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Critique de SerialLecteurNyctalope



Tout débute par la quête d'une vérité : celle de découvrir ce qu'est un mamzer, un bâtard. Une fois qu'il a découvert que son père Joseph n'était pas son père de chair, Jésus de Nazareth va avoir de cesse de se battre contre l'exclusion. Qu'elle concerne les prostituées, les esclaves, les femmes, les estropiés. Il va surtout s'ériger contre les Lois de la Torah pour qu'elles soient interprétées de manière différente. En revisitant la figure religieuse la plus connue, entre l'an 5 et la mort du Christ, Metin Arditi arbore sa plus belle tenue de subtilité pour combler les zones d'ombre. Prenant appui sur les travaux de Daniel Marguerat qui avait écrit en 2019 « Vie et destin de Jésus de nazareth » et de Francois Dermange également professeur de théologie à Genève, Jésus devient le fruit d'un viol. Pantera, soldat roman viendra abuser de Marie après l'avoir fait boire plus que de raison.

« Il faut retrouver l'Esprit de nos Lois, plutôt que s'accrocher au sens étroit et vinaigré des mots (…) N'as-tu pas compris que l'Esprit doit être supérieur à la matière? »

Le bâtard de Nazareth prend la forme d'un conte ou d'une uchronie selon l'angle que vous adopterez. À chaque chapitre et à chaque ellipse on imagine, on suggère, on pense, on suppute de l'avenir de cet homme. Car il s'agit là d'un roman humanisant Jésus à travers ses actions et les causes qu'il défend. Lui, le charpentier au Père si noble et saint en la personne de Joseph, mais aussi à la mère en apparence simple d'esprit, gouvernée par la pudeur à l'égard de son mari. La galerie de personnages qui s'offre à nous, enrichit l'imaginaire collectif. On voit pertinemment les intentions de Judas et l'amitié qui se nouera entre eux, on aperçoit l'élément déclencheur qui apparaît avec Jean le Baptiseur puis on croise tout au long du roman Samuel, celui par qui tout a débuté. C'est bien ce dernier qui a affublé en premier lieu Jésus de bâtard.

« Je crois bien que chez moi, l'attachement l'emporte sur la rage, et chez toi, c'est le contraire. Je veux réformer, et tu veux révolutionner. »

Est-ce que j'y ai cru ? Totalement. Metin Arditi et son personnage m'ont convaincu qu'il pourrait s'agir de la réalité des faits. Nulle place au mystique ou à la magie des artifices bibliques, l'exclusion dont il a fait l'objet, enfant, a ressurgi sur son envie de la combattre quoiqu'il en coûte. J'ai pensé à cette marche des Afro américains, mais aussi aux personnes ayant subi l'apartheid ou bien du conflit israélo palestinien que l'auteur cherche à résoudre de manière personnelle à travers l'art et l'écriture. Avec un sens aiguisé de la joute verbale, d'une rhétorique qui pourrait convaincre les plus butés, nous assistons aux débat entre Jésus et le grand Caiphe. En s'interrogeant comme Voltaire sur certaines pratiques et en remettant en cause les lois les plus évidentes pour l'époque, l'écrivain emporte son lecteur dans une sorte d'aventure que l'on connaît par avance sans en connaître le sel.

« L'imagination des hommes est sans limite lors.
qu'il s'agit de trouver un coupable. »

Roman sur l'amour de son prochain, de ses parents, de la religion mesurée et des faibles, il arrive à saisir les trous d'une Histoire si lointaine et pourtant si prégnante encore 21 siècles plus tard. À la fois instructif et construit comme un compte à rebours dont on connaît l'issue mais sans en connaître les rouages, vous ne le lâcherez pas. Certains passages sur le rôle de la circoncision quant à l'appartenance au peuple juif mais aussi et surtout quant à la place de la femme dans la société, font de Jésus le premier féministe connu. Sans jamais vouloir évangéliser son prochain, il s'agit d'un Jésus modéré. Un Jésus qui trahira néanmoins la promesse faite à son père tant l'exclusion qu'il a subi dans sa chair, mais surtout celle que l'on a injustement attribuée à sa mère, fut douloureuse.

« Et là, je te le dis, les sourds et les boiteux, les estropiés et les prostituées nous rappelleront notre condition humaine. Ce sera grâce à eux que nous éviterons de nous perdre. Ne Toublie pas, Grand-rabbin : Dieu fait lever le soleil sur les forts comme sur les faibles, sur les méchants comme sur les bons. »

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