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Critique de kielosa


Je me demande sérieusement qui des deux dames Rahel Varnhagen (1771-1833), le sujet de l'ouvrage, ou Hannah Arendt (1906-1975) son auteur, mérite le plus notre admiration ? Personnellement, je penche pour la dernière, mais j'avoue que c'est un parti pris basé sur la lecture de plusieurs de ses ouvrages. À commencer par son fort contesté , mais, à mon avis singulièrement impressionnant, 'Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal' de 1963. Mais comme l'a remarquablement caractérisée Barbara Sukowa - l'auteur de 'Hannah Arendt elle-même' -- "Celle qui voulait penser sans garde-fou" . Un esprit extrêmement indépendant ne peut faire l'unanimité, si je peux me permettre une lapalissade.

Rassurez-vous cela témoignerait d'un goût douteux que de vouloir comparer ces 2 grandes dames, l'amie du géant Goethe et la confidente de l'éminent philosophe allemand Martin Heidegger (1899-1976). Après tout Babelio n'est pas 'Ici Paris'. En plus, Hannah ne serait pas très contente de cet exercice de style, puisqu'elle chérissait Rahel Varnhagen comme sa "meilleure amie", bien qu'elle était morte depuis plus d'un siècle, lorsqu'elle en publiait sa biographie en 1958.

Mais qui était en fait cette Rahel Varnhagen ?

Rahel Varnhagen, née Levin dans une famille de riches commerçants juifs, avait, toute jeune, la bougeotte (peut-être pour échapper à un père despotique). Ainsi, elle a voyagé à Hambourg, Francfort, Dresde, Prague et...Paris. Et cela à une époque où les voyages n'étaient pas commodes comme à présent, surtout avec les guerres napoléoniennes. Fascinée par la littérature pratiquement depuis son berceau, elle s'entoure déjà comme adolescente des gens de lettres. À l'âge de 24 ans, elle rencontre pour la première foi le monument ambulant, Goethe. Dix ans après, elle épouse le diplomate et écrivain Karl August Varnhagen von Ense et se convertit au catholicisme. Elle était persuadée que son origine juive lui "empoisonnait l'existence".

Bizarrement, elle n'a jamais publié une oeuvre littéraire elle-même. Bien que ses qualités littéraires étaient exceptionnelles comme il ressort de ses nombreux articles pour des journeaux et hebdomadaires spécialisés et de sa montagne de lettres. de ses plus de 10.000 lettres, son mari, après sa mort, a publié un recueil, qui a été réédité et annoté, mais n'existe malheureusement qu'en allemand.
Rahel Varnhagen a réussi à vivre sa vie au centre de la littérature et son salon était fréquenté par tous ceux qui avait nom et notoriété, tels Heinrich Heine, les von Humholdt Alexander et Wilhelm, Friedrich Schlegel etc.
Morte relativement jeune à l'âge de 62 ans, un astéroïde fût baptisé Varnhagen en son honneur.

Qu' Hannah Arendt l'ait prise comme rôle-modèle n'a rien de surprenant si l'on considère, qu'à peine 15 ans, Johanna (son nom de baptême ) se specialisait dans la philosophie de Karl Jaspers et Søren Kierkegaard, pas exactement de la 'chick-lit' ! Toujours fidèle à son modèle, à 19 ans, elle rencontre le grand philosophe Martin Heidegger et c'est le double coup de foudre : et pour son oeuvre et pour l'homme. Des sentiments qui lui sont restés toute sa vie. Elle témoignera en sa faveur lors de son procès de dénazification.

L'arrivée d'Hitler signifie pour elle son départ...pour Paris, où elle devient la secrétaire de la baronne de Rothschild, jusqu'à son internement au camp de Gurs, dans les Pyrénées, après l'avènement de Pétain au pouvoir. Profitant d'un moment de confusion, elle réussit à s'échapper et fuir à Marseille, où, grâce à Varian Fry et le diplomate américain Hiram Bingham IV (voir à ce propos ma critique de l'autobiographie de Fry du 05/06), elle peut se rendre aux États-Unis en passant par Lisbonne.

En Amérique, avec sa grande intelligence et érudition, elle se fait rapidement une réputation qui va devenir mondiale. Un peu comme la conscience des hommes de son époque. Pour nous, plus que ses mariages et prises de positions, se sont, en effet, ses écrits qui sont importants. Tout d'abord, il convient de mentionner son oeuvre magistrale en trois tomes : 'Les origines du totalitarisme ', son 'L'humaine condition' et 'La Crise de la culture'. Des ouvrages fort solides, mais évidemment pas faciles. Devenue américaine elle a été professeur à plusieurs universités, tout en faisant des conférences un peu partout et de continuer à écrire fébrilement jusqu'à sa mort en 1975.

J'ai feuilleté et lu des lettres de Rahel Varnhagen, mais, honnêtement je ne les recommenderais pas ici. Non pas à cause de son style, mais tout simplement parce que ses correspondants appartiennent à une autre ère et nous sont peu familiers.
Ce qui est un peu 'embêtant' avec Hannah Arendt, c'est que je lui dois pratiquement toujours donner raison ! Même si le célèbre historien britannique, Ian Kershaw, lui reproche sa 'methode' ? Il est vrai que comme philosophe elle ose aller plus loin que lui.
Si vous n'avez rien lu d'elle, je vous conseille de commencer par son livre profond mais tout à fait accessible : 'Men in Dark Times' , publié par Gallimard sous le titre malencontreux et vague de 'Vies politiques' et disponible en édition de poche.




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