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Citations de Xavier de La Porte (11)


Ainsi, par le football qui s'invente alors que le dogme religieux et le conservatisme intellectuel tentent de mettre en place tous les contre-feux possibles à l'expansion des thèses darwiniennes, l'homme propose une mise en scène de sa filiation simiesque. Dans une relation où il est impossible de distinguer lequel profite de l'autre, il est parfaitement logique de considérer que l'expansion (extraordinairement rapide) de la pratique du football et l'acception (progressive) des thèses de Darwin ne sont pas indépendantes l'une de l'autre.

C'est d'ailleurs le seul moyen de comprendre la formidable réticence des Américains du Nord à l'expansion du soccer sur leur sol. Le choix affiché pour les sports de main (football américain, baseball, basket-ball), au détriment du football, s’inscrit dans la longue histoire, ravivée depuis quelques années, de la résista,ce à l’évolutionnisme de toute une frange néo-créationniste de la population américaine. En dépit de tous les efforts des équipementiers et des chaînes de télévision, le soccer demeure aux États-Unis une pratique réservées aux jeunes, aux femmes et aux hispaniques. Ce n'est pas un hasard.

Loin d'être anecdotique, le succès presque immédiat et quasiment universel du football est donc le signe d'une rupture historique dans la représentation que l’homme se fait de lui-même. Allons au-delà, le football devancerait même certaines tendances de l'évolution, plusieurs études récentes montrant que la main humaine subit un lent processus d'atrophie.

