par Jeff Lemire, dessinés, encrés et mis en couleurs par Tyler Crook. Il comprend les couvertures de Tyler Crook, ainsi que les couvertures variantes de Jeff Lemire, Evan Dorkin, John McCrea, Mlachi Ward. Il se termine avec 7 pages d'études préalables de Crook.



Peut-être au temps présent, Randall Weird apparaît dans une décharge d'énergie électrostatique, au beau milieu d'une route déserte, dans une zone désertique. Il semble avoir une soixantaine d'années avec ses cheveux blancs, et sa barbe blanche, et il est revêtu de sa combinaison rouge de cosmonaute, avec sa bouteille d'oxygène sur le dos. Il force ses pieds à se poser au sol, et il marche jusqu'à atteindre une station-service déserte. Il a déjà vu cette configuration. Il a déjà tout vu mais il ne parvient pas à s'en souvenir. Quelle est la dernière chose qu'il a vue ? Ses amis se précipitant à travers le portail ouvert par Madame Dragonfly, pour rentrer chez eux : Barbalien, Golden Gail, Talky Walky, Abraham Slam et peut-être Joseph Weber. Ses amis sont rentrés, et, lui, il est arrivé là. Il a soif. Il pénètre dans la station-service désaffectée et à l'intérieur il est accueilli par un homme âgé bienveillant derrière le comptoir, alors qu'il est redevenu un enfant. À son invitation, il va se servir dans l'armoire réfrigérée : il en ouvre la porte et de l'autre côté Anti-God est enveloppé d'une énergie verdâtre. Weird est comme happé de l'autre côté, et y choit retrouvant son âge véritable et arrivant sur le toit d'un immeuble de Spiral City, où l'attendent les superhéros Barbalien, Golden Gail, Talky Walky, Abraham Slam et Black Hammer. Ils ne comprennent pas bien ce qu'il raconte et qu'il veut avec son histoire de soda.



Colonel Weird se retourne et la ville est la proie des flammes, avec la silhouette démesurée de Anti-God en arrière-plan. Golden Gail dit à Barbalien qu'elle pense qu'ils ne sont pas à la hauteur et qu'ils vont probablement mourir ici lors de l'affrontement contre Anti-God. Weird se tourne vers et la rassure : ils ne vont pas mourir ici parce que… Lorsqu'il finit sa phrase, il est à nouveau dans la station-service désaffectée, un vieil homme ayant ouvert la porte d'une armoire réfrigérée débranchée depuis plusieurs décennies, et pourtant il tient une bouteille fraîche dont il boit le contenu. En partant, il laisse une pièce de monnaie sur le comptoir. À l'extérieur, il découvre que sa fusée est là. Il prend le pistolet de la pompe pour faire le plein de carburant. Des années plutôt, il est sur le siège du pilote de la même fusée, dans le silo de décollage. Dans la salle de contrôle de la base, Eve Randall procède au compte à rebours, à côté du docteur Robinson. Quelques temps plus tard, le colonel Weird se tient devant un mur avec des peintures rupestres, et il demande la permission d'enquêter plus avant. Eve lui accorde sous réserve qu'il soit de retour pour le nouvel an.



Difficile d'imaginer un lecteur dont le premier contact avec l'univers partagé de Black Hammer serait par le biais de cette histoire. Il découvre un vieux fou en combinaison de cosmonaute faisant l'expérience du temps de manière non linéaire, dans un désordre chronologique, aussi pour lui-même que pour les superhéros qu'il croise de temps à autres. D'ailleurs, la lecture de ce seul tome ne permet de comprendre qui est cette équipe de superhéros, ni pourquoi elle se bat contre une entité géante qui semble entraîner la fin du monde de manière inéluctable. S'il est aventureux, il peut accompagner Randall Weird de bonne grâce dans cette succession de moments à la chronologie disjointe, aux liens de cause à effet semblant ne répondre qu'à l'inspiration du moment du scénariste. D'un autre côté, cela ne l'empêche de tomber sous le charme de la narration visuelle, avec une mise en couleurs réalisée par des aquarelles très organiques, et des traits de contour réalisés au pinceau apportant une douceur agréable aux personnages et aux décors. Il ne peut qu'en ressortir avec l'envie irrépressible de découvrir d'autres séries illustrées par cet artiste : ça tombe bien, la série Harrow County de Cullen Bunn n'attend que son bon vouloir et elle est magnifique (à part une poignée d'épisodes confiés à un autre dessinateur).



La mise en couleurs en peinture associée à des visages un peu naïfs donne un caractère intemporel à la narration visuelle, plutôt vaguement surannée quelle que soit l'époque à laquelle la scène se déroule. Les auteurs jouent avec des marqueurs datés, et des artefacts de la mythologie des États-Unis, entre réalisme et éléments devenus iconiques avec la patine des années écoulées. Le ruban d'asphalte au milieu d'une zone désertique est un cliché maintes fois vu, mais la mise en couleur transcrit bien l'impression donnée par une étendue sablonneuse à perte de vue, avec quelques tâches de verdure.la station-service désaffectée présente des traces de rouille, des tâches d'humidité, à la forme un peu vague, incitant le lecteur à projeter ses propres images toutes faites, capturant l'impression générale avec une exactitude d'autant plus remarquable qu'elle se limite aux généralités visuelles, un tour de force graphique. Pour la fusée, les auteurs ont choisi la forme d'un cigare oblong avec quatre réacteurs en bas, servant également de pied pour la stabiliser en position verticale, une forme plus fantasmée sur les couvertures des romans de science-fiction des années 1940 et 1950, qu'une réalité, une forme inscrite dans l'inconscient collectif, datée. L'artiste fait preuve d'une capacité surnaturelle à ainsi retranscrire des images évidentes devenues des clichés, tout en leur insufflant une émotion vraie, ce qui les rend unique, et totalement au service du récit, plus du tout des éléments préfabriqués et prêts à l'emploi. Ainsi le lecteur sourit en voyant Randall Weird en gourou des années 1960, dans une pièce où ses élèves sont assis en tailleur autour de lui, et dans le même temps il ressent l'honnêteté et la bienveillance qui se dégage de Weird, ainsi que le besoin d'apprendre des adultes qui l'écoutent, animés d'une volonté de devenir plus sages. Impossible également de résister à la détresse de Randall à 10 ans, allongé dans son lit, avec sa mère assise sur le rebord en train de le rassurer : c'est à la fois un moment presque naïf, à la fois l'incarnation de la chaleur humaine désintéressée.



Les dessins de Tyler Crook développent une force de conviction tout aussi intense pour les éléments qui relèvent plus de l'aventure ou de l'action. Dans la série initiale de Black Hammer, ce personnage faisait penser à deux personnages de l'éditeur DC Comics, à la fois Captain Comet pour son costume d'astronaute rouge, à la fois Adam Strange et au rayon Zeta pour cette façon d'être transporté d'un endroit à l'autre contre son gré. Dans cette minisérie, il apparaît un troisième héritage, celui de Doctor Strange, lors des passages dans la Para-Zone, avec des éléments visuels faisant penser à Steve Ditko, que ce soient les yeux flottants ou les structures en forme de liaison atomique entre noyau. Indépendamment de l'intérêt qu'il peut trouver au récit, de sa capacité à s'adapter à sa structure, le lecteur tombe sous le charme de la narration visuelle, et se retrouve à déguster chaque page, même si le scénariste l'a perdu en cours de route, ou même s'il ne souhaite pas jouer à rétablir les liens chronologiques sciemment mélangés par l'auteur.



S'il a déjà lu la série mère Black Hammer, le lecteur s'est déjà forgé son idée sur les allers-retours du colonel : soit il a décidé d'essayer de reconstituer le fil chronologique, soit il a décidé que cela n'a pas de réelle importance par rapport à l'intrigue. Dans le premier cas, sa concentration est fortement sollicitée puisque Randall Weird apparaît à 5 âges différents : 10 ans, trentenaire, quadragénaire, quinquagénaire, sexagénaire, et à plusieurs périodes de sa vie comme enfant chez ses parents, astronaute pour son premier vol, membre de l'équipe de superhéros à Spiral City, paumé dans une station-service abandonnée, etc. En outre, il n'apparaît pas forcément au bon âge, pouvant être le sexagénaire à l'époque où il avait une quarantaine d'années. Dans le deuxième cas, il se laisse aller, sans se préoccuper de la logique chronologique, préférant rester dans un état d'esprit de déstabilisation provoquée par ces apparentes incohérences. Dans les deux cas, il lui est possible de détecter une trame d'intrigue. Ce n'est pas tant de savoir à quoi va arriver le voyage de Randall Weird, plutôt que de découvrir différentes étapes de sa vie, et d'essayer de les mettre en relation avec son enfance, exercice dans lequel Jeff Lemire excelle comme il l'a prouvé dans de nombreux récits. La chronologie chaotique rend caduque la notion de causalité, rendant impossible de savoir si Randall était déjà bizarre enfant, ou si c'est le premier contact avec la Para-Zone qui l'a rendu ainsi. Contre toute attente, le dernier épisode apporte bien une réponse, ou plutôt une confirmation quant à ce que rechercher Randall. C'est même montré de manière tellement explicite, que le lecteur peut ne pas y croire dans un premier temps, et continuer à chercher. C'est un besoin basique et très universel qui apporte une logique émotionnelle au récit, au point que le lecteur peut en venir à oublier qu'il aurait bien aimé savoir ce qu'est devenue Eve.



