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Critique de kuroineko


Akutagawa n'est pas que le nom d'un prix littéraire japonais prestigieux - un peu l'équivalent du Goncourt en France -, c'est aussi celui d'un écrivain nouvelliste ayant vécu, brièvement, à la période charnière du Japon.

Dans "Engrenage" et "La vie d'un idiot", il parle de lui. Ces deux textes furent publiés de façon posthume. Qu'il soit le "je" narrateur de la première histoire ou opte pour une distanciation avec "il" dans la seconde, on le voit dépeindre surtout les angoisses qui le conduisirent au suicide en 1927. Dans "La vie d'un idiot", il se déclare possédé par le "démon de la Fin du Siècle", écartelé entre sa japonéité et l'occidentalisation de son pays, à laquelle il succombe en partie à travers son attirance pour la littérature européenne du XIXème siècle et du début du XXème.
Les deux nouvelles regorgent de références à Flaubert, Strindberg, Tolstoï, Dostoïevski, Anatole France, etc.

Mais cet esprit cultivé, connaissant aussi bien ses classiques chinois et nippons que les occidentaux, s'avance dangereusement sur les pentes de la folie. le spectre de sa mère morte enfermée dans un asile psychiatrique le poursuit. "Engrenage" montre tout particulièrement la montée en puissance des troubles qui accaparent ses pensées et sa vie même : paranoïa, hallucinations, impressions de découvrir des signes à lui destinés dans une lumière rouge, la phrase d'un livre ouvert au hasard, etc.
Une phrase de "La vie d'un idiot" résume parfaitement son état psychique lors de la rédaction de ses derniers textes : "La folie ou le suicide, c'était tout ce qui l'attendait".

La mort, souvent volontaire, est un thème récurrent dans la littérature japonaise, qu'il s'agisse du suicide pour retrouver son honneur ou mû par le désespoir. D'ailleurs, nombreux sont les auteurs nippons à être décédés de leurs propres mains, outre Akutagawa (Dazaï, Kawabata, Mishima, etc).

Les deux récits de ce court recueil prennent une signification particulière compte tenu de ce qu'il advint de l'auteur peu après l'apposition du point final. Les textes sont sombres, désespérés et ne laissant aucune échappatoire au narrateur. Pas même la religion puisqu'il soutient à une connaissance à lui, catholique fervent qui lui prône d'accepter le recours de la lumière, qu'il existe des ténèbres sans lumière. Il marche dedans et ses pensées souvent décousues par les prémices de la folie nous plongent dedans avec lui.

Par conséquent, mieux vaut avoir le moral plutôt au beau fixe pour entamer cette lecture. Ou alors prendre suffisamment de distance pour compatir à la situation de l'auteur sans se laisser plomber par sa noirceur. Mais par leurs qualités indéniables, ces textes méritent qu'on se penche dessus avec intérêt.
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