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Edwige de Chavanes (Traducteur)
EAN : 9782070440832
112 pages
Gallimard (05/01/2011)
3.63/5   127 notes
Résumé :

Un homme prend le train pour Tôkyô. Un passager lui parle d'un fantôme en manteau de pluie. Quelques instants plus tard, il croise une personne en manteau de pluie, trop léger pour la saison. Dans sa chambre d'hôtel, un troisième manteau est posé sur le dossier de son fauteuil... Autant d'indices de l'engrenage qui entraîne le narrateur vers la folie. Deux nouvelles posthumes de ce grand auteur de la littératur... >Voir plus
Que lire après La vie d'un idiot (précédé de) EngrenageVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Le 24 juillet 1927 Akutagawa Ryûnosuke se suicidait par absorption massive de barbituriques. Les deux textes de ce recueil ont été publiés après sa mort, la même année. Les thèmes en sont la folie, la littérature et la mort. Ils sont d'une intensité exceptionnelle.
Akutagawa est né en 1892. Neuf mois après sa naissance, il est confié à son oncle maternel car sa mère est devenue folle.
Il se nourrit de littérature, aussi bien de classiques chinois et japonais que de classiques occidentaux. Encore simple étudiant en Lettres, il traduit et écrit des nouvelles. En 1916 Sôseki publie la terrible nouvelle Rashomon et le Nez (Hana) dont il fait l'éloge, dans sa revue. Dès 1920 Akutagawa est un écrivain célèbre, apprécié du public et reconnu par ses pairs, tant il sait faire le lien entre les nostalgiques de la tradition et les modernes. Il écrit des essais, des poèmes, des nouvelles et autres textes brefs. Il revisite les légendes médiévales ou les histoires de fantôme pour interroger le présent, angoissant et menaçant. Il est en perpétuelle recherche formelle et ses textes sont d'une remarquable modernité et toujours percutants. Il est devenu le maître incontesté de la forme courte. Dans le même temps, et alors même que le Japon plonge dans le nationalisme militaire, sa santé mentale se dégrade jour après jour et il vit une véritable descente aux enfers.
La mort d'Akutagawa est survenue six mois seulement après la mort de l'empereur Taisho et le début de l'ère Showa. Pour beaucoup, elle représente non seulement la fin d'une époque*, mais aussi la défaite* des intellectuels japonais.

1. Engrenage (« Haguruma », 1927, publication posthume).
C'est un récit à la première personne. le narrateur Monsieur A est un écrivain célèbre. Dans un taxi, son compagnon de voyage, un rondouillard à barbiche, lui apprend qu'un fantôme en manteau de pluie hante une propriété. le narrateur n'y prête guère attention, mais bientôt, il voit un manteau de pluie, à la gare, dans le train, dans les rues qui lui semble être l'ange de la mort. Dès lors les hallucinations morbides s'enchaînent. Il les affronte d'abord avec un calme clinique avant que la honte et l'angoisse ne le submergent totalement.
Ce qui apparaît comme une simple histoire de fantôme devient rapidement le récit bouleversant et extrêmement précis des souffrances du narrateur-auteur. Il scrute les mauvais présages dans des objets ou de simples couleurs, le rouge et le noir qui lui rappelle l'Enfer, il a des hallucinations visuelles et auditives impressionnantes (rires sardoniques, chuchotements dans la nuit). Il se voit dans un miroir déformant et un engrenage flotte dans ses yeux. le récit évoque Gogol, Poe, Dante, Maupassant (Le Horla), Sternberg, Dostoievski et bien d'autres. La littérature semble avoir nourri la bête qui le rongeait depuis l' enfance.