À l'évidence, cette minisérie n'est pas pour tous les lecteurs : il faut être aventureux, et accepter de s'adapter à la volonté de Jeff Lemire. Sous cette réserve, le voyage visuel est éblouissant, séduisant, incroyablement évident et satisfaisant, avec des images aussi stéréotypées que rendues uniques par une émotion bienveillante de tous les instants. Cette histoire est certainement la plus originale de toutes les miniséries, ne s'apparentant que de très loin à hommage à d'autres superhéros. S'il fallait en mettre une évidence, ce serait Jon Osterman, non pas parce que Colonel Weird a la peau bleue et manipule la réalité (ce n'est pas le cas), mais parce que le scénariste essaye à son tour de transcrire l'effet d'une expérience non linéaire de l'écoulement du temps. En outre, ce n'est pas un simple exercice de style stérile, c'est aussi faire connaissance d'un personnage lunatique qui se révèle être très touchant dans son aspiration profonde.
Commenter  J’apprécie          70
Harrow County, tome 8 : Done Come Back

Ce tome fait suite à Harrow County Volume 7: Dark Times A'Coming (épisodes 25 à 28) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 29 à 32, initialement parus en 2018, écrits par Cullen Bunn, dessinés, encrés et peints par Tyler Crook. Il s'agit du dernier tome de la série, et les 8 tomes forment une histoire complète. Il comprend également une postface d'une page et demie de Bunn, et une autre d'une demi-page de Crook.



Emmy court dans la forêt, avec les restes ensanglantés d'Emmett dans les bras. Le sang a imbibé le devant de sa robe, ainsi que le bas de son visage. Elle ramène ses restes à l'endroit où elle l'a vu pour la première fois. Alors qu'elle pose les os à terre, les ronces reculent et se déplacent pour former une maison. Il en sort une femme qui appelle son fils pour passer à table. Emmy s'adresse au tas d'os en lui enjoignant de répondre à cet appel. Les os émettent une brume qui prend la forme d'un garçon tenant à la main un lapin de chiffon, et se dirigeant en courant vers sa mère. Emmy lui adresse un adieu et repart. Pendant ce temps-là, Hester se dirige vers la loge de réunion du conclave. Elle est décidée à revoir les membres de sa famille une dernière fois. Elle pénètre dans le couloir d'entrée et observe la collection de portraits accrochés aux murs. Elle remarque que tous ont été barbouillés avec un gros feutre noir. Elle finit par arriver dans la pièce principale, celle où les membres de la famille sont réunis.



Hester se tient devant Levi, Odessa, Corbin, Willa, Kaine et Mildred. Levi s'adresse à elle pour l'accueillir et l'assurer qu'ils sont là pour l'aider. Hester répond qu'elle n'est pas dupe qu'elle sait pertinemment qu'ils ne sont là que parce qu'ils ont répondu à son appel. Levi l'assure à nouveau de la bienveillance de leurs intentions, de leur volonté d'évoluer, de faire changer leurs règles et leur manière de faire. Hester réitère à nouveau son incrédulité et s'en prend physiquement à eux. Le combat est bref et brutal ; Odessa profite de la confusion pour s'enfuir ayant bien compris qu'elle ne fait pas le poids. Elle court dans le couloir en s'appuyant avec la main sur les murs, déposant ce faisant une trace de sang sur les portraits raturés, le sang de ses frères et sœurs. Hester la rattrape sur le perron à l'extérieur. Pendant ce temps-là, Emmy s'est agenouillée devant un ruisseau : elle se rince le visage avec l'eau claire pour faire partir les terribles tâches de sang. Ce dernier part avec l'eau, mais le reflet de son visage dans le ruisseau porte encore la marque infâmante. Toujours dans sa robe blanche sans manche souillée et maculée, Hester marche pied nu dans la grand rue d'Harrow, avec son nœud coulant autour du cou. Elle s'interroge sur ce qu'elle a envie de faire ensuite, jusqu'à temps de remarquer la présence de son père l'Abandonné.



En ouvrant ce tome, le lecteur sait qu'il s'agit du dernier. Il apprécie que Tyler Crook ait dessiné l'ensemble des épisodes, sans intervention d'un artiste invité. Il savoure à l'avance les dessins d'ouverture en double page, avec le titre de la série formé de lettres constituées d'éléments du décor. Les ronces dessinent les lettres pour l'épisode 29, assez bien intégrées dans l'image globale. L'artiste reproduit cette démarche pour les 3 autres épisodes, mais sans retrouver l'équilibre entre lettrage et éléments intégrés au décor, comme s'il s'était contenté de solutions basiques et directes. Le lecteur est également revenu chercher l'épatante complémentarité entre les traits encrés des dessins et la mise en couleurs directe. Il retrouve ce grand plaisir avec la séquence d'ouverture dans laquelle les aquarelles viennent donner de la consistance et de la profondeur aux ronces, rendant crédible leur mouvement, leur entrelacs pour former une construction. Il est moins convaincu par la deuxième séquence quand Hester pénètre dans la loge, car l'apparence organique de l'aquarelle ne se marie pas bien avec la construction en brique, ou avec les portraits sur les murs. Les dessins donnent également l'impression que Crook se sert de la peinture pour camoufler l'absence de décor en arrière-plan dans une partie des cases, sans vraiment reproduire l'impression générale que donne un mur derrière, mais sans non plus s'écarter d'une simple représentation pour aller vers l'impressionnisme.



Ainsi en fonction des séquences, le travail de couleur directe fonctionne plus ou moins bien. Parmi les grandes réussites, le lecteur ressent la pénombre paisible de la nuit quand Emmy se lave le visage, la pénombre plus sinistre quand Hester s'avance dans les rues d'Harrow, la lueur fantastique baignant le village détruit dans les bois dont les maisons abritaient la communauté afro-américaine, ou encore l'extraordinaire luminosité quand Emmy se sert de son pouvoir pour s'envoler et se tenir à plusieurs dizaines de mètres au-dessus des champs de la région. Dans le même temps, il note que Tyler Crook fait durer l'ambiance lumineuse d'une scène pendant plusieurs pages, sans variation, sans progression narrative. Du coup, il finit par se désintéresser des camaïeux aqueux lors de la conversation entre Hester et l'Abandonné à Harrow, de ceux dans l'orée des bois alors qu'Hester fait leur affaire aux habitants d'Harrow, de ceux pour le long affrontement dans une autre partie des bois dans l'épisode 3, et encore de ceux lors d'un autre long affrontement à nouveau dans les bois pour l'épisode 4. Ce n'est pas tant que l'artiste se désintéresserait de ce qu'il montre ou de ce qu'il raconte, c'est plutôt que la mise en scène oppose deux factions de manière assez basique, avec un plan de prises de vue également trop basique.



Le lecteur éprouve aussi le plaisir de retrouver des personnages qu'il a côtoyé pendant de nombreux épisodes. Emmy a conservé son apparence de jeune fille sage, bien comme il faut. En fonction de sa situation, le lecteur peut voir son visage changer d'expression, des émotions intenses y apparaissant, lui insufflant une vie et une énergie touchante la rendant humaine et complexe. Par comparaison, la représentation d'Hester est plus d'un seul tenant : une femme folle sur le chemin de la vengeance. Son visage prend donc des expressions plus marquées, habitées par la folie. Les autres personnages à apparence humaine disposent de moins de cases pour exister. L'artiste se montre un bon directeur d'acteurs pour faire ressortir l'amitié qui lie Emmy et Bernice, et un bon metteur en scène pour la séquence avec de nombreux figurants lorsque les habitants d'Harrow se regroupent et subissent le courroux d'Hester. Crook n'a pas non plus perdu sa patte pour représenter les manifestations surnaturelles et les monstres. En ce qui concerne les spectres, il varie leur apparence, de normale pour Emmett et sa mère, à fantômatique pour les squelettes enflammés. Il reste toujours habile à représenter l'horreur que ce soit les serpents s'infiltrant dans des corps humains, des chairs lacérées et déchiquetées par des ongles, des os ressortant d'une plaie ouverte, etc. Il parvient également à rendre inquiétant l'Abandonné malgré sa morphologie très exagérée.



Tyler Crook assure donc un spectacle horrifique de qualité, malgré quelques baisses chroniques dans la qualité de certaines cases quand les camaïeux de couleurs ne suffisent plus à masquer une structure narrative simplette. Dès le premier épisode de ce tome, le lecteur a bien compris que le clou du spectacle réside dans le duel entre Hester et Emmy, une confrontation frontale à l'issue de laquelle il ne peut en rester au plus qu'une. D'un côté, il y a la méchante irrécupérable parce que folle : de l'autre côté, il y a la gentille demoiselle devant assumer le poids d'un héritage maléfique et dont les amis vont servir d'otages. Le lecteur observe donc Hester s'en prendre aux habitants d'Harrow, avec une forme de prise de recul. En effet la nature de ces habitants fait qu'ils ne sont pas tout à fait humains, et qu'en plus ils constituent une foule d'anonymes, à l'exception de Berenice. Mais Cullen Bunn indique dès le début que tout le monde peut y passer, et que le temps n'est plus au développement des personnages, mais à leur massacre. S'il reste un doute en la matière au lecteur, le sort des membres de la famille (Levi, Odessa, Corbin, Willa, Kaine, Mildred) le dissipe. Le scénariste a donc décidé de résoudre les antagonismes au cours de plusieurs affrontements successifs définitifs. Il s'agit d'une structure habituelle dans les comics de superhéros et qui peut faire sens, sous réserve que l'affrontement physique se double d'un affrontement idéologique ou moral, et qu'il fasse progresser le héros dans la compréhension, ou qu'il le fasse évoluer. Il apparaît rapidement que cette dimension n'est pas à l'ordre du jour et que les combats n'ont pour objectif que d'éradiquer le mal absolu, sans nuance. Bunn insère plusieurs rebondissements et stratégies inattendues faisant appel à des créatures sortant de l'ordinaire. Mais le lecteur s'attendait à plus, du fait des questionnements des tomes précédents qui faisaient reposer des responsabilités complexes sur les épaules d'Emmy.



