On dit qu'il faut oublier les exécrables choses
Dans le puits de l'oubli et au sepulchre encloses
Et que par les escrits le mal ressuscité
Infectera les moeurs de la postérité
Mais le vice n'a point pour mère la science
Et la vertu n'est pas fille de l'ignorance
Le tiers par elle fut nourri en fainéant
Bien fin mais non prudent
Pour servir son jeu lui ordonner pour maistre
Un sodomite athee, un maquereau, un traistre.
Mes sens n'ont plus de sens, l'esprit de moy s'envole,
Le coeur ravi se taist, ma bouche est sans parole :
Tout meurt, l'ame s'enfuit, et reprenant son lieu
Exstatique se pasme au giron de son Dieu.
Rien n'ostera l'acier des ciseaux de l'absence.
Je vous en veux à vous, apostats degeneres,
Qui leschez le sang frais tout fumant de vos peres
Sur les pieds des tueurs, serfs qui avez servi
Les bras qui ont la vie à vos peres ravi !
Les cheveux arrachés, les effroyables cris
Des meres qui pressoyent à leur sein leurs petits,
Ces petits bras liés aux gorges de leurs meres,
Les tragiques horreurs et les raisons des peres,
Les voix non encor voix, bramantes en tous lieux,
Ne sonnoyent la pitié dans les cœurs impiteux.
Des tueurs resolus point ne furent ouyes
Ces petites raisons qui demandoyent leurs vies
Ainsi qu'elles pouvoyent ; quand ils tendoyent leurs mains,
Ces menottes monstroyent par signes aux inhumains :
Cela n'a point péché, cette main n'a ravie
Jamais le bien, jamais nulle rançon ni vie.
Comme tu as promis, donne en ces derniers ans
Songes à nos vieillards, visions aux enfans.
Si je n'ay or ne myrrhe à faire mon offrande
Je t'apporte du laict : ta douceur est si grande
Que de mesme œil et cœur tu vois et tu reçois
Des bergers le doux laict et la myrrhe des Rois.
Sur l'autel des chetifs ton feu pourra descendre
Pour y mettre le bois et l'holocauste en cendre,
Tournant le dos aux grands, sans oreilles, sans yeux
A leurs cris esclatans, à leurs dons precieux.
"Retourne à ta moitié, n'attache plus ta veuë
Au loisir de l'Église, au repos de Capue.
Il te faut retourner satisfaict en ton lieu,
Employer ton bras droict aux vengeances de Dieu.
Je t'ay guidé au cours du celeste voyage,
Escrits fidellement : que jamais autre ouvrage,
Bien que plus délicat, ne te semble plaisant
Au prix des hauts secrets du firmament luisant.
Ne chante que de Dieu, n'oubliant que lui mesme
T'a retiré : voilà ton corps sanglant et blesme
Recueilly à Thalcy, sur une table, seul,
A qui on a donné pour suaire un linceul.
Rapporte luy la vie en l'amour naturelle
Que, son masle, tu dois porter à sa femelle."
Parmi ces aspres temps l'esprit, ayant laissé
Aux assassins mon corps en divers lieux percé,
Par l'Ange consolant mes ameres blessures,
Bien qu'impur, fut mené dans les regions pures.
Sept heures me parut le celeste pourpris
Pour voir les beaux secrets et tableaux que j'escris,
Soit qu'un songe au matin m'ait donné ces images,
Soit qu'en la pamoison l'esprit fit ces voyages.
Ne t'enquiers, mon lecteur, comment il vid et fit,
Mais donne gloire à Dieu en faisant ton profit.