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Citations sur L'oubli que nous serons (63)

Chez nous vivaient dix femmes, un enfant et un monsieur. Les femmes étaient Tatá, qui avait été la nourrice de ma grand-mère et avait presque cent ans, était à moitié sourde et à moitié aveugle ; deux bonnes — Emma et Teresa — ; mes cinq sœurs — Maryluz, Clara, Eva, Marta et Sol — ; ma mère et une bonne sœur. L’enfant, moi, aimait le monsieur, son père, par-dessus tout. Il l’aimait plus que Dieu. Un jour j’ai dû choisir entre Dieu et mon père, et j’ai choisi mon père.
(Incipit)
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En fin d’après-midi, on s’asseyait tous dans l’oratoire autour de ma grand-mère, mes sœurs et moi, et des femmes surgissaient peu à peu de tous les coins de la maison, des parentes, des domestiques et des voisines, toujours vêtues de noir ou de sombre, comme des cafards, un fichu sur la tête et un chapelet à la main. La cérémonie du rosaire était présidée par l’oncle Luis dans sa vieille soutane tachée de cendre et lustrée à force de repassages, avec ses mains pourries de lépreux, sa tonsure chenue, et son allure de géant, souriant et furibond en même temps, scandalisé et désolé par les péchés routiniers et les irrémédiables pécheurs qu’il devait chaque après-midi absoudre dans le confessionnal de son appartement. Il attendait patiemment, en fumant cigarette sur cigarette et se brûlant les doigts, répétant sempiternellement sa vieille cantilène désespérée (« Ah, quand atteindrons-nous le Ciel, quand ! »), tandis qu’arrivaient les femmes « du dedans » et du dehors.
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Je me souviens tout spécialement avoir lu, parmi bien d’autres livres, les sept volumes d’À la recherche du temps perdu. Avec une passion et une concentration que je n’ai jamais retrouvées dans aucune autre lecture. De février à avril, en lisant Proust, je découvris ce que je voulais faire vraiment : lire et écrire tout le temps de ma vie. Deux géants marquèrent la littérature du XXe siècle, Joyce et Proust, et je crois que suivre l’un ou préférer l’autre est un choix aussi important en matière de goût littéraire qu’en politique être de droite ou de gauche. Certaines personnes s’ennuient en lisant Proust et se passionnent pour Joyce : pour moi, il se passe exactement le contraire.
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L’expression de l’affection entre hommes relevait du snobisme ou de la pédérastie, et seules étaient permises les claques dans le dos, comme la plus grande marque de tendresse. Ma grand-mère Eva disait qu’il était « complètement impossible d’élever les enfants sans la férule et sans le Diable », et ainsi le faisait-elle savoir à ma mère, qui n’usait ni de l’une ni de l’autre. Mon grand-père disait parfois à mon propos : « Cet enfant, il faut l’élever à la dure. » Mais mon père lui répondait : « La vie est là pour ça, qui cogne durement sur tous ; pour souffrir, la vie est plus que suffisante, et je ne l’aiderai pas. »
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"L'esprit rebelle, je ne veux pas le perdre. Je ne me suis mis à genoux, si ce n'est devant mes roses, et je ne me suis sali les mains que dans la terre de mon jardin".

page 238
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Il est des moments dans la vie où la tristesse se concentre, comme l'on extrait l'essence d'une fleur pour en faire un parfum. Ainsi parfois dans notre existence la souffrance se décante jusqu'à devenir dévastratrice, insupportable.
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La chronologie de l'enfance n'est pas faite de lignes mais de soubresauts. La mémoire est un miroir opaque et brisé, ou, pour mieux dire, elle est faite d'intemporels coquillages de souvenirs éparpillés sur une plage d'oublis.
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"Les livres sont un simulacre de souvenir, une prothèse pour se rappeler, une tentative désespérée de rendre un peu plus durable ce qui est irrémédiablement limité."
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J'aimais mon père d'un amour animal. J'aimais son odeur, et aussi le souvenir de son odeur, sur le lit, lorsqu'il partait en voyage et que je demandais aux bonnes et à ma mère de ne pas changer les draps ni la taie d'oreiller. J'aimais sa voix, j'aimais ses mains, ses vêtements soignés et la méticuleuse propreté de son corps. Quand j'avais peur, la nuit, je me glissais dans son lit et il me faisait toujours une place à côté de lui. Il n'a jamais dit non. Ma mère protestait, elle disait qu'il me gâtait, mais mon père se poussait un peu et me laissait monter. Je ressentais pour mon père la même chose que mes amis disaient éprouver pour leur mère. Je sentais l'odeur de mon père, je posais un bras sur lui, je mettais mon pouce dans la bouche et m'endormais profondément jusqu'à ce que le bruit des sabots des chevaux et les clochettes de la voiture du laitier annoncent le lever du jour.
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J'aimais mon père d'un amour animal. J'aimais son odeur, et aussi le souvenir de son odeur, sur le lit, lorsqu'il partait en voyage et que je demandais aux bonnes et à ma mère de ne pas changer les draps ni la taie d'oreiller. J'aimais sa voix, j'aimais ses mains, ses vêtements soignés et la méticuleuse propreté de son corps. Quand j'avais peur, la nuit, je me glissais dans son lit et il me faisait toujours une place à  côté de lui. Il n'a jamais dit non. Ma mère protestait,  elle disait qu'il me gâtait, mais mon père se poussait un peu et me laissait monter. Je ressentais pour mon père la même chose que mes amis disaient éprouver pour leur mère. Je sentais l'odeur de mon père, je posais un bras sur lui, je mettais mon pouce dans la bouche et m'endormais profondément jusqu'à ce que le bruit des sabots des chevaux et les clochettes de la voiture du laitier annoncent le lever du jour.
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