Ce dernier tome vient conclure une série sortant de l'ordinaire dont la portée dépasse la simple histoire de sorcière ou de revenante. Le lecteur avait pu éprouver une forte empathie pour la principale protagoniste, et apprécier l'utilisation originale de conventions du récit d'horreur. Il avait pu remarquer régulièrement que Tyler Crook n'était pas un simple metteur en images, mais à un auteur à part entière, apportant autant au récit que le scénariste et même plus. Cette conclusion reste largement au-dessus de la production mensuelle moyenne des comics. Elle apporte une fin en bonne et due forme, cohérente avec le reste de la série, mais avec une ambition revue à la baisse d'un ou deux crans.
Commenter  J’apprécie          70
Petrograd

J'ai bien aimé ce récit historique sur la conspiration qui a conduit à l'assassinat du conseiller du Tsar Nicolas II à savoir le fameux Raspoutine peu avant que n'éclate la révolution. Ce ne sont point des révolutionnaires qui ont fait le coup mais plutôt la noblesse russe voulant se débarrasser de ce personnage malfaisant pour le pays.



Les auteurs ont introduit une puissance étrangère à savoir la Grande-Bretagne par l'intermédiaire d'un de ses espions car ce pays avait un intérêt tout particulier à ce que puisse durer la guerre contre l'Allemagne du Kaiser Guillaume II. On ne sait toujours pas si cette thèse est la vérité historique.



On va entrer véritablement dans les arcanes de la police secrète pour voir comment cela s'est orchestré. Ce thriller fait assez réaliste malgré quelques inexactitudes historiques. On notera un soin tout particulier pour une bonne psychologie des personnages. C'est véritablement vivant. En tout cas, cela est fort convaincant.
Commenter  J’apprécie          60
Petrograd

Au terme d'une BD volumineuse, environ 270 pages, je reste fort mitigé.



Nous sommes en 1917 à Petrograd (Saint-Petersbourg). Le lecteur suit pas à pas les agissements d'une cellule d'espions britanniques dont les motivations sont floues ou fluctuantes. On fricote avec la révolution qui s'amorce. On complote. On copine avec l'intelligentsia russe. On finit par s'accorder sur l'idée d'abattre Raspoutine. Voilà pour le pitch.



Le déroulement de l'action (je devrais mettre des guillemets à ce mot) est très inégal. Le rythme est lent, très lent, le plus souvent. Parfois il s'accélère. Mais rarement. Et c'est principalement le cas en fin de tome, après l'assassinat du moine et lors de la course-poursuite entre un agent britannique et l'Okhrana. Ce rythme changeant m'a posé des problèmes. D'autres choses aussi, comme les motivations, des intervenants (notamment les agents britanniques), l'absence de Raspoutine (hormis quelques pages) et le fait que les auteurs se concentrent beaucoup sur des détails, des micro-événements plutôt que de donner une vue d'ensemble. En 272 pages, on auraitpu croire qu'on allait avoir de l'ampleur. Eh bien, non, c'est assez terre-à-terre. Ce qui me fait dire qu'on aurait pu raconter la même histoire, plus tendue, plus dynamique, avec grosso modo 100 pages de moins.



Osons le dire, je suis arrivé au bout avec soulagement, même si les 90 dernières pages sont bien meilleures queles 180 premières.



Côté dessins, j'ai bien aimé le parti pris des auteurs sur l'omniprésence du rouge sous toutes ses déclinaisons. C'est assez fort visuellement. Idem pour la mise en page et avec le découpage des planches, le tout renforçant le récit. Petite déception donc.

Commenter  J’apprécie          50
B.P.R.D. - L'Enfer sur Terre, tome 4 : Le L..

Le tome précedent était A cold day in Hell (épisodes 105 à 109). Ce tome contient les épisodes 110 à 114, initialement parus en 2013, coécrits par Mike Mignola et John Arcudi, dessinés et encrés par Tyler Crook, mis en couleurs par Dave Stewart. Comme les précédents, ce tome s'adresse à des lecteurs familiers de la continuité développée par Mignola et Arcudi. En particulier il est indispensable d'avoir lu le tome précédent pour avoir un espoir de saisir les allusions qui sont faites aux événements s'y étant déroulés : la mission de sauvetage de l'agent Howards (avec son épée bifide), et l'intervention du directeur Iosif Nichayko à Doyonek.



En mars, une équipe de volontaires aide à déblayer des décombres dans une ville détruite, à la recherche d'éventuels survivants. Parmi eux, le docteur Clyburn observe que la seule trace de vie réside dans de petites créatures ressemblant à des poissons d'argent (insecte aptère de la famille des lepismatidae). En juin, Liz Sherman est dans un hôpital en train de se remettre de ses graves blessures. Elle est suivie par le docteur Hammett qui lui explique que les ressources sont rares, ce qui explique la pénurie de médicaments, et l'absence d'électricité pour la lumière. Dans la base du BPRD, Kate Korrigan assiste à une réunion comprenant des représentants de l'ONU et de l'armée. L'objet de cette réunion est de passer en revue l'échec de la dernière tentative de reconnaissance à New York, et de déterminer les modalités d'une nouvelle expédition. Accompagnée de Bruiser son chien, Fenix a atteint le site de la mer de Salton (Salton sea, un lac salé endoréique situé en Californie du Sud) où elle trouve refuge dans un motel désaffecté auprès de Bob, alors que les pèlerins attendent l'éclosion de l'œuf (voir Abe Sapien 2).



Alors qu'Hellboy effectue sa descente aux enfers (voir The descent), l'organisation du BPRD poursuit ses efforts pour lutter contre les diverses manifestations de monstres sur le globe. Le récit s'articule essentiellement autour de Liz Sherman d'une part, et Fenix de l'autre. Il y a régulièrement des séquences au QG du BPRD pour développer les circonstances qui mèneront à la mission à New York dans le tome suivant The reign of the Black Flame.



Comme à leur habitude, Mike Mignola et John Arcudi conçoivent une situation conflictuelle puisant ses sources dans l'horreur, dans le combat contre des monstres. Toutefois la situation des 2 héroïnes se distingue de par son contexte, mais aussi la personnalité de l'une et l'autre. Cela fait vraiment plaisir de retrouver Liz Sherman et de la voir sortir de son rôle un peu passif. Les auteurs la mettent dans un hôpital où un docteur va tenter des expériences contre nature. En soi, ce scénario n'est pas follement original. Dans son exécution, il comporte plusieurs caractéristiques qui le rendent unique. Il y a pour commencer Liz Sherman elle-même dont le lecteur suit la convalescence depuis de nombreux épisodes. Mignola et Arcudi ont pris leur temps pour établir les conséquences des blessures (physiques et psychologiques) de Sherman, pour montrer que les séquelles ne disparaissent pas entre 2 épisodes, et que ces épreuves ont changé cette personne en profondeur (réussir à canaliser le stress post traumatique). En cela, ce récit d'aventures respecte bien l'intelligence du lecteur.



Les bestioles conçues par Tyler Crook pour servir d'opposant à Liz Sherman constituent la preuve de son investissement dans la série. La saveur de chaque histoire doit beaucoup à la qualité des monstres imaginés. Non seulement, le personnage de Liz Sherman est étoffé, ses réactions et son comportement découlent de sa personnalité et des épreuves qu'elle a traversées, mais en plus le monstre est assez original et terrifiant pour que l'affrontement soit impressionnant et crédible.



Par rapport à Liz Sherman, Fenix est un personnage encore neuf dont le lecteur ne sait pas grand-chose, même si elle est apparue depuis le tome 2 d'Hell on earth, c'est-à-dire Gods and monsters. Ces épisodes sont l'occasion d'en découvrir plus sur son passé (sa mère et sa sœur) et de peut-être découvrir une partie de la source de ses pouvoirs. Comme Liz Sherman, Fenix ne devient pas une héroïne du jour au lendemain, loin s'en faut même. Elle a décidé de revenir sur les lieux de son enfance. Mignola et Arcudi relient avec habilité la trajectoire de Fenix à celle d'Abe Sapien, avec quelques semaines de décalage. Fenix est également confronté à des individus qui souhaitent accepter l'évolution qu'ils voient dans les monstres, et même les accueillir à bras ouvert. À la fois les épreuves de Sherman et Fenix se répondent, à la fois elles font ressortir leurs différences, leur parcours, et leur différence d'âge.



Petit à petit, Tyler Crook murit et affine ses capacités graphiques. Le lecteur peut donc apprécier ses qualités de concepteur et dessinateur de monstres, ingrédient primordial dans les récits du BPRD. Avec ces épisodes, Crook prouve qu'il est également capable de concevoir des environnements crédibles dotés d'un certain cachet (le motel hippie de Bob). Les tenues vestimentaires restent simples, tout en étant différenciées d'un personnage à l'autre. Les scènes d'action ont acquis un niveau de fluidité dans les mouvements et les mises en scène qui les rendent vives et haletantes. Il n'y a plus que les fluctuations de rendus des visages qui déstabilisent parfois, entre les simples traits pour figurer les yeux ou à l'opposé un visage plus détaillé (les ecchymoses de Bob par exemple).



