Les Gardiens des Portes, tome 3 : Amélie

A la pensée du sort que lui réservait Abaddon si elle échouait , son poil se hérissa sur sa nuque. C'était là une situation qu'elle voulait éviter à tout prix. Brûler à petits feu dans les affres de l'enfer serait un destin bien doux en comparaison des tortures que pourrait lui infliger Abaddon. Un frisson funeste la secoua. La nuit avait recouvert la ville de son long manteau depuis un bon moment, ce qui contribua à assombrir d'avantage son humeur...

- Je sais que tu es perturbé, Logan, commença-t-elle.
- Par tous les feux de l'enfer, Amélie ! Rugit-il, l'empoignant aussitôt par les épaules. Prends-tu seulement la pleine mesure de ce que tu t'apprêtes à faire ?
- Si tu crois que je vais te regarder agoniser ou pire, mourir sans réagir, c'est que tu me connais très mal, riposta-t-elle avec aigreur.

- Bon sang ! Je te l'interdis ! Hurla-t-il, la repoussant avec force.

Amélie trébucha, se rattrapant de justesse à la manche de sa tante. Lorsque celle-ci fit mine de vouloir interférer, elle lui intima d'un geste rude de demeurer à l'écart. Elle fut à la hauteur de Logan en deux enjambées, mais se garda bien cette fois-ci de le toucher.

- C'est ce que j'ai l'intention de faire, que cela te plaise ou non. Si tu cherches à m'en empêcher, je n'hésiterais pas à user de tout mon savoir pour tromper ta vigilance.

- Non ! Rugit-il en la plaquant contre le tronc d'un arbre.

Le sort de l'humanité serait scellé par l'issue du combat qui se dessinait à l'horizon. Il n'y avait que les trois clés de voûte qui seraient à même de faire pencher la balance du bon côté. Le destin d'Abbygaelle et d'Alicia était déjà en branle, mais celui d'Amélie demeurait incertain.

sis se sentit gagnée par une tristesse sans fin au souvenir de ce qui avait précédé leur exil. À cause de leur vulnérabilité, les enfants avaient été les premiers à succomber. Ils s’étaient éteints les uns après les autres dans d’atroces souffrances, et leurs cris d’agonie résonnaient toujours dans sa tête malgré tous ces siècles écoulés. La suite n’avait été qu’une série de conséquences désastreuses. Une vague de suicide avait frappé les mères. La plupart d’entre elles ne pouvaient supporter la perte de leurs enfants. Par la suite, nombre des compagnons de ces femmes les avaient rejointes dans cette folie. La lourdeur de ces jours sanglants avait frappé chacun des habitants d’Atlantide. Seule une infime partie de la communauté avait survécu.

Elle ne pouvait supporter le poids d’un tel fardeau. « C’est perdu d’avance ! » songea-t-elle avec fatalisme.
— Tout comme Abbygaelle, Marcus, Alicia et Keith, vous ne serez pas seuls pour traverser cette épreuve. La confrérie et ta famille seront là pour vous épauler. Tu dois avoir confiance en l’amour qui vous unit, Logan et toi. C’est un lien puissant, ne fais pas l’erreur de le sous-estimer.

— Tu dois te rappeler ce qui fut jadis, gladiateur, susurra une voix enchanteresse entendue seulement de lui. Regarde avec les yeux de ton cœur...
Une émotion vive s’agita au tréfonds de Logan. Il s’enfonça dans les profondeurs insoupçonnées de son être bien malgré lui. Quelques images diffuses cherchèrent à prendre forme dans son esprit, comme des étincelles surgissant du néant. Il tenta de discerner ce qu’elles représentaient, mais sans succès. Un élément capital lui échappait, le frustrant d’autant plus.

Elle promena un regard incertain sur les vestiges de ce qui avait été jadis l’un des joyaux de Rome. Les pierres usées par le temps ne laissaient plus rien transparaître du faste de l’époque, ni des drames qui s’y étaient joués. Malgré tout, elle pouvait presque entendre les cris enflammés des spectateurs, tout comme les rugissements des lions qu’on libérait de leur cage. Elle percevait même le son assourdissant du fracas des épées qui s’entrechoquaient, mais plus perturbant encore furent les hurlements des malheureux qui se faisaient déchiqueter par les bêtes sauvages et qui lui écharpaient les tympans. La souffrance, le désespoir, l’horreur émanaient de la moindre parcelle des lieux.