Citations sur Les Origines du totalitarisme, suivi de Eichmann à Jérusa.. (21)
La principale caractéristique de l’homme de masse n’est pas la brutalité ou le retard mental, mais l’isolement et le manque de rapports sociaux normaux.
C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal.
L'égalité, à la différence de tout ce qui est impliqué dans l'existence pure et simple, n'est pas quelque chose qui nous est donné mais l'aboutissement de l'organisation humaine, dans la mesure où elle est guidée par le principe de justice.
Nous ne naissons pas égaux; nous devenons égaux en tant que membre d'un groupe, en vertu de notre décision de nous garantir mutuellement des droits égaux.
Ce que les masses refusent de reconnaître, c'est le caractère fortuit dans lequel baigne la réalité. Elles sont prédisposées à toutes les idéologies parce que celles-ci expliquent les faits comme étant de simples exemples de lois et éliminent les coïncidences en inventant un pouvoir suprême et universel qui est censé être à l'origine de tous les accidents. La propagande totalitaire fleurit dans cette fuite de la réalité vers la fiction, de la coïncidence vers la cohérence.
- Les Juifs sont à l’origine de la guerre.
- Oui, les Juifs et les cyclistes.
- Pourquoi les cyclistes ?
- Pourquoi les Juifs ?
Les nazis entreprennent la liquidation du ghetto de Varsovie : des dizaines de milliers de personnes sont déportées à Treblinka pour y être gazées. Le Conseil juif, présidé par Adam Czerniakow, est contraint de rendre public l'ordre allemand par voie d'affiches. Refusant de cautionner la déportation, notamment celle des enfants, Czerniakow se suicide : "On exige de moi de tuer de mes propres mains les enfants de mon peuple. Il ne me reste que la mort", écrit-il. L'un des chefs de la résistance armée dans le ghetto, Marek Edelmann, condamnera son attitude : "Il savait parfaitement que la prétendue déportation à l'est signifiait la mort de centaines de milliers de Juifs dans les chambres à gaz et il ne voulait pas en être responsable. N'ayant pas le pouvoir de s'y opposer, il préféra disparaître. Nous avons pensé qu'il n'avait pas le droit de faire ça, que son devoir, en tant qu'unique personnalité jouissant d'une autorité dans le ghetto, était d'avertir toute la population juive de la réalité et dissoudre toutes les institutions, surtout la police juive qui dépendait officiellement du Conseil juif, et avait été fondée par celui-ci" (Le ghetto lutte, édition du comité central du Bund, 1945)
Le danger d'échanger la nécessaire insécurité, où se tient la pensée philosophique, pour l'explication totale où se trouve une idéologie et sa vision du monde, n'est pas tant le risque de se laisser prendre à quelque postulat généralement vulgaire et toujours précritique, que d'échanger la liberté inhérente à la faculté humaine de penser pour la camisole de la logique, avec laquelle l'homme peut se contraindre lui-même presque aussi violemment qu'il est contraint par une force extérieure à lui.
Le but de l'éducation totalitaire n'a jamais été d'inculquer des convictions mais de détruire la faculté d'en former aucune.
Toute neutralité, toute amitié même, dés lors qu'elle est spontanément offerte, est, du point de vue de la domination totalitaire, aussi dangereuse que l'hostilité déclarée : car la spontanéité en tant que telle, avec son caractère difficile à apprécier, est précisément le plus grand de tous les obstacles à l'exercice d'une domination totale sur l'homme.
Rien peut-être ne distingue plus radicalement les masses modernes de celles des siècles passés que la perte de la foi en un Jugement dernier : les pires ont perdu leur peur, les meilleurs leur espoir.