"Dans la boîte", avec Frédéric Ernotte. Mars 2023
Née au sein du fleuve bouillonnant de ses sentiments, une cascade de larmes ininterrompue chutait le long de son visage démoli. Des sanglots de tristesse, de culpabilité et d'épuisement s'entremêlaient sur sa peau en un métissage connu d'elle seule.
00h27 : “T’as mis ton joli haut rouge, couleur pour soirée câline ; t’as remis tes bas qui bougent au pas de tes jambes fines.”
00h28 : “T’as allumé une bougie, frêle comme notre flamme ; t’as éclairé mes yeux rougis de ton bel éclat de femme.”
00h29 : “T’as posé deux verres de vin pour ranimer la première fois ; t’as osé un baiser divin pour effacer le dernier froid.”
00H30 : “T’as apporté des mets craquants, mélange de saveurs, t’as sorti ton sourire craquant, mélange de couleurs.”
00h31 : "T'as lu ta prose sensuelle, couchée sur du papier glacé ; t’as pris ta pose charnelle, couchée sur nos draps froissés.”
Sa jeunesse, exposée à la vie dans la rue, se gâtait à toute vitesse.
Même si ce fléau bénéficiait désormais d'une considération moins secondaire, les femmes étaient encore bien trop nombreuses à devoir se battre après avoir été battues, double peine insupportable.
il fallut seulement quelques heures pour voir arriver une terrible explosion médiatique, avec mise à feu sur les réseaux sociaux, lieu de rendez-vous de tous les courageux masqués. "Le monstre de Clamart", qui avait poussé la nuit précédente un policier dans les limbes, devint en une matinée un phénomène. Ils étaient fort nombreux à avoir cru l'apercevoir au détour d'une rue, à avoir fantasmé sa violence et imaginé les ravages sur son visage qui l'arrachaient à la catégorie des êtres normaux. Toujours plus forte, toujours plus grande, toujours plus laide, la bête provoquait le développement d'un mythe anachronique à la vitesse de la fibre numérique.
Nina considérait que grandir, c'était prendre soin pendant toute sa vie de l'enfant qu'elle avait été.
Dès le départ vers les boulevards, des banderoles couvertes de slogans coup-de-poing frappèrent les esprits : "Pour les douleurs et le sang, on a déjà nos règles", "Plus écoutées mortes que vivantes".
Il y a une chose essentielle à considérer : la violence conjugale est une agression sexiste qui porte atteinte à la communauté des femmes alors qu'on la regarde en général comme une somme d'actes individuels déviants isolés les uns des autres. Un homme qui tabasse une femme frappe symboliquement toutes les autres.
Au plus loin que remontaient ses souvenirs, il avait toujours eu peur. Peur d'être chez lui, peur d'y revenir, peur d'en partir car il redoutait de laisser Mamounette avec l'ogre. Il ne l'avait jamais vu comme un père ; il dévorait leur bonheur.
- On parle des hommes, mais il y a aussi les activistes trans qui balancent des atrocités depuis un moment. Pour nous, ce sont des hommes déguisés qui ne seront jamais des femmes. Ils ne supportent pas d'être écartés de nos problématiques féministes. Les échanges sont parfois extrêmes sur les réseaux sociaux. Il y a quelques mois, Sandra a été menacée de mort sur Twitter par l'une d'elle. Elle ne s'était pas cachée derrière un pseudo pour le coup, mais elle avait laissé couler son fiel...
- Vous vous souvenez des termes ? questionna Jess.
La réponse les repoussa dans des territoires sordides.
- "Roseau, au bûcher" !