C’est à travers Genet que Driss découvre les chiens de Giacometti ; un univers fabuleux et énigmatique pour Ibn kalb. Ce dernier médite Le Chien de l’artiste : un être en mouvement, un corps fin et massif élancé dans sa nonchalance vers un but mystérieux. Il est fait d’une matière qui donne l’impression de s’effilocher à l’infini, de se mouvoir continuellement. Il s’allonge vers l’horizon. Sa flânerie est celle de l’artiste dans sa troublante élégance. Il est maigre et solitaire mais il donne l’impression de n’avoir besoin de rien. Driss finit toujours par conclure fièrement : C’est l’Artiste ! En effet, Jean Genet rapporte que Giacometti lui avait avoué : « C’est moi. Un jour je me suis vu dans la rue comme ça. J’étais le chien. » Ibn Kalb trouve cette phrase d’un courage terrible, il la tourne et retourne dans tous les sens et à chaque fois elle est toute neuve. Quel courage de revendiquer cette identité. Driss se répète : « C’est moi… J’étais le chien. C’est moi… J’étais le chien. » Et la voix de Saïd le tire de ses rêveries :
« - Qu’est-ce que tu murmures mon pote ? Je te demande ton avis !
- Mon avis à quel sujet ? Désolé, j’étais un peu dans les nuages…
- Tu crois que nos normes sont en harmonie avec celles de l’Espagne ? répète Saïd un peu exaspéré.
- C’est sûr qu’il y a des différences mais nous avons pas mal de points communs. »
Driss donne cette réponse évasive sans oser développer ou aller plus loin, pour ne pas dévoiler son ignorance totale du sujet de la conversation. Les autres n’insistent pas non plus. C’est le moment de reprendre la route, tout le monde monte dans le minibus. En route pour Tanger.
Testament d'un livre de Abdellah Baida (Maroc), Editions Marsam
Enfermé dans la bibliothèque d'al Quaraouiyine à Fès, dans un abandon total, un livre sent la fin de sa vie approcher. Il prend la décision d'écrire son « testament » avant l'extinction de son espèce.
Abdellah Baïda, romancier, nouvelliste et essayiste marocain, décoré en 2012 des insignes de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres et la République Française. Il a publié entre autres Les Voix de Khaïr-Eddine (essai, 2007), Au fil des livres, chroniques de littérature marocaine de langue française (essai, 2011), le dernier salto (roman, 2016).
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Promouvoir les talents littéraires africains et l'édition locale : c'est aussi l'un des objectifs de la Fondation Orange qui a organisé cette année et pour la deuxième année consécutive, le Prix Orange du Livre en Afrique. Avec le soutien de l'Institut Français, ce prix récompense un roman écrit en langue française par un écrivain africain et publié au cours de l'année précédente par une maison d'édition basée sur le continent africain.
Pour cette deuxième édition, trente-huit romans ont été proposés par vingt-huit maisons d'édition basées dans quatorze pays différents. Ces romans ont été lus par des comités de lecture basés en Tunisie, au Sénégal, en Guinée, au Cameroun, en Côte d'Ivoire et au Mali. Six finalistes ont été désignés le 27 février, qui représentent bien la diversité et la richesse de la littérature africaine francophone : découvrez-les !
Rendez-vous sur https://www.lecteurs.com/prix-orange-du-livre-afrique
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