AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le roman inachevé (121)

EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT


Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays.

Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits
Que faut-il faire de mes jours
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit.

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Dans le quartier Hohenzollern
Entre La Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola.

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent.

Elle était brune elle était blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu.

Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent.
Commenter  J’apprécie          532
Que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.
Commenter  J’apprécie          451
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.



Strophes pour se souvenir (Le Roman Inachevé)


"72 ans après la disparition des membres du groupe Manouchian, il est plus que jamais essentiel de garder vivante leur mémoire. A travers leur courage, leur humanisme, leur espoir sans faille en un avenir meilleur ou encore leur lutte contre la haine et le fascisme, ils ont œuvré pour la paix. Arméniens, espagnols, italiens, roumains, hongrois, polonais ou encore français, ces hommes et ces femmes ont su unir leur force au service l’émancipation humaine. Combattants de la liberté et de la fraternité, ils incarneront à jamais le visage de la Résistance."

Commenter  J’apprécie          403
Il n'aurait fallu
Qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne

Qui donc a rendu
Leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines
Sa réalité
A l'immense été
Des choses humaines

Moi qui frémissais
Toujours je ne sais
De quelle colère
Deux bras ont suffi
Pour faire à ma vie
Un grand collier d'air

Rien qu'un mouvement
Ce geste en dormant
Léger qui me frôle
Un souffle posé
Moins une rosée
Contre mon épaule

Un front qui s'appuie
A moi dans la nuit
Deux grands yeux ouverts
Et tout m'a semblé
Comme un champ de blé
Dans cet univers

Un tendre jardin
Dans l'herbe où soudain
La verveine pousse
Et mon cœur défunt
Renaît au parfum
Qui fait l'ombre douce

Il n'aurait fallu
Qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne
Commenter  J’apprécie          390
J'ai pris la main d'une éphémère
Qui m'a suivi dans ma maison
Elle avait des yeux d'outremer
Elle en montrait la déraison.
Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon,
J'aimais déjà les étrangères
Quand j'étais un petit enfant !

L'étrangère, extrait
Commenter  J’apprécie          360
Je te supplie amour au nom de nous ensemble
De ma suppliciante et folle jalousie
Ne t’en va pas trop loin sur la pente choisie
Je suis auprès de toi comme un saule qui tremble
J’ai peur éperdument du sommeil de tes yeux
Je me ronge le cœur de ce cœur que j’écoute
Amour arrête-toi dans ton rêve et ta route
Rends-moi ta conscience et mon mal merveilleux
Commenter  J’apprécie          360
Je traîne après moi trop d'échecs et de mécomptes
J'ai la méchanceté d'un homme qui se noie
Toute l'amertume de la mer me remonte
Il me faut me prouver toujours je ne sais quoi
Et tant pis qui j'écrase et tant pis qui je broie
Il me faut prendre ma revanche sur la honte

Ne puis je donner de la douleur Tourmenter
N'ai je pas à mon tour le droit d'être féroce
N'ai je pas à mon tour droit à la cruauté
Ah faire un mal pareil aux brisures de l'os
Ne puis je avoir sur autrui ce pouvoir atroce
N'ai je pas assez souffert assez sangloté

Je suis le prisonnier des choses interdites
Le fait qu'elles le soient me jette à leurs marais
Toute ma liberté quand je vois ses limites
Tient à ce pas de plus qui la démontrerait
Et c'est comme à la guerre il faut que je sois prêt
D'aller où le défi de l'ennemi m'invite

Toute idée a besoin pour moi d'un contrepied
Je ne puis supporter les vérités admises
Je remets l'évidence elle même en chantier
Je refuse midi quand il sonne à l'église
Et si j'entends en lui des paroles apprises
Je déchire mon coeur de mes mains sans pitié

Je ne sais plus dormir lorsque les autres dorment
Et tout ce que je pense est dans mon insomnie
Une ombre gigantesque au mur où se déforme
Le monde tel qu'il est que follement je nie
Mes rêves éveillés semblent des Saint Denis
Qui la tête à la main marchent contre la norme

Inexorablement je porte mon passé
Ce que je fus demeure à jamais mon partage
C'est comme si les mots pensés ou prononcés
Exerçaient pour toujours un pouvoir de chantage
Qui leur donne sur moi ce terrible avantage
Que je ne puisse pas de la main les chasser

Cette cage des mots il faudra que j'en sorte
Et j'ai le coeur en sang d'en chercher la sortie
Ce monde blanc et noir où donc en est la porte
Je brûle à ses barreaux mes doigts comme aux orties
Je bats avec mes poings ces murs qui m'ont menti
Des mots des mots autour de ma jeunesse morte

Commenter  J’apprécie          350
Un amour qui commence est le pays d'au-delà le miroir

Par-delà les vagues frondaisons de Watteau
Veux-tu bien
Nous perdre au coeur du paysage
Commenter  J’apprécie          325
Enfance Un beau soir vous avez poussé la porte du jardin
Du seuil voici que vous suivez le paraphe noir des arondes
Vous sentez dans vos bras tout à coup la dimension du monde
Et votre propre force et que tout est possible soudain

Tu ne te reconnais guère au petit matin dans les miroirs
Avant que la vie ait repris descends dans la fraîcheur des rues
Il n'y a plus qu'un peu de brume où tremble un passé disparu
Un vent léger a mis en fuite le dernier journal du soir

Petite clarté saute saute
Dans les yeux des jeunes gens
La marée est toujours haute
Toujours le péril urgent
Commenter  J’apprécie          302
L'histoire entre nos doigts file à telle vitesse
Que devant ce qui fut demain dira Qu'était-ce
Oublieux des refrains où notre coeur s'est plu
Comment s'habituer à ce qui nous dépasse
Nous avons appelé notre cage l'espace
Mais déjà ses barreaux ne nous contiennent plus
Commenter  J’apprécie          260






    Lecteurs (1415) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Aragon (difficulté moyenne)

    Aragon a été journaliste dans un de ces journaux. Lequel ?

    Minute
    Le Figaro
    Libération
    L'Humanité

    10 questions
    143 lecteurs ont répondu
    Thème : Louis AragonCréer un quiz sur ce livre

    {* *}