2. le journal d'un idiot est composé de 51 fragments poétiques que l'auteur rédigea en 1927 avant de se donner la mort. Ils sont écrits à la troisième personne. Akutagawa se met à distance et se regarde. On voit comme dans un film expressionniste, instantané par instantané, son cheminement littéraire et personnel. Chaque fragment porte un titre révélateur : 1 Époque*... 2. Sa mère ...6. maladie. 9 cadavre...13 La mort du maître (Soseki) 17 Papillon...31 le grand tremblement de terre...49 Un cygne empaillé. 50 Prisonnier. 51 Défaite*. Chaque fragment est magnifique, intense et marquant.
« La vie d'un idiot était achevée", quand il découvrit un cygne empaillé dans la boutique d'un antiquaire. L'oiseau était debout, le cou tendu, mais ses ailes jaunies étaient trouées par les mites. Songeant à sa vie, il sentit un sourire de dérision brouillé de larmes lui monter aux lèvres. La folie ou le suicide, c'est tout ce qui l'attendait. Il marchait, solitaire, dans les rues où tombait la nuit, résolu à attendre le destin qui, lentement, viendrait l'anéantir ».
(49 Un cygne empaillé)
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Akutagawa n'est pas que le nom d'un prix littéraire japonais prestigieux - un peu l'équivalent du Goncourt en France -, c'est aussi celui d'un écrivain nouvelliste ayant vécu, brièvement, à la période charnière du Japon.

Dans "Engrenage" et "La vie d'un idiot", il parle de lui. Ces deux textes furent publiés de façon posthume. Qu'il soit le "je" narrateur de la première histoire ou opte pour une distanciation avec "il" dans la seconde, on le voit dépeindre surtout les angoisses qui le conduisirent au suicide en 1927. Dans "La vie d'un idiot", il se déclare possédé par le "démon de la Fin du Siècle", écartelé entre sa japonéité et l'occidentalisation de son pays, à laquelle il succombe en partie à travers son attirance pour la littérature européenne du XIXème siècle et du début du XXème.
Les deux nouvelles regorgent de références à Flaubert, Strindberg, Tolstoï, Dostoïevski, Anatole France, etc.

Mais cet esprit cultivé, connaissant aussi bien ses classiques chinois et nippons que les occidentaux, s'avance dangereusement sur les pentes de la folie. le spectre de sa mère morte enfermée dans un asile psychiatrique le poursuit. "Engrenage" montre tout particulièrement la montée en puissance des troubles qui accaparent ses pensées et sa vie même : paranoïa, hallucinations, impressions de découvrir des signes à lui destinés dans une lumière rouge, la phrase d'un livre ouvert au hasard, etc.
Une phrase de "La vie d'un idiot" résume parfaitement son état psychique lors de la rédaction de ses derniers textes : "La folie ou le suicide, c'était tout ce qui l'attendait".

La mort, souvent volontaire, est un thème récurrent dans la littérature japonaise, qu'il s'agisse du suicide pour retrouver son honneur ou mû par le désespoir. D'ailleurs, nombreux sont les auteurs nippons à être décédés de leurs propres mains, outre Akutagawa (Dazaï, Kawabata, Mishima, etc).

Les deux récits de ce court recueil prennent une signification particulière compte tenu de ce qu'il advint de l'auteur peu après l'apposition du point final. Les textes sont sombres, désespérés et ne laissant aucune échappatoire au narrateur. Pas même la religion puisqu'il soutient à une connaissance à lui, catholique fervent qui lui prône d'accepter le recours de la lumière, qu'il existe des ténèbres sans lumière. Il marche dedans et ses pensées souvent décousues par les prémices de la folie nous plongent dedans avec lui.

Par conséquent, mieux vaut avoir le moral plutôt au beau fixe pour entamer cette lecture. Ou alors prendre suffisamment de distance pour compatir à la situation de l'auteur sans se laisser plomber par sa noirceur. Mais par leurs qualités indéniables, ces textes méritent qu'on se penche dessus avec intérêt.
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Très belle découverte pour moi de cet écrivain majeur de la littérature nippone, qui pour n'avoir écrit pratiquement que des nouvelles n'a pas la même notoriété que d'autres japonais en occident. Il a pourtant donné son nom au principal prix littéraire du pays du soleil levant, c'est dire sa stature.
On ne trouvera ici que deux nouvelles extraites du recueil original, histoire de découvrir leur auteur : Engrenage puis la Vie d'un idiot.

Dans Engrenage, le narrateur, écrivain, est perturbé par la vision d'un manteau de pluie, à plusieurs reprises et en plusieurs lieux, alors qu'on vient de lui parler d'un fantôme en manteau de pluie. L'homme est fragile, sa mère était folle, et au fil des pages, on sent qu'il commence à dérailler dans sa solitude urbaine, ayant laissé sa famille à la campagne. Ses nerfs ne tiennent qu'en prenant une batterie de médicaments, il a des visions, des paranoïas. En déambulant, il croise des personnes et voit des choses qui lui sapent toujours plus le moral. Se complaisant dans la solitude, sa santé mentale se dégrade inexorablement...Il se rapproche de la folie et a des tentations suicidaires...

