Tout le monde se confie à moi mais moi, je ne me confie à personne. Parler est tout aussi dur que se taire. Et puis qui se soucie de ce que j'ai à raconter, de ce qui a bien pu m'arriver jusqu'ici ?
Depuis six mois que ma petite Lucie est ici je sais désormais que chacun d'entre nous a en soi la capacité d'aimer et qu'il suffit de la réveiller. Si ce n'était pas inné, comment pourrais-je être capable d'aimer alors que je n'ai jamais été aimée ?
Je me plais à imaginer qu'elle est ma petite soeur bien que je ne sache pas si elle est d'accord ou non. De toute façon, elle a cinq ans et elle a besoin qu'on s'occupe d'elle. Et puisque je suis la seule volontaire... Je n'ai jamais pris soin de qui que ce soit mais j'y arriverai.
L’action permet de rayer de la mémoire ce qui est source de souffrance et d’angoisse. Elle semble libératrice et salvatrice.
..... j'ai tendance à me laisser envahir par des émotions contradictoires : la colère poussée jusqu'à la haine, la déprime tout aussi destructrice mais qui s'oppose à la colère qui, elle, empêche de sombrer dans le désespoir et l'inaction.
Nous sommes comme des gitans, nous ne restons jamais bien longtemps au même endroit.
Elle avait tort lorsqu'elle disait que sa présence ferait de notre vie un enfer. C'est son absence qui bouleversait et détruisait tout et transformait notre existence - surtout la mienne - en cauchemar.
Cette violence est absurde mais toute guerre finit probablement par le devenir à la longue, même si au départ les hommes qui vont au combat sont guidés par leur patriotisme et un idéal qu'ils croient nobles. L'idée d'être obligé de tuer afin de défendre ma vie m'angoisse. C'est incompatible avec le fait d'être médecin.