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La Grange Batelière [corriger]


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Dubalu

On pourrait comparer « Dubalu » à un allumeur de réverbères. Entre l’ombre en lui et autour de lui, et cette lumière qui se diffuse et se meurt immanquablement dans le frôlement de l’aurore.

Lire et relire ces 89 pages et savoir l’heure belle et spéculative.

« Dubalu » est un grand classique. Un livre qui nous apprend beaucoup sur l’existence et le côté sardonique, de celui ou celle qui se sait désabusé (e). Dans une vive mélancolie où l’on pressent le double de Victor Bâton, personnage de « Nos amis » de Bove.

Ce livre en noir et blanc, est le portrait de Dubalu, un petit représentant de commerce qui se doute bien, que quelque chose coince dans sa vie.

Paris est terne, sans musique. Son quotidien l’oppresse et il décide de faire un voyage. Dans un mobile de recherche d’une clientèle potentielle, il va bousculer les codes.

À l’instar d’une quête initiatique, au plus près des gens ordinaires.

Dans l’espoir de percevoir cette petite étincelle qui brillera entre les percées de brouillard.

Le style est dans cette lignée où chacune des phrases est un tour de magie. Entre la malice, l’humour, et de loin, comme une scène ralenti, dont les mouvements sont d’ores et déjà des enluminures.

Le point fixe de dire beaucoup avec cette légèreté de ceux qui savent et restent modestes.

On aime cette déambulation dans un jour, un après-midi où Francis Dubalu est un buvard entre deux pages.

« Bonjour mes chattes, il lança comme d’habitude la grêlée des quatre machines à écrire lui sautant au visage, dès la porte ouverte. »

Lui, absolument lucide de sa médiocrité, entre sa femme Fernande, ses enfants quelque peu malpropres, le quotidien, dans un rythme pavlovien, épuisant et terne.

Toujours, les mêmes vacances, au même endroit. Les rituels deviennent des lassitudes .

« Et tout à coup il sentit qu’il allait pouvoir enfin ne plus s’occuper seulement de ce qui est rentable, de ce qui est efficace, ne plus être sur le qui-vive. Et ceci pour la première fois depuis huit années, voilà, qui valait bien la peine d’en profiter.

« Dubalu » écrit en 1960, à 27 ans, est la preuve d’un homme immanquablement conscient de sa propre vie. C’est un petit (grand) livre qui dévoile une quête existentielle d’une façon unique.

Francis Dubalu écoute, observe, se rend compte qu’une parole serait vaine. Il lui manque la connivence avec la réalité. Il est dans l’effacement du jour présent, et cette expérience de fuite est comme un point d’ancrage avec l’achèvement de ses illusions.

« Dubalu » est la postérité de l’écriture. Sous ses faux-airs d’un homme triste, désabusé, il est placide. Ne résistons pas à relire ce passage : « Il s’engagea délibérément dans une ruelle étroite, où levèrent les yeux sur lui deux vieilles assises, muettes et immobiles, devant leur porte, qui le regardèrent dans une sorte de douloureuse supplication.

Si bien que lorsqu’il se retourna sur leurs tabliers sombres, éternels comme des linceuls, leurs visages,

ou ce qu’on en distingue dans la presque obscurité de cet étroit goulot,

demeurent tournés vers lui et le suivent tout au long de sa traversée. »

Prenons soin de la préface de Jérôme Leroy qui dit que ce n’est pas un hasard si ce fut Raymond Queneau qui fut la bonne fée de Bernard Waller et encouragea la publication de « Dubalu ». « Dubalu » est une madeleine de Proust. Les Éditions La Grange Batelière prouvent une nouvelle fois, une haute qualité éditoriale. À déguster sans modération.









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