Quoi qu’on fasse, ça ira. On survivra toujours.
En général, il est préférable de savoir quel genre de personne on est. Je sais ce que je suis, je sais comment je fonctionne. J’analyse trop les choses, mais j’en ai conscience et je dispose d’une sorte de commande exécutive qui prend le pas sur les délibérations les plus vaines dès qu’elles dépassent un certain seuil. Je vois ça comme un comité, une assemblée permanente. Parfois, il faut se rendre à la salle de réunion où se tiennent les débats – c’est-à-dire prendre la décision finale et en assumer les conséquences –, fermer délicatement la porte de l’extérieur, couper court aux conversations fiévreuses, reprendre le contrôle de la situation et poursuivre le plus calmement possible ce qu’on était en train de faire. Je maîtrise si bien la chose qu’on m’a accusé plusieurs fois d’être un peu trop impulsif, ce qui me semble assez ironique, évidemment.
La paix sociale a un prix. Le système est complètement pourri, mais il fonctionne.
Cette saloperie de réchauffement climatique, c’est notre faute à nous, bordel, et pas à ces petits enculés de volcans islandais, ni aux politiciens menteurs, à la guerre ou à je ne sais pas quoi. Mais nous, nous ne méritons pas ce qu’ils nous font subir !
Le recul. Ce dont on est généralement incapable…
Ça me paraît fou, aujourd’hui. Ça me paraissait fou à l’époque. Impossible de décider qu’on a trouvé notre seule et unique âme sœur sur un simple regard, sur le balancement d’une chevelure, qu’on ait quinze ou cinquante ans – mais le jour où cela se produit, on n’a pas beaucoup le choix. J’étais encore un gamin, à peine capable de penser assez clairement pour savoir ce genre de choses, mais je le sentais. La part de moi décisionnaire, impulsive, dure comme l’acier, m’a présenté tout ça comme une évidence inébranlable, une certitude d’airain, valable éternellement.
Ne jamais chambouler tout un réseau d’arrangements et de bénéfices mutuels en s’attaquant l’un l’autre. Si les choses devenaient vraiment incontrôlables, les flics ne pourraient plus fermer les yeux.
Comme la plupart des gamins, nous étions à la fois horrifiés et attirés par n’importe quel truc effrayant.
Chaque vague se forme, se brise, grossit encore, puis s’effondre à nouveau avant que d’autres crêtes ne renaissent de leurs restes pâles, telle une armée de fantômes condamnés à disparaître dans le flou de la rivière, en amont.
Les médecins ont évoqué à plusieurs reprises la taille remarquable de son pauvre foie humilié et fatigué. Ils lui ont poliment suggéré de reconsidérer son amour immodéré de l’alcool, sans parler de son étrange besoin suicidaire d’aspirer de la fumée cancérigène dans ses poumons.