Chounard

Le paiement des gains est plafonné ainsi : chez le détaillant jusqu’à 399,90 € en espèces, de 400 € à 30 000 € un virement bancaire, au-dessus de 30 000 € il faut se rendre à l’agence de la Française des jeux qui fait le virement. Je lui demande également si le commerçant connaît le montant du gain si ça dépasse les 30 000 €, la réponse est négative ou alors il faut qu’il retienne les cinq numéros et les deux étoiles, les tape sur sa bécane qui donne le montant pour cette combinaison.

J’ai le béguin aussi pour toi. Tous les jours j’étais dans l’impatience de tes visites, d’entendre ta voix, de te voir entrer dans la chambre, de tes conneries qui sortent de je ne sais où, de plonger dans tes yeux que j’appelle « mes bleus », du baiser que tu me déposais sur le front ! J’ai même pensé à dessiner une bouche au rouge à lèvres pour que tu te trompes ! Tes mains, j’avais envie de te les couper pour les garder sur moi !

J’ai joué le mardi à l’EuroMillions. Le mercredi matin, je suis descendue prendre des clopes. J’ai fait vérifier le ticket. Là, j’ai appris que j’avais gagné plus de 30 000 € puisque le type m’a expliqué que c’est le plafond qu’il peut rembourser par virement et que, par conséquent, il fallait que je me rende à la Française des jeux. Je suis remontée à l’appart et, là, j’ai hurlé de joie devant mon ordi.

— Je t’aime… Ça ce n’est pas le scoop du jour. Je ne veux plus garder ce poids de mes non-dits, ça c’est le scoop.

— Je peux juste poser ma tasse, revenir à ma place initiale, e cochichar um « eu o amo, minha seda » (et chuchoter un « je t’aime, ma soie »). Voilà, je ne bouge plus.

Tous ces lieux magiques mettent en ébullition l’autochtone extatique que je suis. Lucile est le continent du plaisir, je me sens océan qui l’entoure. Ma langue s’abat sur ses plages, mes mains ondulent sur ses pores, ma verge flotte suivant les courants pour s’échouer sur une de ses criques, mon foutre envahi ses fleuves. J’ai beau faire le tour du continent Lucile, c’est toujours, encore, plus grand…

Ses jambes capturent ma taille et attirent mon ventre contre son ticket de métro. Je ne suis plus qu’un tronc d’arbre à la branche tendue avec un koala accroché. Pas un mot ! Et puis, merde, on ne parle pas la bouche pleine. Nous passons six nuits dans cette même chambre, les instincts de marsupiaux ressurgissent à tout instant. Seul le dîner et les balades champêtres nous font quitter la piaule. Je suis un Aborigène.

Le repas est délicieux, la nuit divinement collante. J’ouvre les yeux et vois la belle, une mèche de cheveux vole par intermittence, se dépose à la cadence du souffle de cette beauté. Ses yeux d’or s’ouvrent. Je caresse cette soie, chavire sur elle pour me coller à ses seins, à son ventre, à ses lèvres.

Elle suit le tempo de tout son corps en faisant l’amour avec l’astre solaire. D’un commun accord, vu l’heure et la route, on inverse les destinations. Van Gogh, auberge, nous aurons plus de temps demain pour les Carrières de Lumières. Lucile, qui a entreposé les entrailles des bagnoles dans la chambre d’ami prépare son baise-en-campagne. Je fais de même dans ma bordélique chambre. Le trajet est rythmé par des joutes musicales, à coups de « écoute ça… non ça… tiens et celle-ci… ». Tous les morceaux sont coupés dans cette frénésie de partage.

— Tu m’énerves ! Si tu étais là, je te crèverais les yeux, t’enlèverais les points un à un avec les dents, te taperais dans les côtes pour que tu ne puisses plus respirer et me jetterais sur ta queue pour te torturer à la bouche.

J’ai du mal à me reconnaître dans le reflet du miroir de la salle de bains. L’estafilade du haut de la tempe à la moitié de la joue me renvoie à ces deux connards que j’aimerais éliminer, mais c’est un peu radical comme riposte.