"Avant la brusque entrée en scène de cet écrivain jusqu'alors inconnu des cercles barcelonais, le roman catalan, épigone abâtardi du naturalisme, ne visait qu'à faire ressortir l'élément typique, stéréotypé pour mieux dire, l'âme populaire, le pittoresque superficiel des coutumes et de la vie paysanne."
(Préface de la première traduction, Marcel Robin, 1938)
La grande modestie de cet écrivain, Victor Catala qui est en réalité une écrivaine est un "dépaysement" en soi.
La lecture en fin d'ouvrage de sa préface nous éclaire sur le caractère et la sensibilité de l'auteure, ce dont "Solitude" est un magnifique témoignage mais l'on comprend aussi bien pour quelles raisons son éditeur refusa un aussi peu flatteur préambule...
le dépaysement est effectivement complet tant sur le plan littéraire que moral.
On atteint cet état de l'âme qui ne sait plus discerner la joie de la tristesse, ne sait plus si elle a mal ou entre en ravissement
Cela parce que la terre, la pierre, l'eau ; enfin, tout l'élémental jusqu'à la flamme, au brasier sont convoqués pour ce qu'ils sont, avant d'être aux mains de l'homme, avant le monde des "images" ; c'est-à-dire des forces inaliénables, de vie et de destruction, de poésie aussi
On n'entre pas en carte postale ; sur la route, dès l'incipit, on entre plutôt "dans le dur", dans l'inhospitalier de la nature
le titre (mon premier motif de lecture) est une annonce, une promesse tenue de complexité.
Mila, personnage principal, a toutes sortes de "révélations" au cours de son ermitage mais aucun simplisme, aucun schéma directeur n'est immédiatement lisible ; il échappe aux lecteurs comme à elle, comme à nous-mêmes le fil d'une destinée auquel nous croyons peut-être, au cours de la vie
Néanmoins, tout au long, elle est entièrement seule ; seule en couple ; seule avec le pâtre, si peu terrestre ; seule, définitivement.
C'est probablement cette nature si rigoureuse, si religieuse ; celle dans laquelle l'ermitane évolue ; également celle de l'auteure qui m'a laissé un peu à l'écart de son oeuvre, à l'extérieur malgré l'émotion et la littérature.
(Comme les très grandes prévenances ont l'effet de rebuter un peu son destinataire..)
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Première entrée pour moi dans la "grande littérature" catalane avec ce livre de Caterina Albert i Paradís (Víctor Català est un pseudonyme), lu en catalan. Je conseille d'ailleurs aux lecteurs qui le peuvent de le lire en catalan plutôt que dans cette traduction française: la langue y est très différente, très orale, très rythmée et humble, alors que la traduction française fait tout de suite très ampoulée et prétentieuse. L'héroïne Mila, suite à son mariage, emménage dans un ermitage en montagne. L'écrivaine décrit avec une grande précisions les sentiments successifs de la jeune femme qui oscillent entre rejet, fascination, sentiment d'appartenance, désillusion. J'ai beaucoup aimé en particulier les chapitres qui amènent Mila à s'approprier sa nouvelle vie comme le font souvent les femmes: en faisant le ménage, en aménageant, pour qu'un lieu étranger devienne un chez soi au début du roman, et ensuite en arpentant les paysages et la montagne environnante. Le récit est très construit avec un point d'orgue que constitue l'ascension du sommet sur trois chapitre et qui font passer Mila par toutes les étapes successives de ses propres sentiments. La fin du roman est plus rapide et moins contemplative et spirituelle, mais l'intrigue est captivante.
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