Dans la Vie d'un idiot, la construction se rapproche étonnamment des haïkus. Chaque "paragraphe" titré est un arrêt sur image, d'une situation ou pensée intérieure du narrateur...En quelques mots, tout est dit de sa souffrance. Car lui aussi ne va pas bien, mais alors pas bien du tout. Déprime profonde, approche de la mort par suicide qu'on sent nettement arriver...

Deux superbes textes, sombres, complètement autobiographiques, qui annoncent le suicide...imminent de l'auteur, puisque les textes seront publiés juste après sa mort, à 35 ans.
J'ai été subjugué par la beauté de l'écriture, et le narrateur désemparé est très émouvant.
Des textes à lire et relire...quand on a le moral !
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Deux nouvelles posthumes du grand auteur de littérature japonaise Ryûnosuke Akutagawa (1892-1927) qui préparent la mise en scène de son suicide.

Dans la 1ère "Engrenage", le narrateur, un écrivain neurasthénique, voit dans les choses qui l'entourent autant de signes prémonitoires de sa mort prochaine : un manteau de pluie, une pantoufle manquante, les couleurs blanc et noir...des signes qui le poussent toujours un peu plus vers la folie.
La seconde "La vie d'un idiot" est le journal autobiographique et testamentaire de l'auteur avant son suicide en 1927.

Ces deux nouvelles sont les dernières qu'a écrites Ryûnosuke Akutagawa peu avant son suicide en 1927.
Publiées à titre posthume, elles expriment avec un sentiment de malaise croissant, les peurs et les angoisses de l'auteur, la crainte de devenir fou comme le fut sa mère, la lassitude de vivre dans un monde dont il ne voit que la noirceur.
Si elles illustrent son état d'esprit, sa superstition, son interprétation des signes vus par le spectre de son obsession de la mort, elles reflètent également sa grande passion pour les auteurs occidentaux.
A découvrir.
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Je suis tombée sous le charme de l'écriture de cet auteur japonais si tourmenté. Ces deux nouvelles, censées préfigurer son suicide, sont empreintes d'un désespoir qui m'a presque contaminée, le temps d'une journée.

Toujours à mi chemin entre réel et rêverie - ou plutôt cauchemar, tant l'angoisse de l'auteur est omniprésente - Akutagawa livre son mal être, ses obsessions. Il trouve sans cesse des mauvaises augures sur son chemin, comme si le destin le narguait, et craint sans cesse de verser dans la folie qui a emporté sa mère.
Son amour pour les auteurs occidentaux - Anatole France, Radiguet, Rousseau - éclairent furtivement ses pensées, avant qu'il ne replonge dans ses pensées suicidaires et s'inquiète de sa mauvaise santé.

J'ai réellement adoré la force de ses images, et me sens touchée par ce destin si sombre. Je vais donc m'attaquer au reste de ses oeuvres - notamment "Rashomon", dont je vais regarder l'adaptation ciné.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Extrait de "La vie d'un idiot" :

Elle avait un visage radieux. On aurait dit le soleil du petit matin scintillant sur une fragile couche de glace. Il éprouvait pour elle de l'affection. Mais de l'amour, non. Il n'avait d'ailleurs jamais touché d'un doigt le corps de cette femme.
- Alors, comme ça vous avez envie de mourir ?
- Hmm...- enfin, ce n'est pas tellement que j'ai envie de mourir : je suis seulement las de vivre.
A la suite de ce dialogue, ils se promirent de mourir ensemble.
- Un suicide platonique, n'est-ce pas !
- Double suicide platonique !
Son calme l'étonnait lui-même.
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Extrait de "Engrenage" :

De l'autre côté de la dune, la mer se fondait dans une brume grise. A son sommet était plantée une balançoire sans siège. Les barres me firent instantanément songer à une potence ; deux ou trois corbeaux se tenaient d'ailleurs perchés sur la traverse. Même quand je fus là, aucun ne manifesta la moindre intention de s'en aller. Et je dirais même plus : ouvrant un bec énorme pointé vers le ciel, celui du milieu se mit à coasser - quatre fois, j'en suis certain.
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Extrait de "la Vie d'un idiot" :

