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La mort du torero

Le retour de Toussaint Marcus Moore, premier détective noir, qui, tout à ses légitimes doutes sur une prochaine paternité, promène sa terrible lucidité, la grande acuité de son regard, sur les ségrégations sociales et raciales dont le Mexique offre une saisissante, et meurtrière, illustration. Sans rien céder aux complaisances qui trop souvent marquent le polar, sans glorification donc ni de l’héroïsme ni de la vengeance, moins encore du sale métier de détective, toujours dans une saine colère contre des diktats trop rarement dénoncés (la paternité, la quête de la vérité et la corrida...), en 1964, Ed Lacy signe ce polar passionnant. La mort du toréro est une très belle spéculation sur la possibilité même d’un enquêteur, d’un redresseur de torts.
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La mort du torero

Original, serré comme un café fort, magnétique, « La Mort du toréro » d’Ed Lacy est un roman noir, dont la carte majeure est celle d’une fine sociologie.

Engagé, aux multiples signaux, ce classique-né tisse avec habileté, une intrigue qui file à toute allure. Les diktats sociétaux et politiques dans les années 70 en Amérique et au Mexique sont tirés au cordeau. Rein n’est laissé au hasard.

D’emblée ce livre est une fierté éditoriale. Une référence dans la grande lignée des chefs d’œuvres de la littérature.

Ed Lacy est le nom de plume de Leonard Zinberg. Pour être publié en tant que tel, il a dû cacher son identité. Il était juif, non croyant, communiste et mariée à une noire.

Serait-ce le double de Toussaint Marcus Moore, la tête d’affiche de ce roman qui mêle avec brio, une histoire qui tire les débats à elle et sa vie personnelle ?

Ed Lacy, côté ville était un homme épris de justice. Ici, dans le vif de ce récit, on ressent son double cornélien. C’est en cela aussi, que ce livre est dévorant d’authenticité.

Toussaint Marcus Moore est un facteur. Quoi de plus ordinaire ? Il vit à New York avec sa femme Frances. Sans être un anti-héros, sa vie lisse semble en mimétisme avec l’époque. Ne pas faire de vagues. Il est noir et de suite dans une Amérique raciste et clivante, il risque d’emblée l’ensevelissement mental.

Ce protagoniste apprend que sa femme est enceinte. C’est un choc pour lui, une sidération.

« Toussaint s’interroge sur le fait d’avoir des enfants dans un monde -déjà- à la dérive. »

Il est réfléchi et lucide. Son éthique semble l’évocation d’un devoir envers et contre tout. Il va trouver fortuitement un deuxième travail. La précarité dévore le nid conjugal. Il va être missionné par un ami détective. Partir au Mexique, plus exactement à Acapulco et Mexico. Un journaliste spécialiste des corridas, vient de mourir. Un crime ?

Il va rencontrer sa femme, Grace. Une passionnée des serpents. Atypique, mais quelque peu fragile et fantasque. Elle est persuadée que son mari a été tué par l’emblématique toréro El Indio.

« Mon mari se passionnait pour la corrida, pour lui, elle représentait la quintessence de la grâce, le combat éternel de l’homme contre la mort. »

Juan est mort d’une morsure d’une vipère à tête noire. Que s’est-il passé ?

Le récit glisse sur les rebondissements, les réflexions politiques, historiques, et intuitives. On ressent un livre empreint de convictions. La tauromachie, plus qu’une institution, ici, est une mise en abîme symbolique.

« Je crus facilement Frank lorsqu’il m’expliqua que Mexico avait les plus grandes arènes du monde ; archipleines, elles retentissaient du bruit d’au moins 50 000 personnes. »

« La Mort du toréro » est implacable, ne cède rien aux compromis. Ici, entre la jubilation d’une trame trépidante et le constat amer d’un auteur qui sait le monde à la dérive. Entre le bien et le mal, les passions et les articulations psychologiques des personnages, « La Mort du toréro » est une arène où les traductions sont indéfectibles.

El Indio, l’ancien esclave tient sa revanche.

Ce livre presque charnel, fascinant, stimulant est dévorant dans cette immense force analytique. Ici, est le règne viril de deux contraires assemblés. El Indio et Toussaint Marcus Moore.

N’oublions pas, Jean Ferrat qui chante : « Ce n’est pas par plaisir que le toréro danse, c’est que l’Espagne a trop d’enfants pour les nourrir. »

À méditer. Traduit de l’anglais (américain) et préfacé par Roger Martin. Publié par les majeures Éditions du Canoë.





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La découverte de l'amour et du passé simple - I..

Simon fait sa rentrée de septembre 1962 à Champigny, il vit avec sa petite sœur chez ses grands-parents maternels, Hanna et Salomon, à Champigny, en attendant le déménagement de ses parents depuis Paris prévu en janvier 1963. Le reste des enfants d’Hanna et Salomon suivra le mouvement, près de cent cinquante personnes entre oncles, tantes, cousins, enfants... la famille qui se reconstitue après l’exil forcé.

Simon et sa famille sont arrivés d’Algérie en 1956, et se sont installés à Paris, il arrive alors à Champigny, chez les communistes, comme tonton Simon, après des années de liberté totale à Paris et une vie bouillonnante.

On fait connaissance avec cette famille attachante de juifs qui ont pris très tôt la mesure de ce qui se préparait en Algérie, et ont fait le choix de partir. J’ai eu un gros coup de cœur pour Hanna, la grand-mère qui pleure parce que dans la télévision il pleut mais que dehors non, et que pour elle, ce truc rectangulaire c’est comme une fenêtre de plus, mais pas en adéquation avec la vraie vie, alors Simon, patient avec sa grand-mère, lui explique...



On fait connaissance aussi avec les professeurs de Simon, prosélytes politiquement comme on ne peut les imaginer aujourd’hui ! Ses camarades de classe, comme Bernard, irrespectueux et crâneur, lui aussi arrivé d’Algérie, poussé en 1962 par le choix douloureux de « la valise ou le cercueil », issu de la bourgeoisie d’Algérie, il se rend compte qu’il ne sera jamais de celle de la France. Di Constanzo, pied-noir qui vit avec sa mère... et puis d’autres, d’un peu partout.

On suit Simon dans sa « banlieue rouge », les bords de Marne, la place de l’Église où il aime regarder les passants depuis son banc, et le cinéma. Et on plonge avec Simon dans son quotidien avec les commerçants campinois, le dentiste qui s’appelle Trotzky (!!!), les boulangers, on apprend alors que mettre la baguette dans un sac plastique c’est vraiment mal vu, le vendeur de chaussures antipathique, le charcutier espagnol vendeur de cochon, que mange Simon, et oui comme toute sa famille !

Et au milieu de cette nouvelle vie, les souvenirs de Tlemcen, toujours, la nostalgie de leur vie là-bas, avant la France, le goût de là-bas, comme l’orange-lime de Tlemcen que réclame Simon à son père.



Dans ce premier volume de la saga d’une famille juive algérienne en France depuis 1956, j’ai aimé l’atmosphère de ces années merveilleusement rendue. On est avec Simon sur ce banc, on est avec lui dans le salon ou à table avec ses parents !

On se sent proche de Simon-Gil Ben Aych, bah oui, c’est lui Simon, cette saga est autobiographique... les souvenirs de Simon sont les siens, incroyablement bien rangés dans sa mémoire, et rendus par écrit de façon passionnante, alors que c’est l’oralité qui prime dans sa culture. C’est aussi un livre touchant qui montre l’attachement familial.

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