Citations sur Le naufrage de Venise (30)
Guido n'a jamais goûté l'art baroque. Trop de dorures, trop de tarabiscotages, trop de chichis aurait dit sa mère. Il comprenait que les artistes avaient rivalisé sans fin pour illustrer leur habileté et flatter leurs mécènes, mais cette débauche paraissait, au paysan qu'il était resté, une perte de temps et d'argent.
L’art n’est pas qu’une vue de l’esprit, l’art peut aussi dire le vrai et nous parler à travers les siècles.
Et puis il ne veut pas de cet accès de service. il veut le vrai, celui qui coupait le souffle à trente millions de personnes par an et déchaînait les imaginaires. Arriver par le sud et s'engager d'entrée de jeu entre le palais des Doges et le globe d'or de la Dogana pose l'exception vénitienne. Où que se porte le regard, il ne croise que raffinements. La ville s'offre à la fois avec son unité, compacte, résistante au milieu des eaux, et comme une infinie variété de dentelles de pierres, dont chacune murmure son histoire. Ce paradoxe saute aux yeux : Venise retranchée sur son nid de vase et de boues, Venise ouverte par la profusion de ses canaux où transitaient et transitent encore toutes les nations du monde. La ville cultive le superlatifs : trop de palais, trop d'églises, trop d'élégances sont réunis en un seul lieu. Même si on s'y est préparé, Venise époustoufle, elle intrigue, elle affole, elle fascine.
Arriver par le sud et s’engager d’entrée de jeu entre le palais des Doges et le globe d’or de la Dogana pose l’exception vénitienne. Où que se porte le regard, il ne croise que raffinements. La ville s’offre à la fois avec son unité, compacte, résistante au milieu des eaux, et comme une infinie variété de dentelles de pierres, dont chacune murmure son histoire. Ce paradoxe saute aux yeux : Venise retranchée sur son nid de vase et de boues, Venise ouverte par la profusion de ses canaux où transitaient et transitent encore toutes les nations du monde. La ville cultive les superlatifs : trop de palais, trop d’églises, trop d’élégances sont réunis en un seul lieu. Même si on s’y est préparé, Venise époustoufle, elle intrigue, elle affole, elle fascine.
Les palais et les églises, les beautés et les luxes ont été faits pour être admirés, enviés, impressionner, servir le pouvoir. Mais le vrai pouvoir de cette ville aujourd'hui est celui d'abolir le temps, et celui-là n'appartient qu'à ceux qui y habitent au jour le jour, le long de ces rios sombres. Se promener quelques heures durant parmi des monuments ne procurera jamais ce luxe de vivre au quotidien au cœur des siècles, d'y tutoyer, en quelque sorte, l'immortalité. Léa se laisse bercer par son vagabondage. Elle imagine surgir au coin des quais une foule mêlant les chevaliers et les putains, les portefaix et les soudards, les mamies poussant leurs caddies ou le menuisier de San Trovaso. C'est d'être habitée qui rend Venise unique. Une cité musée serait une cité morte.
Il n'a jamais douté. Des hommes ont construit Venise, d'autres la sauvent aujourd'hui. Tout est en ordre.
De même, l'architecture ne se regarde qu'en la rapprochant des techniques de construction, des qualités propres des matériaux, de l'art de leur mise en œuvre. Au début de tout, il y a la physique et la chimie, que cela vous plaise ou non. Le réel, le réel, martèle-t-il, le reste c'est de la littérature !
Quand il était de meilleure humeur, il se disait qu'en politique Voltaire avait raison : "Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge".
La basilique della Salute a mieux résisté, ancrée sur plus d'un million de pieux et sans constructions trop proches pour lui tomber dessus. Elle a perdu l'abondante statuaire qui trônait en équilibre autour du dôme, seule la Vierge, tout en haut, demeure, bénissant les ruines et les morts. Elle était là pour protéger la ville de la peste. Personne ne lui avait demandé d'ajouter le risque de submersion à ses talents.
Cela lui évoque l’impression d’irrémédiable qu’elle avait ressentie en regardant une émission de télévision sur la destruction des bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan. Quand les grandes faces sereines s’étaient écroulées en poussière, elle avait fait connaissance avec le désarroi d’un deuil qu’elle croyait réservé aux morts humains.