Le froid de la rivière agrippe ses genoux. Elle distingue à présent l’arche du pont qui enjambe des nappes de brume glacée et le peigne qui retenait ses cheveux a glissé, il s’est perdu quelque part en route, elle traversera ainsi, la tignasse dénouée d’une folle, d’une amoureuse. Sa robe s’accroche à un taillis d’acacias. L’ubac tente une dernière fois de la retenir mais il n’a plus aucune chance d’y parvenir car le pont est là, il a tenu. Elle y pause un instant dans le passage étroit qui s’arcboute entre les deux rives. C’est le seul lien, il a été construit il y a bien longtemps, avant la haine.
Ces saisons à se battre avec les pierres, la terre, le bois, à se coltiner cagnard, vents et déluges les ont rendus aigus, aussi affûtés que des lames. Elles les ont dotés d’orgasmes secs, sans fioritures, sans avant, sans après, sans littérature, sans petite robe noire.
Les fleurs choisies, sont, étrangement, les mêmes qui ornaient les potagers des grand-mères honnies : coeurs de Marie, œillets de poètes, espoirs du peintre. Mais au fond, si elle a haï ces vielles toupies, elle n’a aucune raison d’en vouloir à leurs fleurs, qui par leur retour fidèle à chaque belle saison, constituaient une sorte de contre-point au cœur glacé de leur maison, un pied de nez à la frustration, à l’aigreur, à la lente désespérance des jours.
Qui ne sait où aller va n'importe où. Qui ne sait plus quoi faire. fait n'importe quoi. Vite, vite, pour ne pas rester dans le vide, dans la violence de la perte. On tire une carte dans le paquet, on appelle ça la nouvelle donne, la vie neuve, la chance qu’il ne faut surtout pas laisser passer.