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Citations sur Barroco tropical (34)

Les écrivains sont par nature des observateurs.
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Il avait plu toute la journée. L’herbe était si verte qu’elle semblait chanter. La brume au-dessus de l’asphalte était comme un voile de mariée. Un vol de tourterelles a agité soudain l’air immobile.
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Les nuits sont pleines d’étoiles et pourtant regarde comme elles sont sombres. La lumière des étoiles n’éclaire aucun chemin.
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Dalmatien l’a regardé , atterré :
- Vous êtes en train de dire que l’esclavage a été une bonne chose?
- Réduire quelqu’un en esclavage est une chose abominable. La traite négrière a enrichi certaines familles africaines, sans parler des européens, évidemment mais elle a ruiné le continent. Ce que je suis en train de dire c’est que quelquefois les mauvaises actions produisent de bons résultats. En tout cas il me semble plus facile de défendre l’esclavage que la sorcellerie ou le tribalisme.

- Je ne suis pas d’accord. Ce que vous appelez tribalisme, général, je l’appellerais nationalisme ethnique. Le fait qu’un Bacongo soit orgueilleux de son lignage et veuille ce qu’il y a de mieux pour son peuple n’a rien de négatif au contraire. Pourquoi les Flamands, les Catalans et les Basques pourraient pratiquer le tribalisme et pas les Bacongos ?
Benigno dos Anjos Negreiros ne s’attendait pas à cette résistance de la part du chauffeur de taxi. Il a hésité un instant. Puis il a souri, content. Mon beau-père n’apprécie peut être pas la démocratie, mais il apprécie un bon débat :
- Je suis un patriote. J’ai lutté dans les forêts de ce pays contre les troupes portugaises. A l’époque notre slogan était "un seul peuple, une seule nation".
- Je préfère l’unité dans la diversité. Un grand nombre de nations, une seule patrie, a rétorqué Dalmatien. La plupart des pays du monde sont composés de plusieurs nations. Le combat contre la diversité est le propre d’une pensée totalitaire. Vous vouliez l’indépendance, c’est vrai mais à condition que l’Angola conserve le modèle colonial.
- Le modèle colonial ?
- Dalmatien a raison, suis-je intervenu, amusé. Les nationalistes urbains, éduqués dans la métropole et très souvent fils ou petits-fils de Portugais, ne connaissaient que le modèle colonial, et après avoir pris le pouvoir ils ont essayé de l’imposer. Un seul peuple, une seule nation. Ce qui veut dire, d’après vos camarades, que pour construire un pays il faut détruire les identités ethniques. De la pure idéologie coloniale. Voyez ce qui s’est passé avec la langue portugaise. Avant l’indépendance, moins de cinq pour cent des Angolais parlaient le portugais comme langue maternelle. Aujourd’hui , nos jeunes ne parlent plus que le portugais.
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Quand je suis né, Luanda utilisait encore en entier son beau nom chrétien sonore : Sao Paulo da Assunçao de Luanda. Vieille matrone mulâtre, elle était orgueilleuse de sa parenté avec des villes comme La Havane, Saint Louis en Casamance ou Sao Sebastiao do Rio de Janeiro. Ce furent d’ailleurs les Brésiliens qui lui portèrent secours quand, en 1641, les Hollandais profitèrent de la distraction ibérique pour occuper la Forteresse de Sao Miguel. J’ai vu ma ville devenir africaine. J’ai vu les fiers immeubles de la ville basse – que la bourgeoisie coloniale avait abandonnés quelques jours avant l’indépendance – être occupés pas les déshérités des bidonvilles. Je les ai vus (ces déshérités) élever des poules dans les garde-mangers, des chevreaux dans les chambres et allumer avec les bibliothèques abandonnées par les colons des feux au milieu des salons. J’ai vu plus tard ces mêmes déshérités quitter les appartements en ruine en échange de fortunes (quelque-uns) ou d’une demi-douzaine de centimes (d’autres), et être remplacés par la toute nouvelle bourgeoise urbaine, ou par des expatriés grassement payés. J’ai vu tomber le beau palais de Dona Ana Joaquina à coups de marteau, pour être remplacé par une réplique en mauvais béton, et j’ai pensé que c’était une métaphore des temps nouveaux – le vieux système colonial et esclavagiste remplacé par une réplique dérisoire dans le jargon néfaste de bidonvilles. Plus tard (trop tard), j’ai compris qu’il n’y avait aucune métaphore, juste une grande bâtisse qui s’effondrait.
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Lua est le diminutif affectueux avec lequel nous autres, Luandais, appelons notre ville. Je le trouve particulièrement approprié. Luanda partage avec la Lune -- Lua -- la même désolation aride et sauvage, la même poussière suffocante. Pourtant, comme la Lune, vue de nuit et de loin, elle semble belle. Illuminée, elle séduit. En outre, sa lumière a le pouvoir étrange de transformer des hommes simples en loups féroces.
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Je suis consciente de la lumière qui dort dans certains mots, de la nuit qui se cache dans d’autres. Il y a des métaphores qui explosent comme des grenades, des strophes capables de déclencher des éclairs sous nos yeux. Il m’est déjà arrivé de chanter les mêmes vers des centaines de fois sans les comprendre. Et soudain, sur une scène quelconque, Le Bozar à Bruxelles, Le Finlândi Hall à Helsinki, le Koninklijk Theater Carré à Amsterdam, sur une scène quelconque, cette même chanson prend feu et se révèle : elle s’ouvre comme une porte sur un monde dont je ne soupçonnais pas l’existence. Quand je me sens perdue, je m’assieds et j’écris. Quand je suis irrémédiablement perdue, je chante.
Je chante pour m’en sortir.
Qu’est ce que j’écris ? je consigne ce qui m’arrive, tentant de comprendre ce qui m’est arrivé. Je n’invente rien. Je n’ai pas besoin d’inventer quoi que ce soit. Je ne suis pas écrivain. Je pourrais appeler cela journal aveugle, car il ne comporte pas de dates. Je préfère l’appeler Elucidaire.
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Je le regrette infiniment, mais il est absolument impossible d’expliquer le mot saudade à qui n’est pas de notre langue
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... (Kianda) je suis consciente de la lumière qui dort dans certains mots, de la nuit qui se cache dans d'autres. Il y a des métaphores qui explosent comme des grenades, des strophes capables de déclencher des éclairs sous nos yeux.
(...) Quand je me sens perdue, je m'assieds et j'écris. Quand je suis irrémédiablement perdue, je chante.
(...) Qu'est-ce que j'écris ? Je consigne ce qui m'arrive, tentant de comprendre ce qui m'est arrivé. Je n'invente rien. Je n'ai pas besoin d'inventer quoi que ce soit. Je ne suis pas écrivain. Je pourrais appeler ça journal aveugle, car il ne comporte pas de dates. Je préfère "Elucidaire".
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Elle a reculé de deux pas. Elle a fermé les yeux et a commencé à chanter dans une langue que je n'avais jamais entendue. Je suis convaincu qu'elle l'inventait en chantant. Pourtant il semblait y avoir une logique puissante dans la façon dont les sons s'articulaient. C'étaient une langue à la fois évidente et impossible, comme un serpent dépliant des ailes humides. La mélodie ? C'était le miel inhérent à la parole, avec sa douceur et sa couleur, plus la paisible lucidité du jour.
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