Songeant à sa vie, il sentit un sourire de dérision brouillé de larmes lui monter aux lèvres. La folie ou le suicide, c'était tout ce qui l'attendait. Il marchait, solitaire, dans les rues où tombait la nuit, résolu à attendre le destin qui, lentement, viendrait l'anéantir.
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- Mais comment cela va-t-il ces temps-ci?
- Toujours les nerfs à vif, comme d'habitude.
- Aucun médicament ne pourra vous aider. Vous n'éprouvez pas l'envie de vous convertir?
- Si cela m'était au moins possible...
- Cela n'a vraiment rien de difficile. Il suffit seulement de croire en Dieu, de croire en Christ le Fils de Dieu, de croire dans les miracles qu'Il a accomplis...
- Ce que je peux, c'est croire au Diable!
- Alors, pourquoi ne croyez-vous pas en Dieu? Si vous croyez en l'ombre, comment vous défendre de croire en la lumière?
- Mais il existe aussi des ténèbres sans lumière.
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"La vie d'un idiot"_

Il commença à souffrir d'insomnies. Ses forces physiques commencèrent aussi à décliner. Divers médecins lui avaient diagnostiqué deux ou trois maladies différentes chacun : hyperchlorhydrie, atonie gastrique, pleurésie sèche, neurasthénie, conjonctivite chronique, fatigue cérébrale...
Mais lui savait fort bien quelles étaient les racines de son mal : La honte de soi et la peur des autres ; les autres... cette société qu'il méprisait !
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Videos de Ryûnosuke Akutagawa (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryûnosuke Akutagawa
« […] Akutagawa Ryunosuke (1892-1927) tenait cette nouvelle pour l'une des oeuvres les plus fortes de Shiga Naoya (1883-1971). […] Tout en usant de mots familiers réussir à donner une pareille sensation de transparence, voilà ce qui dans tout texte, à quelque genre qu'il appartienne, importe au plus haut point. […] Une telle forme d'écriture dédaigne la fleur pour obtenir le fruit : par la simplicité même, elle accède à l'essentiel comme aucun mode d'expression de la vie quotidienne ne le pourrait. […] » (Junichiro Tanizaki [1886-1965])
« […] Sa légèreté n'est qu'apparente. Elle recèle une puissance insoupçonnée. Ainsi de ces variations de Chopin, subtiles, presque imperceptibles, qui résonnent en nous, se propagent jusqu'au fond de nos entrailles comme la douleur d'une dent. […] » (Hideo Kobayashi [1902-1983])
« […] l'originalité de Shiga Naoya tient au fait que jamais dans aucune de ses nouvelles il ne se laisse aller à l'analyse psychologique de son personnage principal. Il le présente seulement comme un homme qui lutte pour essayer d'établir des relations humaines rationnelles dans le monde qui l'entoure. le personnage apparaît si profondément hanté par cette quête que Shiga Naoya ne s'attarde pas à une étude de son caractère. […] » (Sei Ito [1905-1969])
« […] En janvier 1913 paraît un premier recueil de nouvelles, dédié à sa grand-mère. le 5 août de cette même année, Shiga Naoya est renversé par un train de la ligne Yamanote. Il est grièvement blessé et doit se faire hospitaliser. Il écrit en septembre la nouvelle Han no hanzaï (Le crime de Han) puis, en octobre, part en convalescence à Kinosaki. […] L'une de ses plus belles nouvelles, Wakaï (Réconciliation) […] est publiée en 1917, peu de temps après Kinosaki nite (Le séjour à Kinosaki). […] »
17:55 - Générique
Référence bibliographique : Naoya Shiga, le séjour à Kinosaki suivi de le crime de Han, traduit par Pascal Hervieu et Alain Gouvret, Éditions Arfuyen, 1986
Image d'illustration : Autoportrait de Shiga Naoya daté de septembre 1912.
Bande sonore originale : P C III - O UT O UT by P C III is licensed under an Attribution License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/P_C_III/O_UT_1733/O_UT
#NaoyaShiga #LeSéjourÀKinosaki #LittératureJaponaise
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