Citations de Wassyla Tamzali (21)
Il fallait chercher dans le camp de ceux qui avaient eu tous les pouvoirs et tous les moyens entre les mains, les responsables de cette catastrophe. Ceux qui auraient dû nous donner tous les moyens d'éclairer notre destin, de panser nos douleurs d'adolescent, de chercher des coupables des forfaiture accomplies sous le sceau de la guerre de Libération, de nous dire que la violence que nous avions tous acceptée ne devait plus nous dominer, de nous libérer de nos fantômes, ceux là nous tenaient la tête sous l'eau.
J'admirais Camus comme on est capable de le faire quand on a 18 ans et que les mots de papier brûlent aussi sûrement que ceux de la vie.
Quand nous rentrions à la maison après les meetings pour la libération des peuples opprimés, nous, le peuple des femmes, retrouvions nos oppresseurs familiers et bien-aimés, nos pères, nos frères et, le matin, à l'université, au bureau, nos oppresseurs patentés, les petits fonctionnaires socialistes tristes et moralistes qui tenaient les affaires courantes du pays.
Épigraphe du livre
(...) Et force est de reconnaître que le seul survivant authentique de cette histoire est le lecteur lui-même, d'ailleurs c'est toujours comme unique survivant que chaque lecteur lit chaque histoire.
José Saramago (L'année de la mort de Ricardo Reis)
Ils (les islamistes modérés) détournent à leur profit les idées pour lesquelles nous nous sommes battues, et continuons de nous battre. Ne justifient-ils pas leur omniprésence calculée et stratégique dans l'espace public (piscines, stades, administrations), au nom du droit à l'expression de ses convictions religieuses garantie par la laïcité, le droit de se voiler à l'école au nom de ce même droit, et parfois du droit de disposer de son corps (sic) ? Qu'est-ce que le féminisme islamique, sinon l'exemple d'une imposture fondée sur l'utilisation aberrante (Petit Robert : "aberration : une image qui s'éloigne de la réalité") de l'histoire des luttes des femmes ?
Plus les femmes, les filles se voilent pour tenter de se protéger, plus il est nécessaire aux autres de les suivre. Un engrenage implacable dans lequel certains observateurs et défenseurs de la diversité culturelle veulent voir la preuve d'un retour au religieux librement consenti par les femmes, alors qu'il s'agit d'une mise au pas forcée par la violence de l'environnement social, dominé par une vision théologisée de la sexualité. C'est cette violence qui est reçue comme la marque de la diversité du monde dans les capitales européennes, c'est cela que l'on ne peut plus discuter au nom de la liberté et de la démocratie en France et en Europe.
Chaque jour, impuissante, je ne peux que constater la place exorbitante de la sexualité dans la vie des peuples arabes et musulmans. Les discours politiques, comme les discours religieux, sont tous imprégnés de sexualité. Un jour que je lisais avec impatiente, dans Le Monde, une interview d'un haut dignitaire religieux du Caire, pour apprendre les raisons qui lui faisaient refuser qu'une femme soit imam, et cela en réponse à l'apparition de la première femme imam, la New-Yorkaise Amina Wadud, et que j'espérai parfaire ma connaissance de la pensée musulmane, le seul argument trouvé par cet homme inspiré par la parole de Dieu était que si une femme conduisait la prière , elle devait faire des génuflexions en direction de La Mecque et présenter son postérieur aux croyants, ce qui pouvait faire naître des désirs sexuels chez les hommes.
La liberté sous la burka est une drôle d'idée qui a pourtant de nombreux adeptes.
Les intentions des jeunes filles et des femmes voilées, aussi libres se croient-elles dans leur choix de se voiler, ne peuvent gommer le fait qu'elles portent le signe d'une morale qui a ses codes, qui les dépasse totalement et qui engendre une ségrégation des sexes.
Les travestissements du voile n'enlèvent rien au sens du voile. L'ignorer serait ignorer le travail souterrain de ce parangon dans nos sociétés et le porter, pour l'une ou l'autre raison, met en branle un ensemble de représentations, de symboles qui fonctionne avec l'accord ou au corps défendant, c'est le cas de le dire, de celles qui en usent pour exprimer leur identité, leur culture, leur religion. Leur liberté, disent-elles.
