Réflexions sur l'architecture : à la poursuite du Beau dans nos vies
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« Qu'est-ce qu'un bel édifice ? Quelle influence peut avoir l'architecture sur notre humeur ? Une maison peut-elle apporter le bien être ou la sérénité » (4e de couverture) Qu'est-ce qui nous émeut dans l'art non-figuratif ? Qu'est-ce qui nous émeut face au Beau ? Comment traduire nos émotions en mots (pensée visuelle) ? Comment discuter de la Beauté d'un objet sans en venir à du « j'aime, j'aime pas » ? N'avez-vous jamais ressenti un sentiment de paix et de concorde face à une pièce X ? Le livre entend répondre à ces questions et à bien d'autres.
Comme toujours chez Alain de Botton, on part d'un élément a priori banal (le travail, le voyage, le statut social, etc.) pour développer une pop'philosophie, sérieuse dans sa propos mais sans abstraction totale, sans jargon.
Dans l'ensemble, le livre est une réussite. Pourquoi ? Car il a le mérite d'éclaircir un certains nombres de questions : de l'examen de notre jugement du Beau (notamment à travers l'histoire, de l'idéal classique à aujourd'hui), de nos émotions face à un ensemble architectural, d'urbanisme, de nos idéaux dans la vie et du manque que l'on peut ressentir et dont on investit l'architecture comme réponse à ce manque. De psychologie du goût en tant que dérivatif à nos propres manques et faiblesses, par-delà le relativisme, des critères du Beau (ordre, symétrie, simplicité, complexité, équilibre, cohérence). De la prise de conscience de la beauté singulière et exceptionnelle face à la banalité du monde. De l'importance de l'ambition dans la construction moderne, où le critère de la demande l'emporte sur l'originalité.
L'auteur accorde une place assez importante à la réflexion du Corbusier dont la théorie architecturale moderniste, au début du XXe siècle, a considérablement renouvelé l'approche, y compris dans ses apports sur l'organisation urbaine, lui rendant même hommage en calquant le titre de son livre sur celui du Corbusier paru en 1955 (« Architecture du bonheur - L'urbanisme est une clef »). L'esthétique japonaise de la simplicité, le « wabi » est aussi évoquée.
L'analyse ne se limite pas à la seule architecture mais prend aussi souvent en compte la peinture et la sculpture. Les nombreuses photos sont un atout important au livre, on ne peut s'en passer sans perdre le fil, il est donc extrêmement préjudiciable qu'elles soient en noir et blanc, Au registre des regrets, on évoquera une esthétique de l'art souvent rapportée aux catégories de l'humain : l'homme a, inconsciemment (?), l'habitude de faire des parallèles entre un objet d'art et des configurations humaines. L'auteur ne semble pas croire en une transcendance, c'est-à-dire, en un art qui déclencherait une émotion non-traduisible en termes de caractères humains. L'ouvrage a aussi une fâcheuse tendance à la redite, surtout au milieu du livre, notamment sur la complémentarité qu'apporte l'architecture, reflet de nos idéaux, de ce qu'on aspire à être, refuge de notre moi (le "chez-soi"). Enfin, le titre est un peu mensonger : le bonheur n'est que la condition d'une architecture réussie, encore faut-il comprendre ce qui nous rend heureux et le « construire » dans la réalité.
En conclusion, encore un très bon livre d'Alain de Botton sur un sujet qui me titillait l'esprit depuis quelques temps et qui apporte de nombreuses réponses et interrogations fertiles.
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