Il lui parle fort et lentement, comme s'il s'agissait d'un petit vieux et pour que la femme aussi, occupée au fourneau, surchargée de travail, se sente concernée, il a besoin ici de se faire entendre, et use parfois avec eux de mots compliqués pour faire autorité.
Elle, aux doigts nerveux qui n’arrêtent pas de se recoiffer tout le temps, avec de minuscules gestes compulsifs comme des pattes de chat qui rebondissent en jouant, avec le bruit de ses ongles sur son crâne, elle, assisse sur ses os et presque chauve et blanche surtout, presque jaune comme la pièce ici, comme le plâtre et la chaux, ou le talc un peu vieilli, humide, c’est la mère qui se tient dans l’angle.
Il ne se passe que le vent qui souffle, le vent siffle et s’enroule, gonfle et balaie tout l’espace et souffle. Pacot reste introuvable. Le marais, encore blanc d’eau, tend ses miroirs au ciel laiteux. Il marche dans la mélasse des jours, il pousse sa barque. La battue n’a rien donné.
Ça fait trois jours que l’eau monte, que le ciel vire du noir au violet, que les araignées tissent leurs toiles sur les poutres des maisons, les grenouilles se sont tues, les mouettes et les cormorans se sont réfugiés en bande dans les terres, il tient à faire son tour maintenant.
C’est la sclérose des jours ici qui rend malade, l’inertie. Ce à quoi sa femme, calme et immobile, semble se résigner ; cette résignation le met parfois dans une colère à casser les pierres.
Ici, prendre soin ne va pas de soi. Ici, tout tient de manière trop sûre et trop précaire, figée, dangereuse, comme une pierre prête à exploser, casser, blesser, avec son bruit de solitude.
Ils sont taillés comme des menhirs et ne cherchent qu’à disparaître, qu’à esquiver face au regard, ils ont honte, ils n’aiment pas qu’on porte le regard sur eux.
À cinq heures. L’heure où la lumière va éclairer les choses, puis l’heure où elle va s’en abstraire, les renvoyant à leur masse, à leur solitude.
Au premier plan, à l’horizontale, Françoise joue le mort dans la barque. Son visage semble étrangement posé sur elle comme un masque de peau.