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Critique de kuroineko


Avec L'île sous la mer, j'ai pu apprécier les qualités de conteuse d'Isabel Allende. Dès les premières pages, le récit de l'esclave Zarité m'a emportée des plantations françaises de Saint-Domingue - la future Haïti indépendante - à La Nouvelle Orléans. Voyage dans l'espace et remontée dans le temps puisque le premier chapitre débute en l'an 1770.

L'histoire en minuscule se mêle à celle en majuscule, ses personnages assistant ou participant aux bouleversements de l'époque. Isabel Allende reconstitue parfaitement le contexte historique, sans pour autant transformer son roman en un essai magistral sur la période. Elle parvient à mêler les deux avec une grande fluidité. Elle permet ainsi au lecteur d'apprendre une foule de choses tout en suivant Zarité, Valmorain, Gambo et tous les autres. J'ai de cette façon découvert les grandes révoltes qui soulèvement pendant des années Saint-Domingue jusqu'à ce que la partie française devienne indépendante et prenne le nom de Haïti, nom originel de l'île avant que les Espagnols n'arrivent et déciment totalement les Arawaks, tribu indienne autochtone.

Toutes les parties concernant le vaudou et ses rites m'ont également passionnée. On est loin ici de l'utilisation horrifique qu'on fait trop souvent de cette religion. Si je me réfère à un site que j'ai consulté en parallèle, le roman d'Isabel Allende est l'un de ceux qui expliquent et mettent en scène ce culte avec le plus de précision et de sérieux. Je ne dirais pas que loas et rites n'ont plus de secrets après cette lecture - ce n'est pas plus un essai ethnologique qu'historique - mais ça donne un aperçu général.

Autre point sur lequel on apprend beaucoup, il s'agit de l'esclavage. le récit se déroule principalement dans des plantations de canne à sucre. le travail est si dur et le traitement des esclaves si déplorable que les maîtres sont au regret de devoir renouveler leur "cheptel" régulièrement. Des bateaux spécialisés dans la traite négrière accordent sans cesse pour apporter de nouvelles forces de travail. L'auteur dresse un portrait très complet de ce système aberrant. On voit les souffrances endurées, l'humiliation d'être considéré comme une marchandise, de se retrouver sous la férule d'un maître qui peut disposer comme il l'entend de sa propriété. Nombre se scènes sont atroces et m'ont fait bondir de colère face aux théories mises en avant pour justifier l'asservissement des peuples africains, les arguments passant du naturalisme à la Bible.
En ce sens, ce livre m'a fait penser aux divers ouvrages d'Alex Haley, notamment Racines ou Queen. Et bien d'autres. A chaque fois je me sens consternée et affligée devant l'horreur de ce système.

Isabel Allende signe avec L'île sous la mer un roman marquant et fort, à la fois dramatique et plein de vie. Les personnages sont nombreux et tous travaillés en profondeur. On est loin d'un manichéisme primaire "méchants Blancs / gentils Noirs". Les individus mis en scène reflètent, je pense, le panel de nuances de toute société. L'auteur réussit à nous attacher à eux et j'ai refermé les pages sur Zarité, Violette, Tante Rose, le docteur Parmentier et bien d'autres, avec regret. Ses personnages sont majoritairement féminins et font pour la plupart preuve d'une force extraordinaire dans une société où le sang et la couleur de la peau suivent une hiérarchie stricte entre Grands Blancs, Petits Blancs, quarterons, Noirs, affranchis, etc.

En conclusion, ce livre m'a émue, m'a révoltée, m'a instruite et m'a apporté un formidable moment de lecture. J'en ressors sonnée mais aussi ravie. J'ai hâte de lire d'autres textes de cette conteuse hors pair.
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