En décembre 1950, à Marigot, en Haïti, Maria Carmen interrompt sa lessive, intriguée par le bruit d'un moteur et par des cris, dans un haut-parleur. le véhicule s'arrête et les paroles de l'homme deviennent audibles : la République dominicaine recrute pour ses plantations de canne à sucre. La jeune femme sait que des hommes ont déjà tenté leur chance, en traversant la frontière. En janvier 1951, avec son amoureux, elle décide de rejoindre cet Eldorado promis. Elle laisse son bébé à la garde de sa mère.
Une bicoque est attribuée au couple et une vie de labeur débute. « Maria Carmen avait rêvé d'une autre vie, pas d'une vie comme ça, abandonnée du monde, sans espoir, sans souffle, avec pour toute perspective, demain pareil aujourd'hui. » (p. 35) En 1963, elle met au monde son cinquième enfant : Sonia. Elle sera mère douze fois.
Sonia Pierre grandit auprès de son amie Kerline. En 1971, un religieux s'installe dans le campement de travailleurs. Venu du Québec, le père Anselme est chargé d'instruire les enfants. Très vite, il repère les facilités d'apprentissage de Sonia. Grâce à l'appui de ce dernier, elle est l'une des rares enfants du batey à suivre des études supérieures. Dès l'âge de treize ans, sa vocation d'avocate se révèle, quand elle propose aux coupeurs de canne d'organiser une grève pour faire valoir leurs droits.
Alors que Sonia Pierre a consacré sa vie à la défense des droits humains, je n'avais jamais entendu parler d'elle. Elle a, pourtant, fondé le MUDHA (Mouvement des femmes dominicano-haïtiennes), défendu sa cause, dans le monde entier, parfois au risque de sa vie et a reçu des reconnaissances prestigieuses. Elle s'est révoltée contre les conditions de vie inhumaines des travailleurs haïtiens, qui ont émigré en Républicaine dominicaine. Elle s'est battue contre les lois qui leur enlèvent leur nationalité, ainsi que celles de leurs enfants : ils sont apatrides. Malgré son combat, cette tragédie est toujours d'actualité.
Catherine Bardon retrace son destin extraordinaire, en romançant certaines scènes de sa vie personnelle. Cela rend la lecture addictive et captivante. Je me suis attachée à cette femme courageuse, au sens de la justice greffée dans sa chair. J'ai adoré ce roman fascinant.
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