Comme d'habitude, le scénario de Mignola et Arcudi comprend des scènes de nature différente qui requiert des capacités diverses et variées de la part du dessinateur. Crook réussit de nombreuses scènes complexes, qu'il s'agisse de grand spectacle (un monstre marin gigantesque s'attaquant à des avions de chasse, pas facile à rendre plausible), une forme d'horreur (un monstre en train de brûler sous l'action de flammes vives), des scènes plus intimistes (le docteur Hammett incitant Liz Sherman à aider Andrea), ou encore des scènes de foule (l'attroupement d'individus organisant une fête sur la plage dans l'attente de l'éclosion de l'œuf).



Ce tome révèle lentement sa saveur pour les lecteurs habitués de la série (pour les autres, il est à craindre qu'ils aient du mal à identifier les enjeux). Mignola et Arcudi prennent leur temps pour étoffer le parcours de 2 de leurs personnages, montrant comment les circonstances et leur caractère respectif les amènent à évoluer. Tyler Crook a accompli de grand progrès et se révèle un artiste très compétent pour transcrire les nombreuses exigences du scénario.
Commenter  J’apprécie          50
Petrograd

Une bande dessinée tout en noir et blanc (et sépia) pour raconter l'assassinat de Raspoutine.

Le titre Petrograd, ainsi que l'intro, laissent entendre que la ville de St Petersbourg sera le personnage principal mais il n'en est rien car finalement, c'est assez peu exploité.

Les personnages ne sont pas assez caractérisés et il est parfois difficile de s'y retrouver.

Commenter  J’apprécie          50
Petrograd

Petrograd, ville de rumeurs. 1917, alors que le front russe s'enlise face à l'Allemagne, que le jeune mouvement évolutionnaire communiste réclame la fin du tsarisme, que la famine arrive avec l'hiver russe, la ville bruisse des rumeurs de complot contre Raspoutine le tsarest.

Au cœur de ce complot, Cleary, espion de l'Empire d'Angleterre. Avec lui nous traversons la ville à un moment de transition, entre le mouvement communiste, la police secrète et la vie mondaine, Petrograd est en ébullition.

Philip Gelatt et Tyler Crook proposent un scénario court mais bien renseigné, ce qui donne du réalisme à leur récit. L’absence physique de Raspoutine est compensée par son omniprésence dans les discussions et dans la mise en place du complot. Le charisme du tsarest transpire par l'obsession qu'il engendre, jusqu'en Europe de l'ouest.

Le dessin , simple, manque parfois de profondeur mais la mise en couleur sanguine donne un cachet et une ambiance froide au scénario avec des personnages travaillés aux traits typés.

Urban propose un travail original et un moment de lecture plaisant entre fiction et histoire. A lire si la période vous intéresse.
Commenter  J’apprécie          50
The Sixth Gun, tome 7

Cette série n'est certainement pas celle ayant été la plus remarquée du catalogue indé d'Urban Comics et pourtant sa qualité n'a rien à envier aux autres. Ses 50 issues parues chez Oni Press en VO sont recueillies dans 7 tomes en VF. J'ai certainement déjà lu Cullen Bunn chez Marvel mais sans être particulièrement marqué au point de retenir le run ni même la série. Du marvel parmi du marvel !



On peut donc dire que je le découvre avec The Sixth Gun. Ce western esotérico-fantastique digne d'un bon Jodorowsky tient toutes ses promesses de départ.



Pas de longueur sur la durée, pas de flottement non plus, une cohérence solide et pas de pistes restées inexploitées. Un final satisfaisant qui permet malgré tout de pouvoir y revenir si jamais...



Une unité graphique aussi, de qualité avec un Brian Hurtt qui à aucun moment ne cède à la facilité et sa place seulement à 3 reprises à Tyler Crook qui colle tout à fait au registre.



En bref, une série de genre qui satisfaira tout à fait les amateurs voire même les autres.
Commenter  J’apprécie          30
Harrow County, tome 7 : Dark Times A'Coming

Ce tome fait suite à Harrow County Volume 6: Hedge Magic (épisodes 21 à 24) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome car il s'agit d'un récit complet en 8 tomes. Celui-ci comprend les épisodes 25 à 28, initialement parus en 2017, écrits par Cullen Bunn, dessinés, encrés et mis en couleurs par Tyler Crook qui a également réalisé le lettrage.



Quelque part à Harrow County, Kammi, enterrée profondément, commence à reprendre progressivement connaissance. Elle se rend compte qu'elle enserre un autre cadavre (bel et bien mort celui-là) dans ses bras. Elle se demande où elle se trouve (en enfer ?), mais finit par entrevoir la lumière du jour, après avoir creusé avec ses mains. Dans son esprit, un seul objectif : la vengeance. De son côté, Emmy (Amaryllis) se trouve dans la cabane de Bernice où elle la met au courant des derniers événements, de sa certitude que sa famille (Levi, Odessa, Corbin, Willa, Kaine, Mildred) va revenir et qu'elle ne sera peut-être pas en mesure de les arrêter. Elle se rappelle comment son père et mère l'ont recueillie, mais aussi comment sa mère a fini par partir ayant trop peur qu'Emmy soit la réincarnation d'Esther Beck. Emmy réussit à prendre sa décision. Elle demande à Bernice de l'accompagner dans les bois pour aller demander l'aide. Elles sont accompagnées par le garçon sans peau qui reste à l'abri des frondaisons.



De son côté, Kammi progresse à pied sur la route en terre, où elle est bientôt rejointe par les autres membres de la famille. Elle a bien compris qu'ils sont uniquement intéressés par le fait qu'elle est en mesure de tuer Emmy, du fait d'un crime atroce qu'elle a commis par le passé. Un pick-up vient à passer et le chauffeur prend bien volontiers Kammi en stop, car elle a pris l'apparence d'Emmy. Dans les bois, Emmy et Bernice se retrouvent devant l'Abandonné, assez surpris qu'Emmy souhaite encore lui parler. Il confirme que les membres de la famille sont de retour à Harrow County et que Kammi a pour objectif de faire du mal à ceux qui sont chers à Emmy. Cette dernière plante là Bernice et l'Abandonné et court à toute jambe vers la ferme de son père, totalement affolée.



Il s'agit de l'avant-dernier tome de la série, et une fois encore Tyler Crook en a illustré tous les épisodes pour le plus grand plaisir du lecteur. Ce dernier se rend bien compte que le récit se dirige vers une confrontation finale entre Emmy (peut-être soutenue par Bernice) et les membres de la famille. En découvrant l'intrigue au fur et à mesure des séquences, il constate à quel point le scénario de Cullen Bunn suit un déroulement bien balisé, très convenu. La grande méchante (Kammi) est de retour, rendue à moitié folle par son séjour dans la terre, et totalement consumée par son désir de vengeance. Pour faire durer le plaisir, elle commence par s'attaquer à ceux qui sont chers à Emmy, plutôt que de s'en prendre directement à elle, comme si le scénariste ne voulait pas rater cette occasion d'allonger d'autant son récit. Le lecteur peut presque deviner à l'avance quel personnage va se retrouver dans les griffes de Kammi qui va le faire souffrir atrocement de manière sadique, parce qu'elle est méchante. Il se rend bien compte que dès qu'Emmy aura le dos tourné parce qu'elle est allée aider quelqu'un, Kammi va en profiter pour s'attaquer à la personne qu'elle vient de quitter et de laisser sans protection.



Sans grande surprise non plus, Cullen Bunn augmente le niveau de pathos, faisant vaciller la confiance en elle d'Emmy au fur et à mesure que ses proches souffrent, la poussant dans ses extrémités, la soumettant ainsi à la tentation de basculer du côté obscur, d'utiliser les mêmes méthodes que son ennemi, de tuer sans remord. Dans le même temps, le scénariste intègre quand même quelques éléments donnant de la saveur à son histoire. Contre toute attente, le lecteur peut continuer à voir une jeune demoiselle dans Emmy, bien sûr du fait de son apparence, mais aussi dans sa façon de penser, encore assez droite d'un point de vue moral, pas marquée par le poids des années. La relation entre Bernice et Emmy sonne relativement juste, même si Bunn ne sait pas résister à la tentation d'alterner une phase où ça va, avec une phase où ça ne va pas, comme il l'avait déjà fait dans le tome précédent. Sous réserve de garder à l'esprit que l'agressivité de Kammi présente une part pathologique, le lecteur peut également apprécier son inventivité dans les sévices et la progression de sa mégalomanie.



Bien sûr, le lecteur a conscience qu'une grande partie de la personnalité des protagonistes est amenée par les images. Tyler Crook n'a rien changé à sa manière de dessiner : des traits de contours simples, avec un trait encré un peu épais. Si l'œil du lecteur ne s'attache qu'aux traits de contour, il peut avoir l'impression d'une forme un peu abâtardie de la ligne claire, à ceci près que les traits n'ont pas tous la même épaisseur, et que l'artiste en ajoute au sein des surfaces qu'ils délimitent pour marquer les plis des étoffes, et de manière sporadique les textures. Comme dans les tomes précédents, ces traits de contour sont absolument indissociables de la mise en couleur. Celle-ci n'est pas un simple coloriage pour indiquer la couleur de telle ou telle surface, mais un travail artistique à part entière. Pour commencer, Crook peint chaque surface d'une manière évoquant l'aquarelle, mais peut-être réalisée à l'infographie. Il donne ainsi vie aux éléments naturels des décors, que ce soit l'herbe verdoyante, avec des teintes différentes en fonction du moment de la journée et de la luminosité, ou encore aux écorces des arbres, ajoutant les dessins du bois directement à la peinture.



