Un premier roman ? Et bien, pour moi une réussite car il m'a pris aux tripes et je n'ai pas lâché Sarah de tout le livre.
Nous sommes à Casablanca en 1990. La France reste encore l'Eldorado possible. le Maroc tente de s'en sortir mais le clivage pauvre et riche est marqué au fer rouge. Il n'y a pas vraiment de description dans ce roman, mais à travers Sarah, le bidonville où elle vit avec sa mère, on y est. Les odeurs, la pollution, la saleté, ces bouteilles plastiques qui encombrent un sable sale et grossier, mais aussi le soleil, les allées immaculées des quartiers chics, la drogue qui circule si facilement. Alors Sarah est française, a vécu à Cannes son enfance mais sa mère s'est fait promettre une autre vie au Maroc mais s'est faite escroquée et c'est en prostituant son corps lourd qu'elle arrive à vaguement les faire vivre. Alors Sarah, si belle, 16 ans, n'a pas froid aux yeux et son corps à elle, si beau, elle est prête à le donner pour des paninis ou des milk shake, sans pour cela renoncer à sa fièreté et c'est ce qui la rend si forte, si émouvante et fragile. Elle réussit à fréquenter les riches de Casa parce qu'elle a le statut de française et qu'elle est belle.
Mais ça ne lui suffit pas, elle veut être avec le plus riche, et celui qui est «
aussi riche que le roi » c'est Driss. Mais Driss est différent. Empêtré dans son corps, dans sa difficulté à communiquer, dans sa laideur, il n'aime que la moto, les voitures, les Rolex et reste à part de la bande. Et c'est pourtant le défit que se posera Sarah, l'intéresser à elle, puis le rendre amoureux, même s'il paraît demeuré, laid : il est le plus riche. Et le miracle a lieu. Petit à petit va naitre entre eux deux la tendresse, parce que lui cause peu, que Sarah aime le silence, parce qu'il ne la juge pas, le seul à la prendre comme elle est, Sarah va aimer la peau de Driss, sa chaleur, ses engouements, tout et c'est magnifique. Mais bien sûr, le monde réel ne laisse pas une telle histoire finir bien, parce que la différence sociale est un mur impossible à franchir. Je crains que cela ne soit pareil dans tous les pays du monde.
C'est donc un roman avec un personnage de femme-ado qui marque l'esprit, et les rues de Casa vont résonner pour moi longtemps des vrombissements de la moto Driss.