Emily n’a que quatorze ans lorsque sa mère, de qui elle est très proche, succombe à la tuberculose. À la mort de son père deux ans plus tard, la fille aînée, Edith, se charge du soin de la famille. Incapable de tolérer la sévérité de sa soeur, Emily persuade son tuteur, James Lawson, de lui permettre d’aller étudier les beaux-arts à la California School of Design de San Francisco en 1890. La situation financière de la famille l’oblige à rentrer à Victoria trois ans plus tard. Carr commence à donner des cours d’art dans son atelier et après avoir mis suffisamment d’argent de côté, elle entreprend en 1899 un deuxième séjour à l’étranger, cette fois à la Westminster School of Art à Londres. Déçue par la formation conservatrice et l’insalubrité de la capitale anglaise, Emily quitte cette école au bout de deux ans.
Au printemps 1901, Emily Carr fait un voyage de douze jours à Paris où elle visite le Louvre à plusieurs reprises, ainsi que des galeries privées. Il est possible qu’elle y ait vu des oeuvres des impressionnistes, des postimpressionnistes et des fauves, notamment Vincent Van Gogh (1853-1890), Claude Monet (1840-1926), Camille Pissarro (1830-1903) et Henri Matisse(1869-1954). Elle constate lors de ce bref séjour que Paris est un centre artistique plus important que Londres.
Ce n’est qu’à partir de 1927, alors qu’elle est dans la cinquantaine, qu’Emily Carr acquerra une renommée à l’échelle nationale. Eric Brown, le directeur de la Galerie nationale du Canada à Ottawa (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada), lui rend visite pour l’inviter à participer à l’Exhibition of Canadian West Coast Art: Native and Modern, où ses oeuvres côtoieront celles du Groupe des Sept. C’est Marius Barbeau, l’ethnologue rattaché au Musée national du Canada et le cocommissaire de cette exposition, qui avait fait connaître son travail à Brown.
À partir de la fin des années 1920, afin de mieux comprendre sa relation à la nature, elle entreprend une quête spirituelle et mystique auprès des cultures des Premières Nations (notamment en effectuant de longues expéditions vers les villages autochtones dispersés dans la région de l’intérieur méridional et la zone côtière de la Colombie-Britannique), de prêtres hindous, d’artistes chinois expatriés et des philosophes et auteurs humanistes — Walt Whitman, Henry David Thoreau et Ralph Waldo Emerson, en particulier. Par contre, de 1913 à 1924, année où débute une association fructueuse avec des artistes de Seattle, plus particulièrement Mark Tobey (1890-1976), elle est persuadée que sa carrière est un échec.
Emily Carr devient, au même titre que les membres du Groupe des Sept, une figure dominante de l’art moderne au pays au début du vingtième siècle et sa vision du Canada est maintenant emblématique. Emily Carr. Sa vie et son œuvre explore le parcours de cette artiste résiliente et audacieuse, depuis sa jeunesse à Victoria, où elle se fait difficilement accepter, jusqu’à sa consécration. Son œuvre, qui représente le paysage de la Colombie-Britannique d’une manière moderne et spirituelle tout à fait unique, est une manifestation d’identité nationale et une source d’inspiration pour les générations à venir.