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Critique de HordeDuContrevent


Par l'Espace et par Seldon, quelle épopée ! Isaac Asimov est ahurissant et surtout d'une intelligence folle ! Les mots qui me viennent à l'esprit sont les termes de roublardise, de finesse et, oui d'intelligence c'est bien le maitre mot.

Notons que ce roman est en fait la juxtaposition de plusieurs nouvelles : Les psychohistoriens (ma préférée) écrite en dernier en 1951, Les Encyclopédistes et Les Maires écrites en 1942, Les Marchands et Les Princes Marchands en 1944. le tout est unifié pour former un roman en 1951. C'est sans doute la raison pour laquelle on trouve des résumés énoncés par les personnages dans chaque nouvelle, ce qui n'a pas été pour me déplaire tant le scénario est subtil. Cela explique aussi pourquoi certains personnages arrivent puis ne réapparaissent plus (alors qu'on s'est attaché à eux). En tout cas je comprends mieux pourquoi la première nouvelle (écrite en fait en dernier) m'a happée à ce point tant elle est bien écrite, plus aboutie.

Nous sommes au 13ème Millénaire. La Terre est devenue inhabitable depuis très longtemps et les hommes ne savent même plus où elle est située. La Galaxie comporte alors près de vingt-cinq millions de mondes habités. Et pas une seule de ces planètes n'échappe à l'autorité de l'Empire dont le siège se trouvait alors sur Trantor. Les voyages entre ces mondes se font en saut dans l'hyperespace :

« Puisqu'il était impossible de se déplacer dans l'espace ordinaire à une vitesse supérieure à celle de la lumière ordinaire (c'était là un de ces principes scientifiques vieux comme le monde dont l'origine se perdait dans la nuit des temps), rallier un système habité — fût-ce le plus proche — eût demandé plusieurs années d'effort. En empruntant l'hyperespace — cette inconcevable dimension qui n'était ni espace ni temps, ni matière ni énergie, et qui existait sans exister vraiment —, il était par contre possible de parcourir la Galaxie d'un bout à l'autre en une fraction de seconde à peine ».

Hari Seldon est maître dans l'art de la psychohistoire, science qui arrive à prédire l'avenir en se basant sur les mathématiques et les probabilités. Celui-ci prévoit la destruction de l'Empire dans trois siècles. Cette chute sera suivie de 30 000 ans de barbarie avant la naissance d'un autre Empire. Pour réduire cette barbarie à 1000 ans, Seldon veut créer une Fondation. Avant même que cet Empire galactique ait en effet commencé à mourir (il avait vu juste notre mathématicien), avant la barbarie et la régression, Hari Seldon et son équipe de psychologues ont réussi à installer une colonie, la Fondation donc, sur une planète éloignée, Terminus, située aux confins de la spirale galactique, seule et unique planète d'un soleil isolé, sans grandes ressources naturelles et dépourvue de véritables possibilités économiques. Son objectif est que les scientifiques puissent préserver l'art, la science et la technique de la civilisation moribonde dans une vaste entreprise d'Encyclopédie, et puissent former le noyau du second Empire.

L'avenir de cette Fondation a été déterminé suivant les équations de la psychohistoire qui était alors à son apogée. Oui, la psychohistoire va guider la Fondation au fur et à mesure des siècles, l'âme et le souffle de Seldon toujours présents. Ont alors été créées les circonstances susceptibles de provoquer une série de crises qui pousseront les hommes plus vite sur la route du nouvel Empire. Chaque crise, chaque « crise Seldon » comme la Fondation l'appelle, marque le début d'une nouvelle ère de l'histoire. de façon récurrente, grâce à l'intelligence et à la ruse de Salvor Haldin, le maire de Terminus, et d'autres personnages talentueux, chaque crise sera résolue sans recourir à la violence mais avec beaucoup d'habilité. « La violence est le dernier refuge de l'incompétence ».

Ce livre aborde avec intelligence le thème de la sauvegarde de l'humanité dans un horizon lointain alors que nos vies humaines sont bien plus courtes. le thème de la chute possible des civilisations. N'est-ce pas prodigieusement d'actualité ? A l'aune de la crise écologique…et du contexte politique de notre pays aussi. Comment espérer et agir quand on sait que l'avenir a peu à nous apporter ? Cela ne conduit-il pas à la nostalgie, à songer avec envie à la vie que menaient nos grands-parents ? A des idées et des propos réactionnaires ? A vivre dans le culte du passé ? La population ne va-t-elle pas estimer que seul compte ce dont chacun peut profiter dans l'instant présent ? « Les ambitieux ne voudront plus attendre, et pas davantage les gens sans scrupule. La moindre de leur action contribuera à précipiter le déclin des mondes habités ». La nécessité d'une vision de long terme qui dépasse nos vies terrestres sur la base d'un projet innovant et humaniste est alors indispensable et contre l'entropie propre à tout système. C'est que propose Seldon sur cette toute petite planète. La résolution de chaque crise se fera indirectement via sa voix, via son âme et cela aussi est quelque chose d'original et de fédérateur.

D'actualité aussi l'accaparement des ressources naturelles et de l'énergie entre ces mondes, la puissance qu'elles permettent, la domination qu'elles promettent, les interdépendances qu'elles engendrent. le fait de posséder une énergie (le nucléaire pour Terminus), avantage contrebalancée par le fait de manquer totalement de métaux.

Cette psychohistoire est très intéressante. Rappelons que ce livre a été écrit en 1951 et que la mise en équation dans des ordinateurs afin d'établir des scénarios prédictifs n'existait alors pas vraiment. Cette notion met en valeur également les tendances invariables de l'Histoire au détriment des actions individuelles. Comme si tout était inéluctable. Écrit. J'ai même été sur ma faim et attendais peut-être un peu trop d'elle. La faute au tout début où les projecteurs sont braqués sur ce concept, ce qui m'a réjoui tant je trouvais l'idée croustillante et brillante. Elle est bien présente par la suite mais moins que les intrigues politiques et religieuses. J'espère vraiment retrouver ce concept excellent dans les prochains tomes !

J'ai adoré la façon dont chaque crise est résolue. Nous arrivons à chaque fois à une solution complètement différente de ce que nous, lecteurs, croyons voir arriver. J'ai été complètement surprise et prise au dépourvu au point parfois de me faire des noeuds au cerveau. Isaac Asimov joue avec la psychologie et les nerfs de ses lecteurs…Une vraie anguille ! C'est là où est contenue avec le plus d'intensité l'intelligence dont je fais allusion au début de cette critique. Chaque résolution de crise amenant la Fondation a de plus en plus de pouvoir. Mais, prenons garde, l'Empire n'est en réalité pas mort. Certes diminué, mais il est toujours là…vraiment hâte de lire la suite…


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