AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ValentinMo


Dans le flot de la rentrée littéraire 2022, il y a eu bien évidemment les têtes d'affiche comme Michel Houellebecq, Pierre Lemaitre, Nicolas Mathieu, Virginie Despentes, Eric Vuillard, Haruki Murakami, Emmanuel Carrère, Jón Kalman Stefansson... mais il y a eu aussi les auteurs plus discrets qui auraient pourtant mérité une reconnaissance du plus grand nombre. C'est indéniablement le cas de ce magnifique texte de Daniel Arsand, « Moi qui ai souri le premier » qui est passé un peu inaperçu en librairie.

Avec « Moi qui ai souri le premier », Daniel Arsand renoue avec le récit autobiographique. Il y raconte trois épisodes de sa jeunesse, trois rencontres qu'il avait imaginées belles et qui vont s'avérer être des fiascos amoureux, qui vont certes forger durablement l'identité du cinquantenaire qu'il est devenu, mais qui sont aussi des tâches traumatiques dans sa vie.

Elles sont même allées jusqu'à influencer définitivement sa vision de l'amour : si aujourd'hui il considère l'amour comme un simple supplément agréable à sa vie, s'en méfiant et le traitant comme une chose peu importante, c'est à cause de ces trois garçons qui l'ont déçu à l'heure où se forgeait son apprentissage sexuel. Un viol alors qu'il voulait une "première fois" romantique ; un abandon alors que ses sentiments étaient à la confiance ; un passage à tabac alors qu'il semblait avoir trouvé un partenaire sexuel viable : trois échecs amoureux se terminant dans la violence, trois façons de voir les relations amoureuses chez un jeune homme déjà en butte avec son identité homosexuelle encore mal assumée, en pleine construction de lui-même. Autant dire que ce récit n'est pas parmi les plus gais qui soient…

Daniel Arsand livre trois faits marquants et traumatisants survenus pendant son adolescence. Il les explore, les analyse dans un style froid avec une économie de mots, en choisissant l'angle littéraire plutôt que le sensationnalisme.

S'il restitue avec une grande précision le contexte sensoriel en décrivant les ambiances, les odeurs, les couleurs et les sons, on peine pourtant à cerner la personnalité de l'auteur-narrateur, qui restera une énigme une fois le livre refermé.

La brièveté du récit (79 pages), qui va droit au but, et ce style d'écriture clinique n'interdisent absolument pas à la prose d'être hyper maîtrisée, calme et ample : il y a les trois épisodes traumatiques, il y a l'avant (très belles pages sur la découverte du monde extérieur, de "l'Autre"), il y a l'après (passages cruels sur l'homme qu'il est devenu, méfiant et détaché), et toutes ces parties ont leur beauté, leur intelligence, leur façon d'envisager le monde et la littérature comme introspection.

C'est évidemment un récit hautement personnel car l'auteur analyse avec le lecteur ses premiers expériences amoureuses marquées par l'abus, l'abandon et l'humiliation, mais c'est tout de même universel car chacun s'y retrouvera à un moment ou un autre. Nos propres souvenirs d'adolescent et de jeune adulte ressurgissent avec cette lecture.

Un texte très personnel et abouti, servi par un style qui oscille entre une écriture tantôt crue, tantôt poétique ou bien froide et détachée. Chacun y trouvera des échos à son histoire personnelle, sans pour autant forcément réussir à s'identifier ou s'attacher au narrateur.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}