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Siddhartha

Comment parler de ce roman, lu il y a une quinzaine d'années et relu la semaine dernière — roman plutôt court (autour de 150 pages) et cependant si grand dans le style et le contenu ; contenu très éloigné de l'époque où il a été écrit (les années 30), éloigné des inquiétudes de l'entre-deux guerres et du monde moderne. Loin de Sartre, loin De Beauvoir, loin de Camus, loin de Céline, loin de Proust, loin de Kafka, loin de la sociologie, loin de la psychologie, loin des philosophies, loin des idéologies.

Mais alors... ce roman, qu'a t-il à nous dire ?

Certes ce n'est pas un roman à thèse, il ne cherche à rien nous enseigner. Mais tout de même, pour nous autres modernes, il peut bien, indirectement, nous interroger sur nous-mêmes.

Car de notre côté, nous avons une idée de la liberté, que nous pouvons peut-être définir ainsi : avoir le droit de choisir ce qu'on aimerait faire de notre vie et être libre de contester ce que l'on pense contestable, tout en étant capable d'agir pour cela. Et d'un autre côté, dans le roman de Hesse, ce n'est pas cette liberté que recherche son personnage Siddhartha. C'en est presque le contraire. Car pour Siddhartha (personnage principal du roman en question) notre conscience aurait justement la possibilité de s'affranchir de ces choses qui déterminent nos actions (telles notre psychologie et nos orientations spéculatives, systèmes de pensées de toutes sortes) et ainsi d'atteindre à une profonde liberté intérieure, une liberté qui ne cherche à être ni ceci ni cela, ni contre ni pour quelque chose, une liberté qui ne veut rien mais qui, comme on le dit de Dieu, est.

Et cette sorte de liberté serait apparemment la plus grande et la plus profonde de toutes les libertés, elle nous apporterait un bonheur d'exister constant, tout entier dans le présent, jamais à ressasser le passé, jamais à se projeter dans l'avenir, elle ne connaîtrait pas la peur, ni l'envie, ni la jalousie, ni la frustration, elle ne serait que beauté, joie et amour.

Utopie spirituelle ?

Peut-être pas. Pensons par exemple à cette demoiselle hollandaise, Etty Hillesum, laquelle, dans son inoubliable journal (intitulé : Une vie bouleversée) et dans ses non moins inoubliables lettres (rassemblées sous le titre : Lettres de Westerbork ), nous parle de cette liberté intérieure, qu'elle commence un jour par éprouver, et que rien ensuite ne semble entamer, pas même l'enfer nazi où elle finira par périr à l'âge de vingt sept ans.

L'incroyable transformation intérieure qu'a vécu Etty Hillesum est assez semblable à ce que vivra le personnage d'Hermann Hesse, bien que lui ne sera confronté à aucune horreur. Lui traversera une toute autre histoire, et se retrouvera un jour, après de multiples expériences de vie, devant cette difficulté : que faire de l'amour qu'il éprouve pour son enfant qui refuse son amour.

Toute son histoire est divinement bien raconter. Et pour nous autres lecteurs d'aujourd'hui, trop souvent enclin à penser que tout est politique (n'est-ce pas cela qu'on nous rabâche ?), le livre de Hesse est à l'opposé de la doxa de notre temps, laquelle prend trop de place et tend alors à atrophier la dimension spirituelle de l'humain. Un personnage comme Siddhartha irait-il jusqu'à penser que dans un monde qui croit tout est politique, la liberté est de moins en moins possible ? Je crois qu'il le dirait, et je crois bien qu'il aurait raison.

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