Le moine et le singe-roi

Je leur apprends à dominer les passions des hommes pour en faire leurs esclaves, ce n’est pas pour se faire monter comme des chiennes !

C’est lorsque je suis bien avec quelqu’un que je m’attache. Et plus on me fait de bien, plus j’ai envie d’en faire. Et plus on me fait du mal, plus j’ai envie de le rendre au centuple !

Le seul plaisir est de soumettre les hommes, d’assurer sur eux notre domination. Pour la première fois depuis des siècles, nous les faisons passer du stade de prédateur à celui de victime. Très instructif pour eux…

Savez-vous que l’on peut avec une simple rose, déclinée sous toutes ses formes, exprimer le sentiment amoureux et le moment de son éclosion ?

Je peins pour des gens importants qui demandent parfois à rencontrer les modèles lorsque leurs personnages enflamment leur imagination. Cela entraîne parfois des suites plus ou moins heureuses… Ce n’est pas la réalité que nous représentons, savez-vous ? Je peins les choses qui sont derrière les choses…

— Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage…
La référence à Ulysse avait du sens. De tous les héros de la mythologie, Ulysse, le plus insaisissable d’entre eux, semblait se bâtir à l’antithèse des autres, tout comme le moine. Son esprit, aussi souple que le leur était rigide, rebondissait après chaque échec, chaque naufrage, pour se reconstruire. Un esprit aussi compliqué que les fils de la toile tissée par son épouse Pénélope, femme et complice. Et du moine, il en allait ainsi : les femmes se donnaient à lui ou se faisaient sa complice, et parfois les deux…

Suis-je encore en âge d’aimer ? Certes, oui ! Mais suis-je encore en âge d’être aimé ?

Décidément, la vie est tout de suite plus intéressante dès qu’il y a des femmes dans le coin !

Une femme mince au maintien de souveraine, entre trente et trente-cinq ans. Sa chevelure brune était des plus simples et ses yeux noirs irradiaient telles des pierres sombres au soleil. Il émanait d’elle un sentiment particulier sur lequel le moine hésita à mettre un nom. Une aura de pouvoir authentique semblait en effet l’auréoler mais un pouvoir atypique. Non pas quelque chose de l’ordre du politique mais plutôt du domaine physique. Comme une déesse antique qui vous soumettait par la seule force de son regard, calme et dominateur. Athéna, sans doute, vieille complice d’Ulysse. Une déesse utile mais susceptible et qu’il valait mieux ne pas trop contrarier.

Versailles, désormais terrain de chasse d’un prédateur sans nom.
Le moine observa la foule chamarrée qui tournait encore autour des lieux du crime comme une poignée de poules affolées. Il dissimula un sourire.
Tremblez, tendres poulettes, le renard est dans votre basse-cour !
Son masque d’affabilité disparut d’un coup pour révéler un mépris glacé. L’un après l’autre, les regards se détournèrent de lui, cherchant une échappatoire à son accusation muette. Sans pitié, l’œil du moine les poursuivit, jouissant tranquillement de leur déroute. Ces visages poudrés, fardés et grimés étaient ceux de vieux enfants capricieux. D’ici, il sentait l’effluve de leur crasse vainement masqué par leurs parfums d’ambre, de musc et de cannelle ou leur poudre de Chypre, leur pommade de Florence ou la cire de France.