"S'accrocher au connu, c'est rester prisonnier de l'ignorance."
« Bien sûr, comme tous les écrivains, j'aimerais laisser en héritage quelques livres ou quelques phrases susceptibles de réconforter un lecteur, de le réconcilier, ne serait-ce qu'un instant, avec lui-même. » (p. 31)
« Les plus purs élans du cœur comme les plus beaux poèmes d'amour sont toujours des appels au secours, des prières, c'est-à-dire l'ouverture d'un vide qui aspire à être comblé, l'expression de ce qui est sans voix et veut être entendu. » (p. 86)
« À quoi reconnaît-on une grande œuvre ? Question difficile à laquelle je réponds pourtant sans hésiter : à son pouvoir de compassion. » (p. 97)
L’erreur c’est de se croire l’auteur de sa propre vie alors que c’est la vie qui nous invente, c’est elle qu’on reconnaît lorsqu’on se regarde dans un miroir et qu’on ne se reconnaît plus, lorsqu’on devient pour soi-même un étranger, un ami qu’on croise en chemin, un caillou qui heurte notre pied, un chien qui nous suit, un chat qui nous fixe, un nuage qui nous absout, n’importe quoi qui nous tire de nous-mêmes et nous libère de la tentation d’être quelqu’un.
Pour être libres et créer, est-ce que les femmes seront toujours condamnées à vivre seules ou à ne vivre qu'avec des êtres capables de solitude, capables d'aimer sans les épuiser?
Comment se rapprocher du savoir des hommes qui ne savent rien, c'est-à-dire qui éprouvent tout, la joie ou la détresse, sans le recours à une image ou à une idée qui en réduise ou en augmente l'intensité?
« Si l'histoire ne se termine pas ici, c'est que la vie est une bien mauvaise romancière, qui ne craint ni les répétitions, ni les digressions, ni les temps morts, comme si elle prenait plaisir à éprouver la patience du lecteur en l'obligeant à traverser des pages et des pages qui l'éloignent de la fin promise, de la récompense du sens. » (p. 175)
Est-il possible qu’après avoir longtemps vécu en marge de l’histoire nous ayons commencé de mourir lorsque nous y sommes entrés, impatients de répéter la vieille illusion humaine qui croit repousser la mort en maîtrisant le monde, plutôt que de l’empêcher de vieillir en le redécouvrant chaque matin, en faisant de chaque jour une aventure ?
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La parole, cette forme désuète de communication.
On n'en a jamais fini avec l'enfance et la meilleure façon de vieillir, c'est de la laisser grandir en soi.
La superficialité, c'est aussi oublier (...) que ce que je pense, écris, invente, que les illusions créées par la culture ont des répercussions dans la réalité, que la pensée, même lorsqu'elle croit jouir de l'immunité intellectuelle, est responsable du réel. Personne, et surtout pas les intellectuels, ne peut prétendre être au-dessus de la mêlée. (...) Dissocier la pensée de l'acte (l'oeuvre de la vie) crée la distance nécessaire à l'exercice de la pensée, mais si la pensée ne tend pas aussitôt à abolir cette distance, elle risque les pires aveuglements. Toute tentative de dissocier l'oeuvre de la réalité, toute tentative de dissocier l'homme de ses actes est une entreprise d'aveuglement au service de la lâcheté.