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Critique de MarianneL


«Vous ne pouvez être ce que vous devez être qu'après avoir plongé dans l'excès où se tissent toutes choses.»

Dans son neuvième roman, à paraître début septembre 2014 (éditions le Tripode), Robert Alexis revient aux sources de son oeuvre et déploie, de manière beaucoup plus extrême et ample, les thèmes de «La robe», son premier livre paru en 2006.

À la fin du XIXème siècle, dans le Paris mondain, un jeune homme à la beauté de statue antique, une beauté divine et mortifère qui l'empêche d'aimer tout autre individu que lui-même, va un soir vivre un événement qui restera en lui comme une ligne infranchissable, pour reprendre les mots du narrateur de «La Robe».

«Vous cherchez chez les autres ce que vous ne pouvez trouver seul, la confirmation que vous êtes la seule figure aimable, le seul être capable d'embraser votre coeur, chose tellement impossible n'est-ce pas ?»

Cet événement inattendu va profondément le déséquilibrer, faire éclater la représentation qu'il se fait de lui-même, révéler ses aspirations, de la plus pure à la plus perverse, de la plus raisonnable à la plus passionnelle, de la plus douce à la plus dangereuse, et radicalement infléchir son destin.

«- Ta beauté, ton invraisemblable métamorphose, et maintenant ce que tu m'invites à commettre avec toi… Tu es un monstre.
L'orchestre reprenait des airs connus. le ballet des serveurs, plateaux argentés, assiettes fumantes, composait une chorégraphie pour l'ouverture de la «Pie voleuse».
- Un monstre, dis-tu ? Mais toi, regarde-toi. N'étais-tu pas enfant tout ce que tu pouvais être plus tard, c'est-à-dire tout ce que les autres ont voulu que tu sois ? As-tu eu le choix d'être autre chose qu'une charmante demoiselle, bientôt la tendre épouse d'un mari parfait ? Si je suis un monstre, tu n'es qu'une marionnette, un être imaginé et mis en mouvement par des fils invisibles. Coupe ces fils. Reste.»

Ses aspirations complexes et contradictoires, c'est-à-dire humaines, à une forme de bonheur classique et de pureté originelle, à la soumission à l'autre, à une sexualité hors normes, à explorer les déviances les plus extrêmes, vont le conduire à mener une vie simple et proche de la nature, presque paradisiaque, dans les Pouilles, puis à plonger au plus profond de la dépravation dans Naples la vénéneuse, dans une ambiance qui rappelle «La Peau» de Curzio Malaparte.

«Comme ces gens, comme ces choses, j'étais emportée par une coulée de fange, anéantie par un naufrage qui emportait dans sa spirale l'espace et les matières, les âmes et les années… Mais, sur le seuil de l'hôtel, entre les deux palmiers nains aux feuilles blanchies de poussière, je me sentis soudain merveilleusement, délicieusement chez moi, parvenu au seul endroit qui restât acceptable.»

«L'homme qui s'aime» est un roman au-dessus d'un précipice, excessif et imparfait, qui agit comme un sortilège avec ses thèmes profondément troublants - la raison et l'excès, la pureté et l'abjection, le paradis et l'enfer - et sa langue magnifique, enchâssant différents récits qui viennent répéter, inlassablement, l'obsession de la passion et de la liberté.

«Les étoiles ? demanda-t-il. Savez-vous qu'elles m'effraient ? Ce que j'ai appris d'elles est une façon de m'en libérer, d'oublier l'infini, la nuit éternelle dans laquelle nous flottons d'une manière absurde, et pour tout vous dire, vous m'effrayez autant… On doit vivre avec ces étoiles, faire comme si elles n'étaient pas l'essentiel, nous réfugier dans les médiocres activités terrestres, des choses à notre portée quand, ailleurs, dans ces nuits si insupportables aux vivants que la nature a dû inventer le sommeil, résonne je ne sais quel mécanisme qui finira par nous broyer.»
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