Parce que je suis en partie constituée de ton depart. Ton absence fait partie de moi, elle m'a aussi fabriquée. Tu es celle à qui je dois cette eau trouble qui abreuve mes racines, multiples et profondes.
Ainsi, tu continues d'exister.
Dans ma soif inaltérable d'aimer.
Et dans ce besoin d'être libre, comme une nécessité extrême.
Mais libre avec eux.
Je suis libre ensemble, moi.
Le paysage se déroule et s'éloigne, tu avales tout des yeux tranquillement. Tu sens que tu es à ta place, pour la première fois. Installée dans le mouvement des choses.
Je pose mes yeux sur toi une dernière fois.
Tu as de gros seins. Pas nous.
Tu as une armure. Pas nous.
Nous sommes ensemble. Pas toi.
Tu ne nous auras pas tout légué.
Parce que je suis en partie constituée de ton départ. Ton absence fait partie de moi, elle m'a aussi fabriquée. Tu es celle à qui je dois cette eau trouble qui abreuve mes racines, multiples et profondes.
Ainsi, tu continues d'exister.
Dans ma soif inaltérable d'aimer.
Et dans ce besoin d'être libre, comme une nécessité extrême.
Mais libre avec eux.
Je suis libre ensemble, moi.
Elles fabriquent des armes. Transforment les casseroles en navire de guerre. (...)
Elles ont la prestance des grandes ballerines. L'élégance du geste utile.
Elles sont aussi un stimulus, une récompense. Les hommes qui partent au front se battent aussi pour elles: leur beauté participe à l'effort de guerre. (p. 71)
L'autobus ralentit. Marque un arrêt devant le garage d'un petit village, où deux vieillards l'attendent. Ils montent à bord en s'excusant. Ils ont la présence effacée des existences en pointillé. Ils ont traversé la vie sans faire de bruit en se tenant par la main. Ils ont souri quand il fallait. Ils ont pleuré et jamais crié. Ils s'assoient côte à côte comme d'habitude. Leur odeur se confond et ils pensent en choeur à des choses qui ne dérangent personne. Tu ne veux pas mourir comme eux. Ordinaire.
"Il faut stopper l'assassinat du présent et du futur à coups acharnés du passé."
Ma mère a toujours peur qu'on l'abandonne encore. Même si une mère, ça ne s'abandonne pas, il faut faire attention parce que, pour elle, ça n'est pas si clair que ça. (p. 11)
Ma mère est assise dans ta chaise berçante. Doucement, elle te touche. Pose ses mains où tu les as posées. Embrasse le rythme de berceuse, celle qui lui a manqué. (p. 17)
Et puis un jour, tu meurs. (...)
Nous, on est en cocon familial à la campagne. Ce que mes parents ont construit et qui ne te ressemble pas. Une famille qui se colle.
(...) Ma mère s'accroche aux murs. C'est Hiroshima dans son ventre.
Enfin débarrassée de ton absence.
Elle deviendra peut-être normale. Une femme, avec une mère enterrée. (p. 16)