L'intégration de la représentation dans un mode similaire à la peinture directe fait que le lecteur n'a pas tout le temps conscience que l'artiste ne représente pas toujours quelque chose en arrière-plan, en particulier lorsqu'il utilise des camaïeux dans des teintes similaires à celles utilisées pour le décor. Cela lui permet de plus focaliser l'attention du lecteur sur les personnages et leurs actions, ou au contraire de donner un rythme un peu moins rapide quand il représente les environnements. Les couleurs apportent également énormément d'informations pour la représentation des textures. À l'évidence, le garçon sans peau n'aurait pas une apparence aussi frappante, si l'artiste utilisait des aplats de couleurs, le lecteur n'aurait pas cette sensation de chair mise à mal par l'absence de protection. L'artiste se sert aussi bien des couleurs de manière subtile, que de façon plus évidente. Dans le premier registre, le lecteur finit par se rendre compte que Crook ajoute de discrètes pointes de teinte verte sur les vêtements et les visages quand les personnages se trouvent sous les frondaisons, et qu'il en fait varier la nuance en fonction de l'éclairage. Dans le deuxième registre, il y a l'utilisation du rouge pour le sang, avec des teintes plus ou moins vives, ressortant avec plus ou moins de force par rapport au reste de l'image.



Dès la première scène, le lecteur se retrouve emporté par la narration visuelle pour une expérience immersive, au point que son cerveau en oublie toute pensée critique vis-à-vis du déroulement de l'intrigue. Son plaisir commence dès la forme du titre de la série que Tyler Crook intègre à chaque ouverture d'épisode, sous une forme à mi-chemin du lettrage et de l'image. La première ressort un peu trop facilement du fait du dénuement de l'environnement. La seconde apparaît facilement mais est plus intégrée aux éléments du décors, les troisième et quatrième sont parfaites dans la manière dont elles se fondent dans le décor. C'est peut-être un détail, mais c'est aussi un indicateur du degré d'implication et d'inventivité de l'artiste. De séquence en séquence, le lecteur se projette avec une grande facilité dans chacune, avec des mises en scène adaptées à chaque fois, tirant le meilleur parti de son potentiel. Il se retrouve aux côtés de Kammi alors qu'elle gratte la terre, ce qui fait participer à sa claustrophobie. Il observe la discussion d'Emmy et Bernice, comme s'il se tenait dans la même pièce qu'elles, ce qui crée une forme d'intimité. Il observe de plus loin Kammi progresser avec les membres de la famille se tenant à 3 pas derrière elle, ce qui donne une vision d'ensemble appréciable, avec une distance rassurante, et ce qui en dit long sur la distance de sécurité qu'observent les membres de la famille vis-à-vis de celle dont ils espèrent qu'elle fera le sale boulot.



Même si le scénario de Cullen Bunn repose sur des situations prévisibles, les pages de Tyler Crook leur insufflent une vie, une personnalité et une originalité qui emportent la conviction. Lorsque que le garçon tente de se libérer d'une cage particulière pour aller sauver le père d'Emmy, le lecteur peut voir ses efforts, la souffrance qu'il éprouve à sentir sa chair perforée par les épines tranchantes, son refus de capituler, de décevoir Emmy. Alors que Kammi se lâche de plus en plus et en oublie de prendre soin de sa silhouette, le lecteur voit sa robe subir des déchirures, devenir de plus en plus maculée de boue et de sang, et son visage exprimer des émotions de moins en moins contrôlées, au fur et à mesure que sa démence progresse. L'artiste réussit à insuffler une horreur toute visuelle dans l'image d'un individu dont les os sont extirpés, par magie, de son corps, pour une image frappante, ensanglantée, horrible, avec un bruit écœurant, totalement convaincante, sans aucune impression d'image déjà mille fois vue, ou d'une scène relevant d'un grand guignol mal maîtrisé.



Ce septième tome conforte le lecteur dans son avis sur cette série. Cullen Bunn a conçu une intrigue bien balisée, au déroulement pas vraiment original, mais solidement charpentée. Tyler Crook fait œuvre d'auteur en illustrant cette histoire, faisant bien plus que la mettre en image. Ses pages apportent des informations supplémentaires qui ne relèvent pas que du domaine de la description. Il y apporte aussi les états d'âme des personnages, leur caractère, leur ressenti, la vie qui les anime, le caractère de chaque environnement, la matière de chaque accessoire ou élément, transformant ainsi une histoire classique, en une expérience de lecture extraordinaire.
Commenter  J’apprécie          30
Harrow County, tome 2 : Bis repetita

Ce tome fait suite à Spectres Innombrables (épisodes 1 à 4) qu'il faut avoir lu avant pour comprendre les relations entre Emmy et les autres habitants de la région. Il comprend les épisodes 5 à 8, initialement parus en 2015, écrits par Cullen Bunn, dessinés, encrés et peints à l'aquarelle par Tyler Crook qui a également réalisé le lettrage. En fin de volume, se trouvent également 14 pages de croquis préparatoires, et 2 couvertures variantes, une de Jok et une de Bryan Fyffe.



Dans le premier tome, Emmy (une jeune femme de 18 ans) a découvert sa véritable nature, ainsi que celle des personnes qui l'entourent dans ce coin de campagne des États-Unis, ainsi que le sort qui fut réservé à la sorcière Esther Beck, il y a de cela quelques années. Ses rapports avec les gens du coin et même avec son père s'en sont trouvés transformés. Depuis, elle aide les autres habitants qui sollicitent son aide. Ce matin, elle se rend au silo à grain de monsieur Mefford pour enquêter sur la créature qui s'y trouve. Ensuite elle est abordée par Jim Webb qui souhaite qu'elle fasse en sorte que Thad Cribbets arrête de tourner autour de Celia, sa femme, qui est un peu plus jeune que lui. Elle continue d'entretenir une relation privilégiée avec la peau de l'enfant mort.



Emmy organise donc sa tournée en ville et dans les bois pour rendre visite aux différentes créatures rencontrées dans le tome précédent. En rentrant en fin de journée, elle a le plaisir de découvrir que Bernice (la fille de Riah, le marchand ambulant) est venue lui rendre visite. Avec le sentiment du devoir accompli, elle prend grand plaisir à papoter avec son amie, même si leur propre relation se trouve changée du fait de la nature d'Emmy et de celle de Bernice. La pluie se mettant à tomber fort, elles rentrent à l'intérieur. Quelque temps plus tard, elles assistent à l'approche d'une voiture d'un modèle luxueux qui s'arrête devant la maison. Il en descend Kammi, une jeune femme qui ressemble à Emmy comme une sœur jumelle.



Le premier tome de la série avait laissé une impression très agréable. Cullen Bunn avait fait le choix d'un personnage principal féminin, de bonne composition, enjouée et agréable, capable de réfléchir, et refusant la position de victime quelles que soient les circonstances. Il racontait une histoire s'inscrivant dans le genre de l'horreur avec un premier rôle inhabituel, une histoire de sorcière dans un endroit agréable à vivre, avec une utilisation bien maîtrisée du surnaturel. Surtout il bénéficiait de la mise en images de grande qualité de Tyler Crook. Rien qu'en feuilletant ce deuxième tome, le lecteur sait que ça va être la fête des pupilles. L'artiste a conservé le même mode de travail : détourage des formes à l'encre, mise en couleurs à l'aquarelle.



Le lecteur retrouve donc avec plaisir cette ambiance très particulière, et cette attention apportée aux pages, à commencer par le titre de la série, intégré aux décors sur le dessin en double page qui ouvre chaque épisode. Tyler Crook représente les lettres de Harrow County, comme si elles étaient formées par les nuages dans le ciel, les flaques d'eau dans la boue, la lumière du soleil passant à travers le feuillage, ou encore les lianes pendant sur une branche d'arbre. Une lecture rapide de l'image peut ne pas déceler ce titre car l'aquarelle permet de lui donner la même substance qu'au reste de la matière dont il participe. Ces dessins occupant 2 pages sont consacrés pour les 3 premiers à une vision d'un paysage naturel : la prairie et le ciel (épisode 1), la terre transformée en boue par la pluie (épisode 2), une clairière éclairée par le soleil (épisode 3). Les auteurs dédient 2 pages par épisode à montrer le milieu naturel, ce qui participe à prouver au lecteur l'importance de l'endroit où se déroule l'histoire.



Consacrer 2 pages par épisodes à un moment contemplatif influe également sur le rythme de la narration, et invite le lecteur à prendre le temps de contempler ce paysage. Le dessin en double page du quatrième épisode est d'une nature différente, mais la nature reste bien présente, en particulier dans une image singulière où Emmy est agenouillée au pied de l'arbre visible depuis la fenêtre de sa chambre. Il s'agit d'un dessin occupé aux trois quarts par une zone verte, striée de traits noirs, tirant l'image vers l'expressionnisme pour un effet saisissant. Le lecteur est donc enchanté de retrouver la qualité des pages créées par Tyler Crook, sans signe d'essoufflement ou de baisse de qualité imputable aux délais de production.



