Quand nos regards se croisèrent, je sentis mon cœur se réveiller. Ses yeux étaient d’un bleu intense et magnétique, le bleu du ciel avant que la journée se termine et que la nuit reprenne ses droits. La couleur du crépuscule. Un soulagement intense se lisait dans son regard ainsi que de la méfiance que je ne comprenais pas.
Les albums étaient bien sur mon bureau, mais je ne les touchai pas. Je n’étais pas encore prête à me plonger dans des souvenirs qui, pour moi, n’existaient pas. Il y avait un Mac à côté d’autres appareils plus petits, dont un iPod. Un écran plat était accroché au-dessus du bureau. Je supposai que la télécommande posée à côté le contrôlait.
Personne ne pouvait prétendre être les parents d’une fille de dix-sept ans sans montrer de preuve. Oui, parce que j’avais dix-sept ans. Je l’avais découvert en jetant un œil à la fiche accrochée à mon lit le matin même.
Je me rappelais forcément quelque chose. Je savais que j’avais lu Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Sans doute pour les cours, mais je ne revoyais ni l’école ni le professeur. Je ne savais même pas en quelle classe j’étais. C’était affreux, comme sensation.
J’avais oublié mon nom. Pas ma phobie des hôpitaux. C’étaient des lieux froids et stériles qui empestaient le désinfectant et le désespoir. L’agent Rhode me laissa entre les mains de médecins qui me firent subir une batterie d’examens. On inspecta mes pupilles, on me fit quelques radios, puis on me prit du sang. Les infirmières bandèrent le côté de ma tête et nettoyèrent mes nombreuses plaies. Enfin, je me retrouvai dans une chambre individuelle, branchée à une intraveineuse remplie de liquides « qui m’aideraient à me remettre sur pied » et on me laissa seule.
Je tentai de nouveau de me rappeler, de me concentrer, mais seul le vide semblait emplir l’espace entre mes deux oreilles. Et je savais que ce n’était pas rassurant. Les larmes me montèrent aux yeux.