Ainsi dans l'ambiance enfumée alcoolisée et virile de la Freemason's Tavern de Londres, quelques bourgeois visionnaires inventèrent-ils, en privant les joueurs de leur mains, le seul sport évolutionniste. Et proposèrent-ils aux hommes d'aller vérifier sur le terrain ce que la science commençait à savoir d'eux.
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Suivre l’actualité des technologies et de la toile n’est pas toujours gai. Par exemple, ce matin. Le grand sujet, c’est l’annonce faite par Tim Cook, le PDG d’Apple, de la sortie de deux nouvelles versions de l’iPhone 5, j’ai nommé l’iPhone 5C et 5S. Partout des papiers, des billets de blogs, des tweets. Alors que, franchement, la sortie de l’iPhone 5C et de l’iPhone 5S, on s’en fout, non ? Je suis désolé de le dire comme ça... Mais je ne vois pas comment le faire autrement: je m’en fous, et c’est peu de le dire.
J’ai beaucoup de mal à m’intéresser aux petites innovations qui distinguent ces nouvelles versions de la précédente: des coques de couleurs – super – plus de mémoire – génial – des écrans de meilleure définition – OK – une puce pour détecter les mouvements – comme s’il était important que mon téléphone, en plus de tout ce  qu’il  sait  déjà,  sache  aussi  que  quand je me gratte  l’oreille,  ça me  fait frissonner, l’empreinte  digitale  pour  déverrouiller  –  c’est un sujet en soi. J’ai aussi du mal à m’offusquer du prix de ces nouvelles versions: s’il y a des gens prêts à mettre 600 euros dans leurs téléphones,  on  ne  va  pas  pleurer.  Je  suis  le  premier  à  considérer qu’un  outil  technologie  peut  faire  bouger  des  lignes,  que  nous  sommes en train de redéfinir notre rapport à la technique et aux machines, et que c’est passionnant, mais de là à considérer comme unévénement mondial une pile qui dure deux heures de plus, il ne faut pas exagérer.
Et puis, il faut que j’avoue quelque chose. J’ai de plus en plus de mal avec l’idéologie du secret d’Apple. J’ai de plus en plus de mal avec la fausse coolitude d’Apple. Avec la mise en scène de fameuses keynotes, où le PDG apparaît en chemise pour présenter les nouveaux produits, genre « on est entre copains» (alors qu’il s’agit bien sûr de faire plaisir aux actionnaires en augmentant éhontément ses marges avec des produits exorbitants, et de défoncer les Coréens de  Samsung).  J’ai  de  plus  en  plus  de  mal  avec  les  « yeaaaah »  et « wahou » lancés par le public pendant ces présentations, qui le fait ressembler à un parterre de fidèles pendant un prêche évangéliste (alors qu’il est composé pour l’essentiel de journalistes tech qui ne méritent plus tellement, à ce moment-là, le nom de journalistes). Je ne vais pas faire le naïf, je sais bien que ça ne date pas d’hier. Je sais bien que le but d’Apple n’a jamais été de faire le bien de l’humanité – ou, plus précisément, que c’est faire le bien de l’humanité, mais aussi beaucoup d’argent, je sais bien que c’est le propre de l’idéologie de la Silicon Valley de réunir aspirations néo-beatnik et ultra-capitalistes, et que ça n’est pas toujours pour le pire. Mais parfois, ça m’énerve...
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Et si le jeu vidéo – même violent, même apparemment immoral – était une activité juridique. Activité juridique au sens où Michel Serres dit du sport qu’il est une activité juridique, c’est-à-dire nous confrontant dans tous les aspects du jeu à des lois non négociables (d’ailleurs, je rappelle au passage que, dans la langue officielle, on ne parle pas des «règles» du football, mais des «lois» du football). Dans le jeu vidéo, la loi opère à plusieurs niveaux. La loi telle qu’elle est représentée dans le jeu. Mais aussi la loi induite par le scénario (les lois du récit qu’est tout jeu vidéo). Mais surtout les lois informatiques, équivalent des lois de la nature dans le monde physique: l’univers ludique est un univers entièrement construit et la manière dont on y évolue (comment on s’y déplace, sur quel périmètre, avec quel ressenti, jusque dans l’interaction des mains et de la machine) engage un rapport à ces lois numériques. Et tous les gamers, tous les gens qui réfléchissent sur les jeux vidéo s’accordent à dire que ce qui se passe dans cette expérience est beaucoup plus fort, beaucoup plus déterminant que ce qui apparaît simplement sur l’écran. Ainsi dans les épisodes précédent de GTA, la liberté laissée au joueur a sans doute été une expérience beaucoup plus déterminante que la violence qui apparaît sur l’écran. Et dans GTA5, pour autant de ce qu’on puisse le savoir aujourd’hui, ce sera la possibilité donnée au joueur d’incarner en même temps trois personnages, donc trois expériences différentes de confrontation aux lois les plus profondes du jeu qui constituera l’expérience déterminante.
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Le tournant qu’a raté Nokia au milieu des années deux mille n’est donc pas seulement un tournant économique ou technique. C’est un tournant quasiment anthropologique. Nokia n’a pas compris – n’a pas anticipé – que le téléphone portable ne servirait plus seulement à téléphoner. Nokia n’a pas compris que son slogan « Connecting people» était réducteur, qu’il ne s’agit plus seulement aujourd’hui de connecter les gens entre eux, mais de les connecter à eux-mêmes. Et rater un tournant aussi important, dans le monde des technos, ça ne pardonne pas, malgré tous les efforts consentis depuis, notamment en matière de photo.
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Plus remarquable encore, c'est en 1863, année même où se clôt le cycle des réunions dans la Freemason's Tavern de Londres, que l'anatomiste anglais Henry Huxley prouve, en montrant que tous les primates possèdent un pouce bien séparé des autres doigts, que la main n'est pas le caractère distinctif de l'homme. Pour Huxley - et il tranche ainsi avec des années d'incertitude - c'est bien la bipédie (plus que la bimanie) qui caractérise l'homme. Un siècle plus tard, le paléoanthropologue André Leroi-Gourhan résumera le choc produit sur les consciences : "Nous étions préparés à tout admettre, sauf d'avoir débuté sur les pieds".
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L'irruption de la notion de volonté est loin d'être insignifiante. La main est moralisée. Quand elle rencontre le ballon dans le cours du jeu, c'est bien une question morale - celle de l'intention - qui est posée.
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Donc, lors de la tentative d'unification qui eut lieu en 1848 à l'université de Cambridge, la question de la main avait entraîné une scission. La délégation de Rugby, qui refusait de renoncer à son usage, s'était retirée des négociations.
Pendant 15 ans, le flou prévalut.
Ainsi, quand tous se retrouvèrent en 1863, pendant quelques soirées d'hiver caractérisées par un fort décalage de température entre l'intérieur et l'extérieur, par une sociabilité virile et la griserie d'une bourgeoisie déjà certaine de son triomphe, il fallut trancher.
En choisissant le pied, la majorité mit fin à deux mille ans de représentation de l'homme par lui-même.
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La dernière réunion fut sanctionnée par la signature des statuts de la Football Association qui rassemblait les quelques collèges et clubs s'étant mis d'accord sur un corpus de règles communes. Bien qu'assez éloignées des "lois du football" telles qu'on les connaît aujourd'hui (nombre de joueurs incertain, taille du terrain variable, pas de gardien de but, temps de jeu indéfini,..) on a tendance à considérer que ce jour-là, le football cessa d'être un jeu pour devenir un sport.
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Le football produit une morale dans laquelle les membres longtemps méprisés sont investis d'une valeur positive pendant que le membre toujours loué revêt une valeur hautement négative, voire scandaleuse.
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Il est notable que le football moderne n'est ni une création ex nihilo, ni la formalisation d'une pratique qui excluait déjà la main, mais bien le choix d'exclure la main d'une pratique qui, jusque-là, l'acceptait.
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De tous les sports pratiqués à grande échelle, le football est le seul qui proscrive, pour l'essentiel du jeu, la main et ses prolongements. Qu'il soit devenu ce qu'il est, et pas autre chose, est une conséquence logique de cette proscription initiale.
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