Tyler Crook continue de représenter les personnages avec des visages simplifiés, essentiellement un trait de contour pour la forme de la tête, une forme de coiffure, avec 2 ou 3 traits dans la surface délimitée pour donner une indication sur le mouvement du peigne, des yeux qui peuvent se réduire à 2 points, 2 traits pour les sourcils, 2 points pour les narines, et parfois un trait pour la bouche. Lorsque la scène le requiert, il représente les pupilles, les dents, mais toujours avec le reste du visage lisse. Il l'habille ensuite par l'aquarelle, lui donnant du volume, les variations de teinte apportant également une texture. Le lecteur voit ainsi des personnages d'apparence assez simple (les traits encrés), mais avec une bonne consistance (les variations de teinte apportées par l'aquarelle). Il a conscience de leur simplicité, mais aussi de leur caractère adulte : l'effet est très convaincant.



Tout au long de ces 4 épisodes, le lecteur constate le soin apporté à Tyler Crook pour la narration visuelle. Les personnages disposent d'une apparence spécifique qui les rend immédiatement identifiables. En voyant Emmy et Kammi côte à côte, le lecteur est frappé par leur ressemblance morphologique, et par ce qui les oppose en matière d'habits, de posture, de coiffure (la barrette toute simple d'Emmy), et d'expression de visage : une grande réussite. Chaque lieu dispose également d'une forte identité visuelle, du salon de Pa et Emmy, à la cabane hantée par l'Abandonné (le monstre aux yeux de chèvre). Le dessinateur a conservé son doigté pour donner vie aux monstres, avec une mention spéciale pour le mélange de répulsion et de pitié qu'inspire Priscilla. Il réussit aussi les quelques moments d'horreur, avec une mention spéciale pour les fleurs de Jim Webb.



Le charme de la narration visuelle de Tyler Crook est intact et même plus séducteur encore que dans le premier tome. Outre la cohérence interne des images et leur pouvoir narratif, il y en a plusieurs qui ressortent de par leur qualité : la peau du garçon allongée sur le lit d'Emmy, les postures de l'Abandonné, les poules en train de picorer dans la cour, Kammi en train de creuser la terre avec ses ongles comme une folle, la jolie nappe à carreaux pour le piquenique, les draps étendus sur la corde à linge, ondulant sous l'effet du vent. C'est d'ailleurs également à mettre au crédit de Cullen Bunn de savoir ménager des scènes ordinaires qui donnent l'occasion à la personnalité d'un protagoniste de s'exprimer. Cette séquence avec les draps en train de sécher permet au narrateur omniscient de faire une remarque révélatrice sur l'état d'esprit d'Emmy.



D'un côté, Cullen Bunn raconte une histoire simpliste, avec une opposition basique fondée sur le contraste entre les caractères de Kammi et d'Emmy, et comment elles envisagent d'utiliser le pouvoir que leur confère leur ascendance. De ce point de vue, l'intrigue est linéaire, et sans beaucoup de surprise quant à son déroulé. D'un autre côté, le lecteur éprouve la sensation de côtoyer de véritables individus. Kammi se conduit comme ça parce que personne n'est de taille à contrer ses envies. Les habitants des environs sont conscients de leur nature et de ce qu'ils doivent à Esther Beck, ainsi que de ce qu'ils peuvent espérer d'Emmy. Les créatures surnaturelles de la région disposent également de traits de caractère différenciés.



Sous le charme des protagonistes, le lecteur apprécie également le comportement d'Emmy. Les dessins et ses préoccupations ne permettent pas d'oublier qu'il s'agit d'une jeune femme, avec des aspirations pures et simples. De ce fait, la séquence avec les draps étendus apporte un éclairage émouvant sur son état d'esprit et la façon dont elle supporte les responsabilités qui lui sont tombées dessus. Dans cette même séquence Emmy fait également preuve d'une sensibilité inattendue envers la peau du garçon (ou la peau sans garçon), apportant encore une preuve de sa gentillesse. Alors que Kammi remplit son rôle de méchante chipie avec un sadisme d'autant plus horrible qu'il lui vient naturellement, Emmy se retrouve à occuper un rôle à connotation maternelle, ce qui la rend encore plus attachante, à l'opposé d'un héros s'assurant de la victoire à grands coups de poing.



Ce deuxième laisse loin derrière lui le premier en termes de qualité. Tyler Crook n'a rien perdu de sa motivation et de ses compétences artistiques, s'investissant dans chaque page pour raconter visuellement une histoire personnelle. Cullen Bunn s'appuie sur l'artiste pour rendre une histoire simple visuellement intéressante, et en profite pour ciseler des petits moments tout aussi simples, mais d'une belle sensibilité.
Commenter  J’apprécie          30
Harrow County, tome 6 : Hedge Magic

Ce tome fait suite à Abandoned (épisodes 17 à 20). Dans la mesure où il s'agit d'une histoire continue, il vaut mieux l'avoir commencée par le premier tome Countless haints. Celui-ci comprend les épisodes 21 à 24, initialement parus en 2017, écrits par Cullen Bunn, dessinés, encrés et mis en couleurs par Tyler Crook qui a également réalisé le lettrage. Ces 4 épisodes sont complétés par 12 projets de couvertures non retenus (à l'état de crayonné) et des 4 fiches (un court texte une grande illustration pleine page ou sur les 2 tiers de 2 pages) sur Skinless Boy, Tattered Skin, Woddlands Ghosts, et les Gobelins.



Emmy pénètre dans une étable, où elle trouve Shaky, un agneau visiblement effrayé et tremblant. Elle le serre dans ses bras pour le réconforter et comprend qu'il doit y avoir une créature surnaturelle dans l'étable. Elle continue de scruter l'obscurité et finit par avoir la conviction qu'il y a bien une présence. Priscillia (un gobelin) finit par sortir de l'ombre de l'étage et descendre jusque dans le cercle de lumière de la lampe à pétrole. Elle explique qu'elle et les autres créatures ont senti la présence d'un chasseur, un individu qui est là pour tuer les créatures surnaturelles. Emmy la croit et lui propose de la suivre. Mais avant, il faut qu'elle récupère des affaires dans sa maison à proximité. Elle laisse la lampe à Priscillia qui reste dehors, mais cette dernière se sent plus exposée par la lumière, que protégée par elle.



Ayant enfilé son manteau, et pris sa sacoche dans laquelle elle transporte la peau du garçon, Emmy suit Priscillia dans les bois. Elle l'emmène vers un autre bâtiment dans lequel elles pénètrent. Emmy constate la présence de pièges armés dans une pièce du haut. Elle suit à nouveau Priscillia dans les bois et se retrouve devant une demi-douzaine de créatures de races différentes, se plaignant qu'elles ont obéi aux ordres d'Emmy de laisser tranquille les humains, mais qu'elles sont pourchassées et qu'Emmy ne fait rien pour les protéger. Les créatures tournent soudain le dos à Emmy pour se rendre plus loin. Elle les suit avec Priscillia et découvre le corps d'une sorcière la tête en bas, morte, enserrée dans le piège mortel de fils tendus entre les branches des arbres. Il apparaît rapidement que la responsable de cette mise à mort est son amie Bernice.



Emmy avait réussi à faire s'en aller les chasseurs humains qui étaient venus dans le tome précédents. Elle doit maintenant affronter un chasseur plus efficace et lié directement à elle : Bernice. Le lecteur apprécie que Cullen Bunn ne lui resserve pas les relations de famille d'Emmy avec Levi, Odessa, Corbin, Willa, Kaine et Mildred. Le récit peut ainsi aller de l'avant et éviter ces ennemis un peu faciles... pas complètement quand même puisque le scénariste choisit d'opposer les 2 amies. Même s'il peut être un peu désappointé par cette facilité dans le choix d'un opposant, le lecteur apprécie quand même sa lecture puisque Tyler Crook s'occupe de toute la partie graphique de ce tome. En outre, il découvre chemin faisant que Bunn ne s'est pas contenté de la solution de facilité en opposant Bernice à Emmy et qu'il y a des motifs logiques. Pour commencer, Bernice avait changé de statut dans le tome 4 et elle continue son apprentissage avec Lovey. Le lecteur en apprend donc un peu plus sur le rôle de Lovey dans la communauté des afro-américains s'étant installés à l'extérieur de la ville en lisière de la forêt. Fort logiquement, Bernice a repris le rôle de protectrice de cette communauté comme l'assurait Lovey. Il devient donc inéluctable que les 2 amies se retrouvent dans des positions opposées, l'une viellant sur les créatures, l'autre étant plus préoccupée par le sort des humains.



Fort heureusement, Cullen Bunn ne se contente pas de les opposer et il déroule une intrigue plus fournie, réservant plusieurs surprises. En outre, il réussit à faire valoir le point de vue de Bernice avec conviction. Précédemment le lecteur avait retenu qu'Emmy assume un rôle de juge de paix, faisant en sorte qu'humains et créatures puissent vivre ensemble et en paix. Elle est donc fort contrariée que quelqu'un puisse s'en prendre à des représentants d'une communauté au prétexte de protéger les autres. Elle est prise de court devant la mort de la sorcière surnaturelle, mais elle ne sait pas non plus quoi répondre quand Priscillia lui explique que cette créature avait pour habitude de dérober les nourrissons dans les chambres dont une mère imprudente avait laissé la fenêtre ouverte. Elle est encore plus prise au dépourvu quand Bernice lui montre une créature en forme de jeune garçon, emprisonné dans une chambre fantôme et tout entier consumé par son désir d'agression et d'hécatombe. Le lecteur se retrouve comme Emmy, pris en porte à faux entre ces preuves accablantes, et son investissement émotionnel dans le personnage d'Emmy. Bunn oppose 2 communautés (celles des humains, et celles des créatures) en mettant en évidence que la première sert de proie naturelle à la seconde. Effectivement les espoirs de coexistence en bonne intelligence s'apparentent à des chimères.



