Jeanne Orient livre sa "perception sonore" de l'essai de Virginie Megglé : Etonnante fragilité, paru récemment aux éditions Eyrolles.
Cependant de plus en plus de chercheurs s'intéressent aux différentes facettes de l'humain, particulièrement dans le domaine psychologique ; certains, issus du monde scientifique, se penchent sur la question des synchronicités, ces manifestations d'évènements qui posent question par rapport à leur aspect inattendu ou anormalement répétitif et à leur caractère improbable. Ces évènements peuvent être à l'origine d'émotions profondes et ils revêtent du sens pour celui qui les reçoit.
Nous avons tous une image idéale de nos parents, mais il est rare que nos parents y correspondent!
Multiples sont les occasions où nous prenons conscience que l'idéal que nous chérissions depuis la toute petite enfance a été écorné, déçu, malmené... Et pourtant, nous gardons en nous l'espoir plus ou moins secret que le jour viendra où père et mère seront enfin tels que nous aimerions qu'ils soient. Nous aspirons à ce qu'ils nous comprennent, répondent à nos attentes, effacent nos chagrins, raccommodent nos déchirures! Qu'ils cessent de nous contrarier et nous supportent tels que nous sommes. Autrement dit, nous rêvons avec obstination qu'ils deviennent (ou redeviennent) parfaits, et que s'efface, d'un coup de baguette magique, toute trace de ces moments fatidiques où ils se sont avérés décevants, incompétents, inquiétants, absents surtout, méchants parfois. Nous n'avons qu'un souhait : que disparaissent à jamais la tristesse, le désespoir, la jalousie, tous les affreux sentiments qui, en leur présence ou de leur fait, nous ont soudain envahis. Ah! si ces moments avaient pu ne jamais exister! Non seulement, ils se sont bien produits, mais nous gardons souvent l'impression que nos parents n'ont rien fait pour les atténuer. Ou, quand ils ont tenté de le faire, que leurs gestes n'ont fait que renforcer notre impression d'être mal aimés. Peut-être nous sommes-nous gardés de le leur dire, mais nous aurions souhaité qu'ils le devinent, qu'ils trouvent le mot juste, le geste qui apaise!
Difficile de s'aimer, difficile d'imaginer pardonner au moment même où nous souffrons. Nous n'y pouvons rien : toutes les maladresses, les négligences, les mauvais traitements agissent comme du désamour et induisent des sentiments déplaisants dont nous sommes peu fiers mais dont, sur le moment, nous ne pouvons nous défaire.
Il n'est d'enfance ni d'adolescence sans petites et grandes souffrances, qu'elles soient révélées ou dissimulées. Lorsqu'elles ont été refoulées, vient le jour où elles remontent à la surface, réclamant notre attention.
En restant accrochés, à travers la souffrance, aux défauts de nos parents, nous oublions que, parents, nous le sommes ou le deviendrons à notre tour. Et nous nous exposons à faire comme eux... en pire. Lorsque nous ruminons de mauvais sentiments envers ceux qui nous ont mis au monde, nous oublions de considérer nos propres failles et notre potentiel nocif. Plus ou moins consciemment, en rivalité avec eux, nous visons à leur faire entendre que nous sommes bons, contrairement à eux, ou meilleurs qu'eux. Pour le prouver, nous faisons faire à nos enfants de meilleures études ou leur offrons les vacances que nous n'avons pas eues. Nous attribuons à chacun de nos garçons une chambre immense, alors que nous étions entassés à trois dans un "cagibi", et nous laissons notre fille se gaver des Walt Disney dont nous avons été privés... C'est sans penser que, quoi qu'il en soit, nous n'échapperons pas aux reproches... Et que ce ne sont pas toujours les pires parents qui en récoltent le plus!
Les sentiments de trahison et d'abandon nous fragilisent. Nous sommes tous bien maladroits lorsque nous sommes sous leur emprise. Quand l'insécurité est réactivée, l'amour semble nous quitter, l'espoir est mis en difficulté. L'horizon s'assombrit, les portes de la perception se ferment, la douleur domine, nous peinons à nous projeter - heureux - dans le futur.
Nous avons tous connu un désarroi tel que celui-ci à un moment de notre vie. L'espoir n'est pas un vain mot. C'est celui qui nous transporte au-delà de la peine, au-delà de la douleur, au-delà des chagrins et du désarroi, dans un avenir possible que nous aurons à créer... et dont la beauté nous surprendra. Il est ce qui nous porte et nous transporte au-delà du présent. C'est par lui que nous nous relions à l'autre dans la paix, par-delà les limites douloureuses. C'est lui qui nous donnera la force de réinsuffler de l'énergie au corps souffrant et les moyens de croire à l'amour.
Le lien affectif est nécessaire à la construction psychique. Aussi, quand la relation parents/enfants est chahutée, quand des sentiments tristes nous transpercent le coeur, nous nous trouvons comme naturellement des parents de substitution, des figures maternelles ou paternelles, des tuteurs de résilience. A certains moments, nous aurons eu l'impression de tromper père ou mère; à d'autres, nous nous serons sentis désemparés d'avoir préféré certaines femmes à notre maman, car elles auront été de vraies mères de substitution... Mais dans ce cas, paradoxalement, à plus long terme, c'est grâce à elles que nous retrouverons un lien d'amour spirituel ou un lien à nouveau ancré dans la réalité avec la vraie mère. Car elles n'auront pas cherché à la supplanter, ni abusé cruellement de notre crédulité... Leur présence nous aura apaisés, en nous apportant au bon moment ce que nous ne pouvions trouver auprès de notre mère. Elles nous auront respectés autant que celle-ci, sans chercher à nous posséder ni à se mettre en rivalité avec elle.
Mécanisme de défense, la projection va de pair avec le refoulement, qui peut se traduire comme un moyen d’échapper à une sensation insupportable. L’instinct, par esprit de protection, nous intime de renvoyer ce qui est désagréable à sa source, et donc de l’enfouir au plus profond de nous. Cependant, cela ne suffit pas à le faire oublier, et l’inconscient insiste pour le réactualiser. Quand les sentiments douloureux affleurent à la conscience, nous les projetons sur un « autre », croyant (ou feignant de croire) que c’est ce qui nous parvient de cet « autre » qui nous gêne.
La souffrance nous plonge dans la solitude affective, elle se nourrit d'elle-même et par contrecoup : lorsque nous nous sentons incompris, nous souffrons aujourd'hui d'avoir souffert hier.
Quand nous nous sentons trop faibles pour affronter une situation, un sentiment de mise en danger – plus ou moins diffus, plus ou moins constant, mais rarement évident – nous fait craindre d’être découverts, mis à nu ou blessés. Aussi imaginons-nous des moyens de nous défendre. Il serait plus juste de dire que l’inconscient vient à notre rescousse pour nous aider à nous sortir indemnes de la situation.