Citations sur Barrière mentale et autres intelligences (10)
Les gens de l'Institut, se connaissant tous, édifiaient, inconsciemment, un nouveau mode de communication, système subtil où chaque geste faisait sens, et c'était l'acuité cérébrale de l'auditeur qui permettait à celui-ci, sans effort conscient, de remplir les vides et de capter l'ensemble de la pensée de l'autre. C'était presque trop efficace, car on finissait par livrer ce qu'on avait de plus intime. L'homme du futur irait l'âme aussi nue que le corps.
("Barrière mentale")
L'histoire de l'humanité, dans un certains sens, représentait une lutte incessante entre l'instinct et l'intelligence, le rythme involontaire de l'organisme et les concepts créés par la conscience.
("Barrière mentale")
- Mais si les gens sont plus intelligents, objecta Sheila, ils sauront bien éviter...
- Justement non, dit Mandelbaum en secouant la tête. Le fond de la personnalité ne change pas. Et les gens intelligents ont toujours pratiqué, de temps à autre, la stupidité ou la méchanceté, comme tout un chacun. Un homme peut être un brillant savant, mais ça ne l'empêchera pas, entre autres, de négliger sa santé, de conduire avec imprudence ou de fréquenter les voyantes.
- Ou de voter Démocrate, ajouta Lewis avec un grand sourire. Tu as raison, Félix. Il se peut qu'une intelligence accrue doive affecter l'ensemble de la personnalité, mais jusqu'ici nul n'a pu se débarrasser de ses faiblesses, ses ignorances, ses préjugés, ses œillères ou ses ambitions. Chacun possède seulement davantage de force, d'énergie physique et d'intelligence pour précisément donner libre cours à ses défauts et à ses tares. C'est une des raisons pour lesquelles notre civilisation se fragmente.
Corinth, qui regardait par une baie, se laissa gagner par le désarroi. Le cosmos était trop vaste. À l'avenir, aussi vite que les hommes le traverseraient, aussi loin qu'ils pousseraient leur exploration, aussi fort qu'ils s'échineraient, leurs exploits ne constitueraient qu'un feu de paille dans un coin oublié du grand silence.
Prenons l'homme moyen, travaillant dans un bureau ou une usine, conditionné par un ensemble de réflexes verbaux, son avenir à une errance au jour le jour, dont les aspirations consistent à se remplir l'estomac et à se laisser abrutir par la télévision, dont les l’ambitions se réduisent à posséder des voitures toujours plus volumineuses, des objets en matière plastique toujours plus perfectionnés, et tout ce qui compose le fameux mode de vie américain. Même avant le changement une sorte de vacuité existait dans le monde occidentale, comme si on se rendait compte, inconsciemment, qu'il devait y avoir, dans la vie, autre chose qu'une existence éphémère – et comme si cet idéal avait attendu en vain
C’est triste de constater à quel point l’intelligence et la raison ne vont pas de pair.
Une branche qu'il n'avait pas vue lui cingla le visage. L'espace d'une seconde, la panique l'envahit. Est-ce que les arbres s'y mettaient aussi? Est-ce que le monde entier se révoltait?
Soudain, il sut exactement ce qui allait se produire, ce qu'il aurait à lui dire et comment elle répondrait — il pouvait le prévoir presque jusqu'au moindre mot, et la futilité de la chose pesait comme une chape de plomb sur son esprit. Pourtant il serait obligé d'en passer par là ; chaque syllabe déchirante devait être prononcée.
(Dans la nouvelle Terrien, prends garde publié dans le même ouvrage)
Quand sa mère l’appela pour le petit-déjeuner, il était sur le point d’inventer pour son propre compte le calcul différenciel.
Le soleil se couchait lorsque le piège s'était refermé sur le lapin. L'animal s'était débattu en se jetant contre les parois, jusqu'à ce que la peur et l'engourdissement eussent triomphé de ses forces. Alors il était resté accroupi, le corps secoué par les battements de son coeur. Aucun autre mouvement ne l'agitait, tandis que tombait la nuit et que les étoiles se levaient. Mais quand la lune monta dans le ciel, sa lumière froide se refléta dans ses grands yeux et, par-delà les ombres, il regarda vers la forêt.