Le plaisir de retrouver les dessins de Tyler Crook commence par le jeu de repérer le titre de la série dans les illustrations en double page en début de chaque épisode. Comme un fait exprès, l'épisode 21 commence par un dessin en pleine page simple, et s'il n'y fait pas attention, le lecteur peut oublier de rechercher le titre qui est intégré de manière naturelle à l'un des accessoires du décor. Pour l'épisode 22, l'artiste réutilise une forme d'intégration déjà vue précédemment, par contre pour le 23 l'intégration prend une forme plus ludique et très réussie. Celui de l'épisode 24 revêt également une forme originale, mais plus évidente. Ce jeu d'insertion du titre reste bien sûr un détail, mais il est révélateur du degré d'implication et de finition de Tyler Crook. Dès la première scène, le lecteur retrouve la richesse et la sensibilité de la narration visuelle qui fait passer un scénario parfois classique, parfois un peu plus élaboré, dans la classe des récits savoureux et inoubliables. Le lecteur se délecte bien sûr du bestiaire. Tyer Crook a conçu une forme spécifique pour Priscillia et les autres gobelins, très différentes des interprétations visuelles habituelles. Le lecteur peut y voir un croisement entre les postures et les oreilles d'un lapin, la maigreur d'un lévrier avec les côtes saillantes sous la peau, et des visages étrangers à l'humanité, tout en restant très expressifs, une grande réussite.



Le lecteur découvre également la furie du garçon dans la chambre fantôme, avec des dents acérées, des doigts se terminant en griffe, et surtout un regard d'une agressivité absolue. L'artiste accentue encore l'impression de folie furieuse en utilisant des teintes rouges pour l'environnement fantomatique dans lequel se trouve ce garçon surnaturel. Lorsqu'Emmy se retrouve devant le groupe de créatures dans les bois, le lecteur en reconnaît certaines d'entre elles, dont les spectres enflammés. À nouveau, le dessinateur fait en sorte de les éloigner d'une apparence trop humaine, pour bien montrer qu'elles n'appartiennent pas l'humanité. Par la suite, il y en encore d'autres dont la sorcière surnaturelle bien affreuse, et le retour des mocassins d'eau toujours aussi inquiétants et agressifs. Le bestiaire de la série est donc toujours aussi original et toujours aussi convaincant avec un détourage des formes assez simple et expressif, et une mise en couleurs qui apporte texture et relief.



Étant un auteur visuel complet, Tyler Crook continue d'allier traits encrés et couleurs diectes pour qu'ils se complémentent, la couleur apportant plus d'informations que simplement refléter la teinte de l'élément considéré. Il continue de dessiner des traits de visage simplifiés, ce qui leur donne une plus grande expressivité, avec des yeux parfois réduits à des points, et des bouches qui peuvent être grandes ouvertes. La mise en couleur vient apporter de la vie à ces surfaces, du relief. Pris à part les traits encrés semblent un peu basiques, détourant des formes simples. Pris à part les couleurs semblent appliquées sans grande attention portée à la teinte réelle. Par exemple, Crook appose du rouge sur les joues d'Emmy juste sous ses yeux, sans rapport avec les rougeurs qui peuvent apparaître sur un visage. Pourtant le mariage des traits encrés et des couleurs aboutit à des personnages très vivants et naturels. Le même phénomène se produit si le lecteur s'amuse ainsi à séparer traits et couleurs pour les décors, avec le même effet de complémentarité quand il les considère du même coup d'œil. Il apprécie comment l'artiste représente le halo de lumière projeté par la lampe à pétrole.



De scène en scène, le lecteur se rend compte que son attention est complètement absorbée par les images, par leur justesse, leur naturel et parfois leur étrangeté horrifique. Il contemple les planches de l'étable en se disant qu'il pourrait les toucher s'il le souhaite car leur texture est rendue de manière globale et impeccable. Il se tient au milieu du petit groupe d'individus qui se recueille devant une tombe en sentant l'odeur de la terre, en entendant le bruit du vent dans l'herbe déjà un peu jaunie par endroit. Il réprime une grimace de dégoût à la vue de la peau abimée sur la tempe droite d'Emmy, une blessure vraiment pas belle. Il effectue un mouvement de recul à la vue de la progression des mocassins d'eau dans l'herbe. Tyler Crook insuffle de la vie dans tout ce qu'il représente, avec une simplicité apparente déconcertante et d'autant plus convaincante.



Le lecteur termine ce sixième tome enchanté par les dessins toujours aussi vivants, évidents et naturels. Il commence par maugréer que Cullen Bunn ne s'est pas foulé en opposant Emmy et Bernice, même si c'est logique. Il change d'avis en cours de route, en découvrant que leur opposition est nourrie par la problématique de coexistence entre des races dont l'une est prédatrice de l'autre, mais aussi par d'autres éléments de l'intrigue qui deviennent progressivement apparents.
Commenter  J’apprécie          20
Harrow County, tome 5 : Abandoned

Ce tome fait suite à Family Tree (épisodes 13 à 16) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome dans la mesure où il s'agit d'une histoire continue. Il comprend les épisodes 17 à 20, initialement parus en 2016/2017, tous écrits par Cullen Bunn. Les épisodes 17 & 18 sont dessinés encrés par Carla Speed McNeil, avec une mise en couleurs de Jenn Manley Lee. Les épisodes 19 & 20 sont dessinés, encrés, et mis en couleurs par Tyler Crook qui en a également assuré le lettrage.



-

- Épisodes 17 & 18 - Il y a longtemps, sur une plage, l'Abandonné poursuit un groupe de chevaux sauvages. Il finit par en attraper un et le dévorer cru sur place, le sang se mêlant à l'écume. Au temps présent, l'Abandonné est en train de raconter son histoire à Emmy, au fond des bois qui jouxte Harrow County. Il continue son histoire en expliquant qu'il fut interrompu par Malachi et Amaryllis, venus pour essayer de le réintégrer au reste de la famille. Cependant les autres membres estimaient qu'il avait enfreint une des règles des leurs, édictée par Malachi lui-même, en tuant des êtres humains et en consommant leur chair. Ils firent en sorte d'appliquer la sanction idoine, contrecarrant ainsi les efforts de Malachi.



Pour la troisième fois, Tyler Crook laisse sa place de dessinateur à un autre. Carla Speed McNeil avait déjà dessiné l'épisode 9. Le lecteur éprouve forcément un moment de déception car cette série doit énormément à la qualité de la narration visuelle de son cocréateur Tyler Crook. Mais il n'a d'autre choix que de se résoudre à son absence momentanée. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il reconnaît que la dessinatrice a amélioré ses traits de contour pour se rapprocher de ceux de Tyler Crook. Le visage d'Emmy est plus doux, et les personnages entrouvrent la bouche à l'identique de ce qu'ils font dans les épisodes de Crook. Néanmoins, ils manquent de nuance dans les expressions, et de naturel dans les émotions. McNeil utilise un trait plus fin qui donne une apparence plus appliquée, moins naturelle que celle des traits de Crook. Elle s'investit de manière visible pour donner des tenues vestimentaires spécifiques à chaque personnage, et cohérentes avec l'époque et l'endroit.



Carla Speed McNeil recrée l'atmosphère de la forêt avec conviction, sans plus de particularités que dans les pages de Tyler Crook. Elle reprend l'apparence du pavillon de réunion tel qu'il apparaissait dans le tome précédent, ainsi que la grande salle de bal servant aux réunions. La plage où apparaît l'Abandonné sent bon les embruns. Il n'y a que le village qui reste inexistant à l'occasion du bal, et l'atelier de Malachi qui manque de consistance. Les dessins sont bien étoffés par la mise en couleurs de Jenn Manley Lee. À l'infographie, elle choisit la teinte majeure de la scène qu'elle applique uniformément. Puis elle choisit la couleur particulière de chaque surface. Puis elle ajoute de touches de couleurs avec un outil simulant l'effet de l'aérographe, pour donner un peu de volume ou ajouter des textures, ou adoucir quelques surfaces. En fonction des séquences, elle peut réaliser la mise en couleurs à partir des indications de la dessinatrice, ou avoir libre choix de sa création chromatique. Lorsque le lecteur fait l'effort conscient de dissocier les traits encrés des informations apportées par la couleur, il prend conscience de l'ampleur de l'importance des couleurs dans le résultat final, à l'identique du travail de Tyler Crook.



Finalement, le lecteur se rend bien compte que ces 2 épisodes ne recèlent pas les subtilités des pages de Tyler Crook, mais que les 2 créatrices McNeil et Manley Lee ont accompli un impressionnant travail pour un résultat à la manière de Crook, moins convaincant, mais qui fonctionne sur la majeure partie des pages. De son côté, Cullen Bunn continue de développer la mythologie de la série. Le lecteur découvre l'origine de l'Abandonné et comment il se rattache à la famille d'individus dotés de pouvoirs de Malachi. Il constate ce qui arrive aux membres de la famille qui ne se plient pas aux règles édictées par Malachi, et il voit ce dernier lutter pour essayer de conserver un semblant d'ordre au sein de sa famille. Le lecteur apprécie les 2 révélations majeures contenues dans ces 2 épisodes, mais il éprouve aussi la sensation que le scénariste déroule son intrigue, sans réussir à faire exister ses personnages, comme si l'intrigue prenait le dessus à leurs dépens.



