Ce livre alterne les monologues de Roxane, «
l'enfant parfaite », exposée à tous les stress de l'adolescence dans un lycée élitiste, et le récit par un narrateur anonyme du vécu étroit, frustré et coupable d'un cardiologue ami de la famille, François. On comprend au milieu du roman le lien ténu mais tragique qui lie Roxane à François : Roxane s'est défenestrée au cours d'un traitement pour l'acné imprudemment renouvelé par François ; la mère de Roxane attaque ce dernier en justice, plaidant que le traitement est la seule cause du suicide. La vivacité du personnage de Roxane, personnalité complexe et fragile, renouvelle le thème du suicide adolescent et de ses multiples facettes, ici la compétition scolaire, la mésentente familiale, la carence de communication, la déception amicale et amoureuse, la perturbation de l'image de soi par une acné sévère, et peut être aussi l'effet du traitement.
La construction du livre est ambitieuse avec une découpe musicale faite d'une Ouverture (qui contient le texte intégral du serment d'
Hippocrate, version 2012 du Conseil de l'Ordre !), puis un Premier, Deuxième, Troisième, Quatrième Mouvement et une Finale, ces morceaux eux-mêmes découpés en 32 chapitres qui ont chacun leur exergue. Un autre artifice est le va-et-vient entre les deux récits, celui de Roxane et celui de François, une technique du polar et de la SF pour soutenir l'intérêt : ils convergent à la page 135, mais Roxane continue à monologuer après le chapitre de son suicide et il n'y a pas de dénouement du suspense, car on ne sait pas l'issue de l'action en justice.
La découpe musicale évoque la mère de Roxane, altiste dans un groupe de musique de chambre, artiste frustrée et sourde d'une oreille. Dans les monologues de Roxane la musique savante (Mozart, Schubert, Chostakovitch) alterne avec la violence et la crudité du rap (Damso, PNL, Lord Esperanza) et l'ado pense ou parle en deux langues, le français soutenu et un argot mêlant le verlan au slang américain. le métissage culturel chez les jeunes et les moins jeunes est bienvenu en musique et en poésie, mais le mixage des langues intervient de façon peu crédible dans les mêmes tableaux d'un même chapitre et n'atteint pas l'invention verbale de l'Agrippine de Bretécher. D'ailleurs l'humour est ici absent. Charitable, l'autrice propose un index dès la deuxième page, opposant le parler djeune à celui des adultes à propos de daronne : « Si le sens de ce mot vous échappe, pas de panique. Cela signifie seulement que vous n'êtes pas un ado ». Bien reçu, mais Roxane/Vanessa oublie que daron/daronne est employé par Rimbaud, Céline,
San Antonio et bien d'autres.
Ces procédés font sauter des pages, de même que quelques clichés (parents aveugles, profs sadiques, puceaux gavés de porno) et une documentation excessive sur la cardiologie interventionnelle, l'imputabilité des effets secondaires des médicaments ou la déontologie médicale.