à éviter la bataille de l'identité, on risque de perdre la guerre. La montée des idéologies religieuses entraîne la régression de nos sociétés et rend, plus que jamais, cette lutte contre l'enfermement identitaire nécessaire - faute de quoi nous assisterons, impuissantes, à la recomposition de l'idéologie du harem, basée sur la ségrégation des sexes et l'assignation à identité des femmes.
Dorénavant, on me regarde avec suspicion, on ne m'accorde plus d'emblée la légitimité de parler en tant que femme algérienne. Sur ce que je suis, s'abat une chape de plomb, une identité toute faite, emballée dans la religion. Je suis un palimpseste sur lequel les images des femmes cheveux au vent ont été effacées par celles de femmes voilées. Mon histoire est indéchiffrable.
Le recours intempestif à la tolérance ne suffit pas à répondre à la question du vivre ensemble. La tolérance à la française est devenue un avatar du relativisme culturel.
Présenté aujourd'hui par nos amies féministes européennes comme une simple commodité, un arrangement avec les embarras de la société, présenté par d'autres comme un droit, une liberté, une différence culturelle, évoquant la tolérance ou le pragmatisme, le voile s'impose sans violences. Tous ces discours et explications endorment notre vigilance.
Les intentions des jeunes filles et des femmes voilées, aussi libres se croient-elles dans leur choix de se voiler, ne peuvent gommer le fait qu'elles portent le signe d'une morale qui a ses codes, qui les dépasse totalement et qui engendre une ségrégation des sexes.
Présenté aujourd'hui par nos amies féministes européennes comme un simple commodité, un arrangement avec les embarras de la société, présenté par d'autres comme un droit, une liberté, une différence culturelle, évoquant la tolérance ou le pragmatisme, le voile s'impose sans violences. Tous ces discours et explications endorment notre vigilance.
L'histoire des femmes algériennes est bien la preuve que, quelle que soit la raison, on ne peut pas utiliser sans conséquences de discours, des signes ou des pratiques antiféministes, fût-ce au nom d'une identité culturelle, d'une différence, d'une révolte, de l'indépendance d'un pays. Preuve encore, la mise au purgatoire du mot "émancipation" que je reprends à Mme Sid Kara, en mesurant les foudres que cela peut déclencher. Il est temps de sortir ce mot de l'interdit où l'histoire de la libération l'a mis et de désacraliser le voile. Ce travail de réappropriation est plus que jamais nécessaire aujourd'hui où, jusque dans le coeur des grandes villes, le nombre de petites filles voilées qui attendent que sonne la cloche de la récréation montre, à l'évidence, que nous allons dans un sens quasi irréversible, et que si on y rajoute les étudiantes qui sont elles aussi presque toutes voilées, il nous faudra dans un avenir très proche accepter l'idée, que si l'islamisme politique a échoué, l'islamisation des moeurs est en passe de réussir.
Il est de plus en plus clair que mes interlocuteurs européens attendent que s'exprime sous la dénomination "femme algérienne", une "arabe" et une "musulmane" dont ils ont une idée bien arrêtée. Faudrait-il dorénavant être voilée pour être vue ?
Qu'en est-il de l'égalité des sexes au regard de la tolérance ? Pour bien comprendre le sens de cette question, je la repose au sujet de l'esclavage. La différence culturelle ne peut jamais justifier cette pratique, même si elle est inscrite dans le Coran ou dans des pratiques culturelles. Or en France, en Espagne, en Italie, le traitement sexiste des femmes est toléré (ce dernier mot est en italique dans le texte) quand il est revendiqué et pratiqué par des populations venues d'ailleurs.
"Les révolutions arabes m'ont sortie de cette longue retraite. Un voile intérieur s'est déchiré. J'étais émue aux larmes quand je regardais les foules libérées de la peur de dire, prendre la parole, sortir du mutisme. Tunisie, Libye, Yémen, Bahreïn, Syrie. J'étais libérée de la peur. Je croyais de nouveau en mes terres d'origine.