Cela faisait longtemps que ce livre m'attendait sur l'une des étagères de ma bibliothèque et c'est à la faveur du défi Lecture 2022 des Editions du Seuil que je l'ai sélectionné quand il m'a été proposé de choisir "un livre sur une figure historique".
Qui ne connaît pas, en effet, cette
Lucie Aubrac (1912 - 2007), fameuse résistante lyonnaise immortalisée sous les traits de
Carole Bouquet dans le film éponyme de
Claude Berri diffusé en 1997 ?
Qui ne connaît pas cette intarissable raconteuse de la réalité de la Résistance auprès des collégiens et des lycéens de France et de Navarre ?
Qui ne connaît pas cette militante engagée politiquement (PCF) et fervente militante pour la paix ?
Je savais tout cela, et pourtant j'ai dévoré son livre qui, a posteriori, sous la forme intéressante d'un journal, retrace neuf mois (mai 1943 à février 1944) de sa vie de femme, de mère, de professeur d'histoire et surtout de résistante particulièrement engagée dans sa ville de Lyon, et qui fera évader son mari par trois fois des geôles de la Gestapo.
J'ai beaucoup appris à sa lecture même si déjà beaucoup d'images étaient inscrites en filigrane dans notre inconscient collectif. Mais, comme dirait l'autre, ces images prennent une toute autre dimension dès lors qu'elles sont racontées par l'une des personnes qui les a vécues.
Comment en effet ne pas être admirative du courage quotidien qu'il a fallu à cette femme pour dépasser sa condition de femme livrée à elle-même, enceinte de surcroît, et réaliser les actions (certes avec ses camarades également impliqués) héroïques petites ou de plus grande ampleur ?
Car il convient de ne pas oublier qu'à cette période, tout comportement potentiellement suspect (porter un nom d'emprunt, héberger des évadés ou des résistants, distribuer de la propagande, contribuer à faire circuler des messages entre différents groupes de résistance, rencontrer trop régulièrement des gens, se fournir au marché noir, et même signer une pétition anodine, etc.) pouvait mener directement dans les locaux de la prison de sinistre réputation de Montluc.
Et pourtant, elle prendra tous les risques, Lucie, pour éviter que son homme ne connaisse le même funeste destin que
Jean Moulin en compagnie duquel il a été arrêté !
On apprend aussi beaucoup sur la responsabilité des membres de la Milice et de certains fonctionnaires de la police nationale aux ordres de la Gestapo ; sur l'engagement désintéressé de Messieurs et Mesdames Toutlemonde qui, ici ou là, hébergeront les membres du réseau ou ouvriront leur porte aux fugitifs en attente de transfert sur Londres ; sur la détermination de certains médecins qui osaient soigner et protéger des résistants recherchés ; sur les liens qui unissaient les différents réseaux lyonnais, sur l'organisation matérielle des choses...
On suivra enfin vraiment avec angoisse (et presque avec le suspense d'un thriller) cette "délivrance" si longtemps attendue et maintes fois reportée. Non pas celle de Lucie enceinte de neuf mois, mais bien celle de leur couple et de leur enfant qui, à la faveur du voix anonyme de la BBC, partiront enfin dans l'ivresse.
Pour moi, à l'heure où certains ont la tentation de réécrire
L Histoire comme ça les arrange, c'est sans conteste un livre qu'il faut pouvoir mettre entre toutes les mains (et notamment les jeunes scolaires) POUR NE JAMAIS OUBLIER cette période de l'Histoire.
De même que la parole des Juifs rescapés de la Shoah, la parole des résistants doit pouvoir se transmettre sans être déformée pour dénoncer, expliquer, comprendre et faire en sorte que tout-un-chacun conserve son libre arbitre et ait la capacité d'agir, en tant que citoyen, en toute connaissance de cause et en adéquation avec ses principes et valeurs.