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Critique de glegat


« Relire Balzac. Cela ne se décide pas, en fait. Chaque fois, c'est comme d'avoir trop mangé. On met longtemps à y revenir. Seulement, une fois par an, c'est reparti pour trois semaines. On en relit un, et c'est celui-ci qui vous commande lequel suivra, on déroule un fil, qui d'année en année ne sera jamais répété à l'identique. » François Bon « Notes sur Balzac » tiers livre éditeur (2016).

François Bon décrit parfaitement ce qui m'arrive tous les ans. Dans mes étagères il y a plusieurs endroits réservés à Balzac, dans mon bureau trônent les seize volumes de l'oeuvre De Balzac dans la collection « Le club français du livre » des années 1970. J'ai au moins trois étagères consacrées aux biographies De Balzac et à l'étude de ses oeuvres. À l'étage une autre édition de la Comédie Humaine celle de France loisirs et dans une autre pièce tous les romans De Balzac en poche. J'ai donc des doublons, mais c'est sans importance, chaque édition présente un intérêt particulier, soit pour la typographie, soit pour les illustrations soit pour les préfaces, ou encore pour la taille du livre. Ainsi, suivant mes besoins et mes envies je pioche dans l'une ou l'autre de ces réserves pour lire ou relire Balzac. le mois dernier j'ai acheté une nouvelle édition du Père Goriot et j'ai eu plaisir à lire sur du papier neuf. J'ai eu envie de poursuivre avec « Illusions perdues » qui fait une excellente suite au « Père Goriot » et naturellement il me fallait compléter avec Splendeurs et misères des courtisanes pour clore ce que l'on appelle le « Cycle de Vautrin ». Ces trois romans forment un ensemble très cohérent pour prendre la mesure de l'oeuvre De Balzac. On y retrouve tous les personnages principaux dont on peut suivre les histoires d'un livre à l'autre. Ces trois livres couvrent la période d'écriture la plus féconde De Balzac située entre 1834 et 1847. Splendeurs et misères des courtisanes est considéré comme le couronnement de la Comédie Humaine, Balzac n'a pratiquement plus écrit après. Il n'est pas conseillé d'aborder Balzac en commençant par Splendeurs et Misères, il rebutera sans doute les néophytes à cause de son volume (plus de 600 pages en édition de poche) et du nombre important de personnages plus d'une centaine. C'est un véritable volcan en éruption, Balzac reprend les principaux personnages du Père Goriot et d'Illusions perdues et les fait évoluer dans le Paris des années 1820-1830 dans les milieux les plus éloignés les uns que les autres, la haute bourgeoisie, la banque, la police, la justice, le milieu carcéral et les criminels en tout genre qui peuplent les quartiers les plus malfamés de la capitale. Balzac passe de l'écriture la plus raffinée à l'argot en passant par les patois dont l'auteur reproduit les accents avec humour et un évident plaisir. C'est le roman de l'ascension sociale et de la déchéance, de l'ambition, de la bourgeoisie, des ducs et des duchesses, mais aussi des criminels, de l'amour, de l'argent le tout dans une ambiance de roman policier ou les déguisements, les fausses identités, les rebondissements rendent ce livre particulièrement vivant. Les personnages centraux sont Lucien de Rubempré, le jeune ambitieux au talent certain, mais dépourvu de volonté et de caractère qui va bénéficier de l'aide de l'intriguant et énigmatique Vautrin, ancien bagnard qui prend de multiples identités, pratique la chirurgie esthétique, imite les accents, baragouine en plusieurs langues pour construire ces différentes personnalités : il est tantôt l'Abbé Carlos Herrera envoyé du roi d'Espagne, Jacques Colin alias Trompe-la-mort, le bourgeois Vautrin etc. Il se sert de Rubempré, dont il est secrètement amoureux, pour assouvir sa revanche sur la société.
"Pour lui (Vautrin), Lucien était plus qu'un fils, plus qu'une femme aimée, plus qu'une famille, plus que sa vie, il était sa vengeance; aussi comme les âmes fortes tiennent plus à un sentiment qu'à l'existence, se l'était-il attaché par des liens indissolubles".
Ce qui est étonnant aussi dans ce roman ce sont les multiples références que Balzac fait à ses autres livres sous la forme de courtes indications comme (Voyez le Père Goriot), (Voir Scènes de la vie Parisienne, l'Interdiction) etc.. Dans le court du récit il nous donne des indications sur son oeuvre "Jacques Collin" (Vautrin), espèce de colonne vertébrale qui par son horrible influence relie pour ainsi dire le Père Goriot à Illusions perdues et illusions perdues à cette études". Ce renvoi à la fiction au milieu d'un récit qui se veut réaliste est caractéristique de l'écriture et de la pensée De Balzac.

Balzac nous invite dans tous ses livres à un véritable festin historico-littéraire, il y a d'abord l'histoire des moeurs de son époque mise en scène avec une galerie de personnages extraordinaires. Un texte émaillé de citations latines, de calembours, de mots rares, de rappels historiques, de références à l'antiquité, à la littérature de tous les temps, à la philosophie, à la politique, un assemblage vertigineux d'informations au point parfois d'inciter le lecteur à recourir à internet pour mieux comprendre encore la pensée de l'auteur. Ceci donne parfois le vertige lorsque l'on sait que, pour écrire (3 à 4 romans par an), Balzac ne disposait d'aucun des moyens modernes de traitements et de diffusions de l'information (internet, iPhone, etc.), moyen bien pratique pour retrouver le rappel d'un fait historique, un nom, un synonyme, une définition. Sa bibliothèque ne comportait que quelques centaines de livres et Pierre Larousse n'avait pas encore publié son Grand Dictionnaire du XIXe siècle. Autrement dit Balzac ne disposait que de sa plume d'oie, d'un encrier et de son prodigieux cerveau capable de mémoriser sans effort la totalité de ce qu'il voyait, lisait ou entendait.

Il y a pourtant des moments où l'attention du lecteur peut retomber, je dois avouer que moi-même pourtant passionné par Balzac, j'ai quelquefois eu du mal à suivre les intrigues dans le détail et je me suis un peu perdu dans la multitude des personnages. D'autres lecteurs trouveront sans doute un peu superflue les nombreuses digressions explicatives De Balzac, pour ma part j'ai beaucoup apprécié quand Balzac nous décrit les corridors, les bureaux, les escaliers des prisons et du palais de justice avec une précision telle que nous ne pouvons pas douter du fait qu'il connaissait parfaitement les lieux et qu'il avait tout mémorisé. Plus loin il nous explique le fonctionnement de la justice, le rôle des huissiers, des greffiers, des juges, de la police et déroule avec minutie la procédure pénale tout en portant un jugement sur ces institutions et en proposant des améliorations. Balzac s'emporte peut-être un peu en multipliant les intrigues et en exagérant l'extravagance de ses personnages, il est emporté lui-même par la puissance de son imagination et il a le sentiment de pouvoir donner la vie à tout ce qui sort de sa plume. Un roman De Balzac c'est comme un torrent qui vous entraîne et il faut du souffle pour se laisser emporter sans sombrer, mais on n'est jamais déçu du voyage. Et tant pis si l'on a bu la tasse, car même si l'océan est trop profond, on y revient toujours.

— « Splendeurs et misères des courtisanes », tome XIII et XIV de l'édition « La Comédie Humaine » France loisirs (1986).
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