Citations sur Dédicaces, Tome 3 : Avant la fin du monde et autres nou.. (8)
Foutaises ! Les estivants se fichent des légendes locales. Ils ont besoin d’air pur, d’un hamac, de baignades et de lait frais.
Il faut vous dire qu’autrefois, Barbara Ilinitchna faisait preuve d’une grande indépendance d’esprit. Elle voulait servir le peuple et la société, faire des études pour devenir institutrice ou sage-femme. Combien de fois n’avions-nous pas rêvé ensemble à un miracle qui transformerait notre modeste contrée : par exemple, on construirait une usine, ou bien un industriel prévoyant déciderait d’assécher le marais de Gnilovo, ou encore un riche propriétaire originaire de la région léguerait cent ou deux cent mille roubles pour la mise en valeur de son pays natal.
Qu’est-ce que l’appât des richesses auprès des souffrances d’un cœur offensé ? Si encore vous étiez en train de mourir de faim, mais non, vous voyagez en première classe, vous avez un diamant à votre épingle à cravate.
L’accident de chasse n’offrait aucune prise à l’instruction. Il était facile de prévoir le verdict : après avoir entendu l’accusé et l’unique témoin, on déciderait de classer l’affaire sans suite faute de preuves, appliquant au prévenu la formule juridique inoffensive : « Demeure suspect ». Ou encore, très probablement, Koulebiakine exigerait d’être jugé par la cour d’assises et ces beaux parleurs d’avocats lui obtiendraient l’acquittement.
Le jeune homme ne fuyait nullement les plaisirs de la chair, mais préférait l’amour-marchandise à l’amour-passion et, d’après les rumeurs, avait une idée tout ce qu’il y a de plus cynique du beau sexe. Des gens comme ça ne tuaient pas par jalousie ni pour venger l’honneur d’une femme.
Dans ses déductions, Anissi ne s’était trompé que sur un point : le serpent géant existait bel et bien et pas seulement dans l’imagination malade du régisseur. Mais c’était là une chose qu’aucune personne saine d’esprit n’aurait pu envisager.
Et il n’y avait rien d’étonnant à ce que Kracheninnikov soit devenu fou en voyant le monstre. Il y avait en effet de quoi perdre la raison, surtout quand on connaissait la légende des Baskakov. Anissi, lui, s’était bien évanoui, et pourtant, il n’était pas un lâche…
Cependant, s’il s’agissait d’un vivant, il n’y avait rien à craindre. Et contre une créature surnaturelle, le revolver était sans secours.
Lorsqu’on pourra se rendre à Moscou dans un compartiment confortable avec des banquettes moelleuses, les estivants viendront par milliers. Bénie soit cette sous-espèce oisive de l’Homo sapiens ! Ils apporteront de l’argent, des routes praticables, des emplois pour les habitants du cru ! Alors, l’ivrognerie et la mendicité disparaîtront, on fera bâtir des hôpitaux et des fermes.