-

- Épisodes 19 & 20 - Emmy essaye d'assimiler ce qu'elle vient d'apprendre sur sa véritable nature, et son lien avec Hester. Elle réfléchit à voix haute en présence de la peau du garçon sans peau, qui se fait dorer au soleil. Ils entendent l'aboiement de chiens dans le lointain, dans la forêt. Emmy remet la peau dans sa sacoche et pénètre dans le bois pour découvrir ce qui cause ce tumulte. Elle découvre un groupe de chasseurs, avec Luke, un adolescent de son âge parmi eux. Sans se faire voir, elle les contourne et rentre à la ferme de Pa. En discutant avec lui, elle se souvient qu'il a déjà parlé de la Grange Rouge, un restaurant rendez-vous des chasseurs. Elle lui demande de l'emmener prendre le petit-déjeuner là-bas le lendemain Sur place, elle retrouve Luke, avec son oncle Ross et les autres chasseurs. Ils sont venus traquer du gros gibier dans les bois.



C'est incroyable comment les personnages regagnent ce petit supplément d'âme, dès que Tyler Crook les représente. Alors qu'ils semblaient réduits à de simples dispositifs narratifs dans les 2 premiers épisodes, ils redeviennent des individus à part entière, avec leur caractère, leur état d'esprit et leur volonté. L'exemple le plus saisissant réside en Emmy qui semble transfigurée. Elle a retrouvé sa personnalité. Elle exprime ses sentiments son état d'esprit par son visage et son langage corporel. Elle a retrouvé toute sa détermination et son entrain. C'est un vrai plaisir de la voir ainsi revivre sous ses yeux. La peau du garçon écorché a retrouvé toute sa bizarrerie, mais également son expressivité. La vie anime le visage de Pa, avec des sourires, mais aussi avec une inquiétude fugace quant à ce qu'il peut apporter à une jeune fille telle qu'Emmy. Il s'agit d'un sentiment complexe, entre gêne et impression d'inutilité, voire d'obsolescence qui passe entièrement par les dessins. Oncle Ross apparaît comme un bon gars, souriant, mais aussi déterminé et buté lorsque son esprit est tout occupé par la chasse. Le lecteur aimerait bien pouvoir rassurer le pauvre Luke qui est visiblement sous l'emprise de son oncle qu'il n'ose pas contredire, tout en souhaitant désespérément se trouver ailleurs et à se livre à tout autre occupation que la chasse au gros gibier dans les bois.



Tyler Crook rend toute leur densité et leur richesse aux environnements naturels. Sa mise en couleurs à l'aquarelle (sûrement de nature infographique) nourrit les formes simples qu'il dessine. Même si les essences d'arbres ne sont pas plus identifiables que celles représentées par Carla Speed McNeil, elles sont plus riches, plus concrètes, parce qu'elles disposent de plus de textures, de plus de nuances de couleurs, ce qui leur confère plus de complexité et plus de présence. Les traits de la façade la Grange Rouge ne sont pas plus assurés que ceux du pavillon de réunion, mais la couleur rend compte des reliefs, des empreintes laissées par le temps, des imperfections de la construction. Les traits des visages des personnages ne sont pas plus détaillés par des tracés à l'encrage, mais ils sont plus expressifs, et les couleurs leur apportent de la vie. Il n'y a peut-être que l'Abandonné qui qui perd en mystère et donc en puissance horrifique par ce mode de représentation.



Cullen Bunn reprend son intrigue principale, avec le retour de Tyler Crook. Après avoir parlé de l'Abandonné et de la famille dans les 2 épisodes précédents, il revient à Emmy. Le lecteur prend plaisir à la voir reprendre le devant de la scène et à mettre ses dons en action. Il retrouve son entrain, sa force de caractère, sa sollicitude pour les plus faibles, son sens des responsabilités, et sa capacité à se faire respecter. Il raconte une histoire complète de chasseurs venus se mesurer à un gros gibier dans les bois. Dans le même temps, il continue de développer l'intrigue générale. Le lecteur regrette presqu'il continue à rattacher chaque histoire à l'extérieur, au-delà des frontières d'Harrow County. Il aime bien avoir la sensation d'être dans ce coin isolé des États-Unis, à l'écart du monde, d'explorer cette région isolée, de savoir qu'il peut avoir confiance en Emmy pour aller au-devant des autres, et arranger les choses. Il sait que chaque élément en provenance du dehors a pour effet de remettre en question la dynamique de la série, que ce soit tous ces parents ou cousins éloignés, ou la résurgence inattendue d'un ancien personnage.



En découvrant que Tyler Crook n'a pas illustré tous les épisodes, le lecteur se dit qu'il aurait préféré que la série fasse une pause pour lui donner le temps qu'il les dessine tous. Il se rend compte que le tandem Carla Speed McNeil et Jenn Manley Lee a bien progressé depuis l'épisode 9 et à la fois en termes de complémentarité et de nuances, même si elles ne sont pas au niveau de Tyler Crook. Dès que ce dernier revient aux pinceaux, les personnages retrouvent plus de caractère, les lieux deviennent plus consistants, et la forêt plus épaisse. Cullen Bunn continue de développer la mythologie interne de la série, plus dans la première histoire que dans la deuxième, avec une révélation sur le lien entre Emmy et Hester Beck qui n'émeut pas plus que ça le lecteur. Il évoque l'histoire personnelle de l'Abandonné, qui repose trop également sur une révélation, et finalement pas assez sur sa personnalité. La deuxième moitié du recueil s'avère enthousiasmante, avec un retour à une forme d'horreur plus directe, et une place plus grande accordée à Emmy et à son caractère. 4 étoiles.
Commenter  J’apprécie          20
Bad Blood

Son scénario malin, son humour bien senti et sa mise en scène efficace en font une lecture sang pour sang recommandable.
Lien : http://www.bodoi.info/bad-bl..
Commenter  J’apprécie          10
Petrograd

Les auteurs revendiquent leur passion pour l'histoire russe, en particulier cette période cruciale qui précède les révolutions bolchéviques. Pourtant la grande "Histoire" n'est en fait qu'un arrière-plan à l'essentiel : un scénario d'espionnage. S'il se veut se consacrer à l'assassinat de Raspoutine, le choix du titre n'est pas anodin : on évolue dans Pétrograd, à cette époque, entre fêtes et bureaux on conspire contre le personnage le plus proche de la tsarine, quelques groupes bolchéviques commencent à s'énerver...

On peut cependant regretter des longueurs dans certaines scènes de palais, des réunions peu utiles. Le personnage principal lui-même (ce n'est pas Raspoutine) est à peu près inutile, d'ailleurs la dernière bulle de l'album est : "Qui es-tu, Cleary ?"

Le dessin est parfois confus, notamment sur les personnages. Certes on est dans une intrigue russe...
Commenter  J’apprécie          10
Petrograd

[extrait] « Graphiquement le travail que livre Tyler Cook sur Petrograd est assez agréable à l’œil. Il nous offre un dessin clair, mais « lâché », visiblement réalisé au pinceau. Le tout étant relevé par des aplats d’encre, ou d’aquarelle, au ton sépia. L’ensemble donne à Petrograd un ton mélancolique, et renforce l’aspect « historique » de l’œuvre. Mais si le rendu est expressif et colle bien à l’ambiance, il peut parfois gêner. En effet, ce style à la fois souple et épuré, s’il est agréable à l’œil se prête généralement mieux à des personnages ayant des traits un peu caricaturaux. Ce qui est naturellement compliqué lorsqu’on réalise une BD historique pour laquelle il faut dessiner des personnages conformes à leurs modèles de chair et de sang. Modèles qui sont parfois dénués de traits physiques marquants. Du coup, en particulier lorsque les personnages changent de tenue, on peut éprouver une petite difficulté à reconnaître qui est qui. Mais rien de grave. »
Lien : https://topcomics.fr/petrogr..
Commenter  J’apprécie          00
The Sixth Gun, tome 7

Boot Hill clot en beauté la saga des Six Revolvers. Un western fantastique et original que je vous invite à redécouvrir.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
Commenter  J’apprécie          00
The Sixth Gun, tome 7

Un final convaincant qui propose un véritable dénouement à la quête mystique de Becky et Drake, pour l'une des jolies séries proposées ces dernières années par Urban Comics.
Lien : http://www.actuabd.com/The-S..
Commenter  J’apprécie          00
Harrow County, tome 2 : Bis repetita

Après un tome tout en maîtrise, Bis repetita installe Harrow County comme une série d'épouvante intelligente, qui mise bien plus sur les ambiances et la psychologie que sur le gore.
Lien : http://www.bdgest.com/chroni..
Commenter  J’apprécie          00
Harrow County, tome 2 : Bis repetita

Cullen Bunn fait le choix de bien différencier ses albums, chacun propose une intrigue qui débute et prend fin dans le même volume, la première était donc la réaction des villageois face aux pouvoirs d'Emmy, la seconde introduit Kammi.

La fraîcheur morbide de "Spectres innombrables" fait moins effet ici...
Lien : http://www.psychovision.net/..
Commenter  J’apprécie          00




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Tyler Crook (74)Voir plus

Quiz Voir plus

Le quiz Stephen King !

Quel est le premier livre de King a avoir été publié ?

Shining
Dead Zone
Carrie
Le dôme

10 questions
1722 lecteurs ont répondu
Thème : Stephen KingCréer un quiz sur cet auteur

{* *}