Olivier
Boiscommun revient au fantastique après son exploration d'autres univers.
Que ce soit en collaboration avec d'autres scénaristes (comme Jodorowski) ou en solo, il continue de regarder du côté de l'étrange, là où les personnages qu'il met en scène perdent leurs repères, voire se retrouvent en danger.
Et encore une fois c'est un pari, avec une couverture intrigante. Une vague gigantesque, les embruns, et au milieu, à peine discernable, une barque et un personnage qui va être submergé. Dès la couverture le lecteur perd pied,
Ouvrir l'album, c'est accepter de ne pas tout comprendre, d'être autant ballotté que les personnages et risquer de ne pas avoir à la fin toutes les clés pour comprendre ce qu'il s'est passé.
D'un autre côté,
Boiscommun dépeint un univers qui n'est pas rationnel. Ici, une bougie allumée peut exaucer les voeux et protéger de la tempête. Un clin d'oeil au Stardust de
Neil Gaiman ? Peut-être...
Ici, on ne sait pas vraiment où ni quand on est. Et à la limite on s'en moque un peu. Là n'est pas le propos.
Cette histoire, c'est avant tout un conte. Une histoire qui ne se comprend pas mais qui se ressent, qui se vit à l'intérieur. C'est une histoire dont la fin ne s'explique pas car chacun aura créé sa propre fin. C'est une aventure qui se vit plus qu'elle ne s'explique.
Et c'est avec beaucoup d'émotion que l'on tourne la dernière page, avec un silence, un pincement au coeur, un moment pour s'éclaircir les idées, relever la tête et comprendre où l'on est, comme au sortir d'un rêve.
Il est sans doute un peu plus délicat de s'attacher à Martin dont le personnage est volontiers provocateur. le plus dur étant de se faire à sa façon de s'exprimer. le mélange d'argot qu'il emploie rend la lecture malaisée, la compréhension parfois difficile. C'est sans doute le seul reproche qui puisse être fait à l'album dont chaque page est un petit bijou.
Le travail de
Boiscommun, en couleurs directes, dans des teintes faisant écho à l'océan, transforme les cases en tableaux miniatures. Et les illustrations pleine page subliment le rendu général. Les tons bleu-gris, le ciel voilé, la brume, tous les éléments concourent à rendre l'ambiance marine dans l'ouvrage, pour un peu on entendrait le cri des mouettes et des sternes en lisant. Et cette odeur d'algue qui remonte lentement aux narines...
Un ouvrage fort, avec la sensibilité de
Boiscommun sur l'enfance, l'abandon, les cauchemars et la mort. Et paradoxalement une célébration de la vie en contrepoint. Comme un va-et-vient. Comme un cycle de marée.
Et je ne peux finir sans reproduire la citation de
George Bernard Shaw mise en exergue pour illuminer tout l'ouvrage :
Pour moi la vie n'est pas une petite flamme éphémère.
C'est un flambeau splendide que je dois brandir.
Je veux qu'il brille de mille feux avant de le transmettre aux générations futures.
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